Par un jugement n°1903607, 1904052 du 6 septembre 2019, le magistrat désigné du tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 4 décembre 2020, Mme D..., représentée par Me A..., demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du 6 septembre 2019 ;
2°) d'annuler les arrêtés du préfet des Alpes-Maritimes des 19 juin et 24 juillet 2019 ;
3°) d'enjoindre au préfet de lui délivrer un titre de séjour mention " vie privée et familiale " et de lui délivrer, dans l'attente, un récépissé l'autorisant à travailler ou, à défaut, de réexaminer sa situation et de lui délivrer dans l'attente un récépissé l'autorisant à travailler ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le magistrat désigné a procédé d'office à une substitution de motifs sans inviter les parties à produire leurs observations ;
- le magistrat désigné a excédé son office en considérant que la scolarité de ses enfants pouvait se poursuivre dans leur pays d'origine, élément qui ne figure pas dans l'arrêté attaqué ;
- le jugement est entaché d'une omission à statuer en ce que le magistrat désigné ne répond pas au moyen tiré du défaut d'examen réel et sérieux de sa situation ;
- le magistrat désigné a commis une erreur de qualification juridique des faits au regard des stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- le jugement attaqué est insuffisamment motivé au regard de la situation globale de ses deux enfants ;
- la décision attaquée méconnaît les stipulations des articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le magistrat désigné a, à tort, considéré que l'arrêté attaqué ne porte pas une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale ;
- la décision attaquée méconnaît les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.
La demande d'aide juridictionnelle de Mme D... a été rejetée par une décision 23 octobre 2020 du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Marseille.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Considérant ce qui suit :
1. Mme D..., de nationalité ukrainienne, relève appel du jugement par lequel le magistrat désigné du tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande dirigée contre les arrêtés du préfet des Alpes-Maritimes des 19 juin et 24 juillet 2019 lui refusant la délivrance d'un titre de séjour, l'obligeant à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays de sa destination, en reprenant, pour l'essentiel, les moyens invoqués devant le premier juge.
2. Aux termes du dernier alinéa de l'article R. 222-1 du code de justice administrative : " Les présidents (...) des formations de jugement des cours (...) peuvent, en outre, par ordonnance, rejeter (...), après l'expiration du délai de recours ou, lorsqu'un mémoire complémentaire a été annoncé, après la production de ce mémoire les requêtes d'appel manifestement dépourvues de fondement. (...) ".
Sur la régularité du jugement attaqué :
3. En premier lieu, hormis dans le cas où le juge de première instance a méconnu les règles de compétence, de forme ou de procédure qui s'imposaient à lui et a ainsi entaché son jugement d'une irrégularité, il appartient au juge d'appel, non d'apprécier le bien-fondé des motifs par lesquels le juge de première instance s'est prononcé sur les moyens qui lui étaient soumis, mais de se prononcer directement sur les moyens dirigés contre la décision administrative attaquée dont il est saisi dans le cadre de l'effet dévolutif de l'appel. Mme D... ne peut donc utilement se prévaloir d'une erreur de qualification juridique des faits qu'aurait commise le premier juge pour demander l'annulation du jugement attaqué.
4. En deuxième lieu, il ressort des termes de l'arrêté attaqué que le préfet a refusé de délivrer à Mme D... un titre de séjour aux motifs qu'elle n'a pas été reconnue ni réfugiée ni apatride ni protégée subsidiaire, qu'elle ne justifie pas avoir fixé durablement le centre de sa vie privée et familiale en France, qu'aucune atteinte n'a été portée à l'intérêt supérieur de ses enfants et qu'il n'était pas porté une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale. Contrairement à ce que soutient la requérante, le magistrat désigné n'a procédé à aucune substitution de motifs, en méconnaissance du caractère contradictoire de la procédure, pour justifier la légalité de cet arrêté. Dès lors, le moyen tiré d'une irrégularité du jugement attaqué doit être rejeté.
5. En troisième lieu, la requérante soutient que le magistrat désigné a omis de statuer sur le moyen tiré du défaut d'examen réel et sérieux de sa situation. Toutefois, le magistrat désigné, au point 3 de son jugement, après avoir constaté d'une part, que " les considérations du préfet dans ses arrêtés sont parfaitement adaptées à la situation de la requérante qui tient en peu de mots " et, d'autre part, que " celle-ci, de nationalité ukrainienne, étant née le 22 juillet 1979 à Schestya (Russie), entrée irrégulièrement en France le 9 avril 2016 selon ses déclarations, ayant vu sa demande d'asile rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) par décision du 31 mai 2017, confirmée par la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) le 18 janvier 2018, ayant déposé une première demande de réexamen le 15 mai 2018, rejetée comme irrecevable par l'OFPRA le 25 mai 2018 et la CNDA le 5 février 2019, étant présente en France depuis trop peu de temps pour prétendre y avoir noué des liens anciens et durables de nature à justifier l'octroi d'un titre de séjour et aucune décision préfectorale ne lui imposant de se séparer de ses enfants qui peuvent poursuivre leur scolarité dans leur pays d'origine ", a considéré que " par suite, le moyen tiré de ce que le préfet n'aurait pas suffisamment motivé ses décisions et n'aurait pas procédé à une étude approfondie de son dossier n'est pas fondé et doit être écarté ". Ce faisant, contrairement à ce que soutient la requérante, le premier juge a répondu au moyen tiré du défaut d'examen réel et sérieux ainsi soulevé. Le moyen tiré de l'irrégularité du jugement doit être écarté.
