Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 18 décembre 2019, M. A..., représenté par Me B..., demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du 7 août 2019 du magistrat désigné du tribunal administratif de Montpellier ;
2°) d'annuler l'arrêté du 7 mai 2019 du préfet de l'Hérault ;
3°) d'enjoindre au préfet de l'Hérault de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de la décision à intervenir ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil d'une somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions combinées de l'article L 761-1 du code de justice administrative et du 2ème alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.
Il soutient que :
Sur la décision portant obligation de quitter le territoire :
- elle est entachée d'erreur de droit dans l'application des dispositions de l'article L. 311-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le préfet de l'Hérault n'a pas procédé à un examen particulier de sa situation ;
- le préfet s'est estimé en situation de compétence liée au regard de la décision de rejet de la demande d'asile ;
- c'est à tort que le préfet indique qu'il est entré en France avec son épouse et un enfant mineur alors qu'il a trois enfants mineurs ;
- le préfet ne l'a pas mis à même de présenter des observations sur cette mesure ;
- la décision est entachée d'un défaut de motivation ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Sur la décision portant interdiction de retour :
- elle est illégale par voie d'exception de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire ;
- elle est entachée d'un défaut d'examen réel et sérieux de sa situation ;
- le préfet s'est fondé sur un motif non prévu par le III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et ainsi commis une erreur de droit ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.
M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 25 octobre 2019.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 et le décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991 ;
- le code de justice administrative.
Considérant ce qui suit :
1. M. A... a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler l'arrêté du 7 mai 2019 du préfet de l'Hérault portant obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, fixation du pays de destination et prononçant une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de quatre mois. Par un jugement n° 1903316 du 7 août 2019, dont il relève appel, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.
2. Aux termes de l'article R. 222-1 du code de justice administrative : " (...) les présidents des formations de jugement des cours peuvent (...), par ordonnance, rejeter (...), après l'expiration du délai de recours (...) les requêtes d'appel manifestement dépourvues de fondement. (...) ".
Sur la décision portant obligation de quitter le territoire :
3. En premier lieu, s'agissant des moyens tirés de ce que la décision serait entachée d'un défaut de motivation, d'un défaut d'examen réel et sérieux de sa situation et de ce que le préfet se serait estimé en situation de compétence liée au regard de la décision de rejet de la demande d'asile de M. A..., qui ont été présentés dans les mêmes termes en première instance, il y a lieu de les écarter par adoption des motifs retenus à bon droit par le magistrat désigné du tribunal administratif aux points 2 et 3 de son jugement, le requérant ne faisant état d'aucun élément distinct de ceux soumis à son appréciation.
4. En deuxième lieu, M. A... ne peut utilement invoquer, à l'appui de ses conclusions tendant à l'annulation de la décision contestée, les dispositions de l'article L. 311-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans sa rédaction issue de la loi du 10 septembre 2018 pour une immigration maîtrisée, un droit d'asile effectif et une intégration réussie, selon lesquelles l'autorité administrative doit inviter l'étranger qui a présenté une demande d'asile à indiquer s'il estime pouvoir prétendre à une admission au séjour à un autre titre et à déposer sa demande dans un délai fixé par décret, dès lors que ces dispositions ne s'appliquent qu'aux demandes d'asile présentées postérieurement au 1er mars 2019, date de l'entrée en vigueur de ces dispositions, ce qui n'est pas le cas du requérant qui a présenté sa demande d'asile le 7 février 2019.
