Par jugement n° 1808656, 1901146 lu le 19 novembre 2019, le tribunal a rejeté la demande de la société Korian La Bastide et prononcé un non-lieu à statuer sur la demande de Mme A....
Procédure devant la cour
Par requête enregistrée le 17 janvier 2020, la société Korian La Bastide représentée par Me Rozier demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement en tant qu'il a rejeté sa demande ;
2°) d'annuler la décision du 28 janvier 2019 par laquelle la ministre du travail, retirant le rejet implicite de recours hiérarchique, a annulé la décision de l'inspectrice du travail et a refusé de l'autoriser à licencier Mme A... ;
3°) de mettre à la charge de l'État une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la ministre du travail ne pouvait pas retirer sa décision implicite de rejet hors du délai de recours contentieux ;
- la ministre du travail n'a pas respecté la procédure contradictoire préalable au retrait de la décision implicite ;
- elle a respecté son obligation de reclassement, contrairement à ce qu'a estimé la ministre du travail.
Par mémoire enregistré le 10 avril 2020, Mme A..., représentée par Me Mallard, conclut au rejet de la requête et demande à la cour de mettre à la charge de la société Korian La Bastide une somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient qu'aucun moyen de la requête n'est fondé.
Par mémoire enregistré le 3 novembre 2020, la ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion conclut au rejet de la requête.
Elle s'en rapporte à ses écritures de première instance.
Par ordonnance du 19 octobre 2020, la clôture de l'instruction a été fixée au 19 novembre 2020.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code du travail ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Djebiri, première conseillère ;
- les conclusions de M. Chassagne, rapporteur public ;
- et les observations de Me Bado, substituant Me Rozier, pour la société Korian La Bastide ;
Considérant ce qui suit :
1. La société Korian La Bastide, qui exploite une maison de retraite à La Bastide, a demandé l'autorisation de licencier pour inaptitude physique Mme A..., aide-soignante investie du mandat de déléguée de site. Par décision du 29 mars 2018, l'inspectrice du travail a autorisé son licenciement. Saisie d'un recours hiérarchique qu'elle a implicitement rejeté, la ministre du travail a, par décision du 28 janvier 2019, retiré sa décision implicite, annulé la décision de l'inspectrice du travail pour non-respect du contradictoire et refusé d'autoriser le licenciement de Mme A... motif pris de l'absence de recherche de reclassement. Par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon, prononçant un non-lieu à statuer sur la demande d'annulation de l'autorisation délivrée, le 29 mars 2018, par l'inspectrice du travail et du rejet implicite de recours hiérarchique, a rejeté la demande de la société Korian La Bastide tendant à l'annulation de la décision ministérielle du 28 janvier 2019. La société Korian La Bastide relève appel du jugement du tribunal administratif de Lyon en tant qu'il a rejeté sa demande d'annulation.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
2. Aux termes des dispositions l'article L. 121-1 du code des relations entre le public et l'administration : " Exception faite des cas où il est statué sur une demande, les décisions individuelles qui doivent être motivées en application de l'article L. 211-2, ainsi que les décisions qui, bien que non mentionnées à cet article, sont prises en considération de la personne, sont soumises au respect d'une procédure contradictoire préalable ". Aux termes de l'article L. 122-2 du même code : " Les décisions mentionnées à l'article L. 211-2 n'interviennent qu'après que la personne intéressée a été mise à même de présenter des observations écrites et, le cas échéant, sur sa demande, des observations orales. Cette personne peut se faire assister par un conseil ou représenter par un mandataire de son choix (...) ". En vertu de ces dispositions, le ministre du travail, saisi sur le fondement des dispositions de l'article R. 2422-1 du code du travail, d'un recours contre une décision autorisant le licenciement d'un salarié protégé, doit mettre l'employeur au profit duquel la décision contestée a créé des droits, à même de présenter ses observations, ce qui implique non seulement la communication de l'ensemble des éléments sur lesquels le ministre entend fonder sa décision, mais encore que soit laissé au destinataire un délai suffisant pour qu'il puisse élaborer et présenter ses observations.
3. Or, il ressort des pièces du dossier que la société Korian La Bastide n'a été avisée que le samedi 19 janvier 2019, du recours hiérarchique de Mme A... formé le 28 mai 2018 et du projet de retrait du rejet implicite, par un courrier du ministre du travail qui ne lui laissait qu'un délai de trois jours ouvrés pour présenter ses observations. Dans ces circonstances, la société Korian La Bastide est fondée à soutenir qu'elle n'a pas disposé d'un délai suffisant pour faire valoir ses observations et que le caractère contradictoire de la procédure suivie par la ministre du travail a été méconnue.
4. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens de sa requête, que la société Korian La Bastide est fondée à soutenir que c'est à tort que par le jugement du 19 novembre 2019, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision de la ministre du travail du 28 janvier 2019. En conséquence, ledit jugement et la décision du 28 janvier 2019 en ce qu'il rejette la demande d'annulation de la société Korian La Bastide doivent être annulés.
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
5. D'une part dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l'État une somme de 1 200 euros au titre des frais exposés par la société Korian La Bastide et non compris dans les dépens, d'autre part ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de la société Korian La Bastide, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que Mme A... demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1808656, 1901146 du tribunal administratif de Lyon du 19 novembre 2019 est annulé en tant qu'il a rejeté la demande d'annulation de la société Korian La Bastide.
Article 2 : La décision du 28 janvier 2019 par laquelle la ministre du travail, retirant le rejet implicite de recours hiérarchique, a annulé la décision de l'inspectrice du travail et a refusé d'autoriser la société Korian La Bastide à licencier Mme A..., est annulée.
Article 3 : L'État versera la somme de 1 200 euros à la société Korian La Bastide au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la société Korian La Bastide, à la ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion et à Mme B... A....
Délibéré après l'audience du 9 septembre 2021 à laquelle siégeaient :
M. Arbarétaz, président de chambre ;
M. Seillet, président assesseur ;
Mme Djebiri, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 30 septembre 2021.
N° 20LY00225 4
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