6. En quatrième lieu, contrairement à ce qui est soutenu, le magistrat désigné, qui n'était pas tenu de répondre à l'intégralité des arguments soulevés par la requérante à l'appui de ses moyens, notamment relatifs à la scolarité des enfants, a écarté par une motivation suffisante, au point 8 de son jugement, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant. Par suite, Mme D... n'est pas plus fondée à soutenir que le jugement serait entaché d'irrégularité pour ce motif.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
7. En premier lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".
8. Il ressort des pièces du dossier que Mme D... est entrée en France le 9 avril 2016, accompagnée de son époux et de leurs deux enfants mineurs. Ainsi, à la date de la décision contestée, l'intéressée fait état d'une durée de séjour récente de trois ans. Par ailleurs, son époux et père de ses deux enfants, qui a la même nationalité, a fait l'objet d'une décision de rejet de sa demande d'asile et ne dispose d'aucun titre lui permettant de séjourner en France. Or, le droit au respect de la vie privée et familiale ne peut s'interpréter comme comportant pour un Etat l'obligation générale de respecter le choix par des couples de leur domicile commun sur son territoire. Alors même que la requérante se prévaut de la scolarisation brillante de sa fille aînée, Sofiia née le 24 juin 2004, scolarisée en classe de troisième, elle ne justifie d'aucun obstacle à ce que la cellule familiale, dont tous les membres ont la même nationalité, se reconstitue en Ukraine, et à ce que les enfants du couple y poursuivent leur scolarité. La requérante ne peut davantage être regardée comme étant dépourvue de toute attache dans son pays d'origine. Par suite, eu égard à la durée et aux conditions de séjour en France de Mme D..., le préfet des Alpes-Maritimes n'a pas méconnu les stipulations précitées de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
9. En deuxième lieu, aux termes du 1er paragraphe de l'article 3 de la convention relative aux droits de l'enfant susvisée : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale. ". Il résulte de ces stipulations, qui peuvent être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir dirigé contre un refus de séjour, que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant.
10. Compte tenu de ce qui précède et en l'absence de toute circonstance mettant Mme D... dans l'impossibilité d'emmener ses deux enfants avec elle, l'arrêté attaqué, qui ne remet pas davantage en cause la possibilité pour ces enfants de suivre une scolarité dans leur pays d'origine, n'a pas méconnu les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.
11. En troisième lieu, aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ". Selon l'article L. 5132 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ".
12. Il ressort des pièces du dossier que la demande d'asile présentée par Mme D... a été rejetée par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et des apatrides du 31 mai 2017, confirmée par une décision de la Cour nationale du droit d'asile du 18 janvier 2018. Aux termes de cette décision, la Cour nationale du droit d'asile a jugé que : " en l'absence d'explications claires et personnalisées des requérants sur les recherches dont ils feraient actuellement l'objet de la part des autorités ukrainiennes, les documents produits sont dépourvus de valeur probante. Par ailleurs, s'ils invoquent également des craintes à l'égard des pro-séparatistes en cas de retour dans leur pays, notamment dans l'oblast de Lougansk dont ils sont originaires, ils n'apportent aucun élément personnalisé pour étayer ces craintes. Enfin, ils n'ont apporté aucun élément nouveau s'agissant des menaces dont ils feraient également l'objet de la part d'un individu impliqué dans un réseau criminel qui aurait fabriqué des passeports pour leurs deux filles et leur aurait ensuite adressé des menaces visant leurs enfants s'ils ne lui donnaient pas la somme exigée, faits qui n'avaient pas été tenus pour établis par la Cour dans sa précédente décision ". La requérante n'apporte pas plus en appel que devant le premier juge d'éléments susceptibles d'établir que sa vie serait menacée en cas de retour en Ukraine. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.
13. Il résulte de ce qui précède que la requête d'appel de Mme D..., qui est manifestement dépourvue de fondement, au sens des dispositions du dernier alinéa de l'article R. 222-1 du code de justice administrative, doit être rejetée, en application de ces dispositions, y compris ses conclusions aux fins d'injonction et celles présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
O R D O N N E :
Article 1er : La requête de Mme D... est rejetée.
Article 2 : La présente ordonnance sera notifiée à Mme B... C... épouse D....
Fait à Marseille, le 9 avril 2021.
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N° 20MA04540