Procédure devant la cour
Par une requête enregistrée le 19 mars 2020, Mme A... G..., représentée par Me B..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 23 janvier 2020 ;
2°) d'annuler ces décisions du préfet de l'Isère du 5 novembre 2019 ;
3°) d'enjoindre au préfet de l'Isère de lui délivrer un titre de séjour ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation, après lui avoir délivré une autorisation provisoire de séjour ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le paiement à son conseil de la somme de 1 500 euros au titre des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
- la décision de refus de séjour est insuffisamment motivée ;
- la décision de refus de séjour méconnaît le 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la décision de refus de séjour méconnaît le 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la décision de refus de séjour est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation quant à ses conséquences sur sa situation personnelle ;
- la décision l'obligeant à quitter le territoire français méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la décision l'obligeant à quitter le territoire français est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation quant à ses conséquences sur sa situation personnelle ;
- la décision fixant le pays de destination est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation quant à ses conséquences sur sa situation personnelle.
La requête a été communiquée au préfet de l'Isère, qui n'a pas produit de mémoire en défense.
Par décision du 11 mars 2020, le bureau d'aide juridictionnelle a accordé le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale à Mme G....
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative ;
Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Besse, président-assesseur ;
Considérant ce qui suit :
1. Mme G..., ressortissante arménienne née en 1985, est entrée en France en septembre 2011. Sa demande d'asile a été rejetée en dernier lieu par la Cour nationale du droit d'asile le 6 septembre 2013. Elle a fait l'objet les 19 février 2014 et 15 juin 2015 de décisions de refus de séjour assorties d'obligations de quitter le territoire français. Elle a bénéficié du 5 décembre 2017 au 4 décembre 2018 d'un titre de séjour qui lui a été délivré en raison de son état de santé. Par arrêté du 5 novembre 2019, le préfet de l'Isère a refusé de renouveler ce titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination. Mme G... relève appel du jugement du 23 janvier 2020 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur le refus de séjour :
2. En premier lieu, Mme G... réitère en appel, sans l'assortir d'éléments nouveaux, son moyen selon lequel la décision de refus de séjour est insuffisamment motivée. Il y a lieu de l'écarter par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges.
3. En deuxième lieu, en vertu du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est, sous réserve d'une menace pour l'ordre public, délivrée de plein droit à " l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. La condition prévue à l'article L. 313-2 n'est pas exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'État. (...) ".
4. Il ressort des pièces du dossier que, par avis rendu le 22 août 2019, le collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration a estimé que, si l'état de santé de Mme G... nécessite des soins dont le défaut peut entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, celle-ci peut effectivement bénéficier d'un traitement approprié en Arménie, pays vers lequel elle peut voyager sans risque. Si Mme G..., qui a bénéficié avec succès d'une greffe rénale en novembre 2018, fait valoir qu'elle est incluse dans une étude médicale visant à évaluer deux types d'immunodépression, les deux certificats médicaux peu circonstanciés qu'elle produit ne permettent pas d'établir que, contrairement à ce qu'a estimé le collège des médecins de l'Ofii, le traitement que requiert son état de santé ne serait pas disponible en Arménie ni qu'elle ne pourrait effectivement en bénéficier. Par suite, le moyen tiré de ce que le préfet de l'Isère a méconnu les dispositions citées au point précédent doit être écarté.
5. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) / 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République (...) ". Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
6. Il ressort des pièces du dossier qu'à la date de la décision en litige, Mme G... séjournait depuis plus de huit années en France, où elle est entrée à l'âge de vingt-six ans. Elle ne justifie toutefois d'aucune insertion sociale ou professionnelle particulière. Par ailleurs, son concubin, qui l'a rejointe en 2012, a fait l'objet le même jour d'une décision de refus de séjour assortie d'une mesure d'éloignement. Dans ces conditions, la décision refusant de lui délivrer un titre de séjour ne porte pas à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise et ne méconnaît pas les dispositions et stipulations citées au point précédent. Elle n'est pas, non plus, entachée d'une erreur manifeste d'appréciation quant à ses conséquences sur sa situation personnelle.
Sur l'obligation de quitter le territoire français :
7. Pour les motifs exposés au point 6, la décision obligeant Mme G... à quitter le territoire français ne méconnaît pas les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et n'est pas entachée d'une erreur manifeste quant aux conséquences sur sa situation personnelle.
Sur la décision fixant le pays de destination :
8. La requérante n'établissant pas ne pouvoir bénéficier d'un traitement approprié à son état de santé en Arménie, ainsi qu'il a été dit au point 4, le moyen tiré de ce que la décision fixant le pays de destination serait entachée, pour ce motif, d'une erreur manifeste d'appréciation doit être écarté.
9. Il résulte de ce qui précède que Mme G... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande. Ses conclusions aux fins d'injonction et celles qu'elle présente, au bénéfice de son conseil, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées par voie de conséquence.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de Mme G... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... G... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de l'Isère.
Délibéré après l'audience du 5 janvier 2021 à laquelle siégeaient :
M. Thierry Besse, président,
Mme F... D..., première conseillère,
Mme E... C..., première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 26 janvier 2021.
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N° 20LY01155