5. En troisième lieu, lorsqu'il sollicite son admission au séjour au titre de l'asile auprès du préfet, l'étranger doit être regardé comme présentant une demande de délivrance de titre de séjour sur le fondement des dispositions de l'article L. 313-13 et du 8° de l'article L. 314-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Du fait même de l'accomplissement de cette démarche qui tend à son maintien en France, il ne saurait ignorer qu'en cas de refus, il pourra faire l'objet d'une mesure d'éloignement. A l'occasion du dépôt de sa demande, il est conduit à préciser à l'administration les motifs pour lesquels il demande que lui soit délivré un titre de séjour au titre de l'asile et à produire tous éléments susceptibles de venir au soutien de cette demande. Il lui appartient, lors du dépôt de cette demande, laquelle doit en principe faire l'objet d'une présentation personnelle du demandeur en préfecture, d'apporter à l'administration toutes les précisions qu'il juge utiles. Il lui est loisible, au cours de l'instruction de sa demande, de faire valoir auprès de l'administration toute observation complémentaire utile, au besoin en faisant état d'éléments nouveaux. Le droit de l'intéressé d'être entendu, ainsi satisfait avant que n'intervienne la mesure d'éloignement, n'impose pas à l'autorité administrative de mettre l'intéressé à même de réitérer ses observations ou de présenter de nouvelles observations, de façon spécifique, sur l'obligation de quitter le territoire français.
6. En l'espèce, il ne ressort pas des pièces du dossier que M.A..., qui a pu être entendu par les instances compétentes pour l'examen de sa demande d'asile, ait sollicité, sans obtenir de réponse, un entretien avec les services préfectoraux ni qu'il ait été empêché de présenter des observations avant que ne soit prise la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance du droit d'être entendu doit être écarté.
7. En quatrième lieu, aux termes des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".
8. M. A... soutient être entré en France, accompagné de son épouse et de ses enfants, le 18 janvier 2019. La circonstance que sa fille aînée est scolarisée en classe de 3ème et que ses deux autres enfants sont scolarisés en école élémentaire et maternelle ne fait pas obstacle à ce que la cellule familiale se reconstitue dans son pays d'origine et à ce que les enfants y poursuivent leur scolarité. M. A... ne fait état d'aucun lien privé et familial sur le territoire français, ni d'aucune insertion professionnelle particulière. Ainsi, l'erreur commise par le préfet quant au nombre d'enfants présents au sein du foyer de M. A... n'a pas été en l'espèce de nature à avoir une influence sur son appréciation quant à l'atteinte portée à la vie familiale de l'intéressé. Enfin, si l'épouse de M. A... souffre d'une dépression et est suivie en France pour cette pathologie, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'elle serait dans l'impossibilité de poursuivre son traitement médical en Albanie. Dans ces conditions, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté. Pour les mêmes motifs, la décision n'est pas plus entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.
Sur la décision fixant le pays de destination :
9. Aux termes des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants. ". Le moyen tiré de la violation de ces dispositions doit être regardé comme dirigé contre la décision fixant le pays de destination.
10. M. A... fait à nouveau valoir en appel que lui-même et ses enfants sont menacés en Albanie, en raison d'une vendetta et d'un conflit foncier qui l'oppose à ses voisins, et qu'il ne bénéficie pas de la protection des autorités albanaises. Il ressort toutefois des pièces du dossier que l'Office français de protection des réfugiés et apatrides a rejeté la demande d'asile de M. A..., faute pour ce dernier d'avoir établi être menacé de traitements inhumains et dégradants dans son pays d'origine, après avoir relevé le caractère peu consistant de son récit et des documents produits. M. A... n'apporte pas plus d'éléments en appel de nature à établir la réalité des menaces dont il pourrait faire l'objet, ainsi que sa famille, en Albanie. En particulier, il n'apporte aucun élément de nature à répondre aux interrogations de la Cour nationale du droit d'asile dont il produit la décision, à savoir les raisons pour lesquelles la vendetta survenue en 1961 serait à nouveau d'actualité, les raisons pour lesquelles la famille présentée comme persécutrice serait en mesure d'agir sans être inquiétée par les autorités, ainsi que les conditions dans lesquelles il a pu se procurer les documents versés au dossier. Il n'apporte pas davantage de précisions sur les violences et intimidations alléguées. Dans ces conditions, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations précitées ne peut qu'être écarté.
Sur la décision portant interdiction de retour :
11. En premier lieu, il ressort de la motivation de l'arrêté contesté que le préfet de l'Hérault a pris sa décision après un examen réel et sérieux de la situation personnelle et familiale de M. A.... Le moyen ne peut, dès lors, qu'être écarté.
12. En deuxième lieu, il résulte des points 3 à 8 de la présente ordonnance que la décision portant obligation de quitter le territoire n'étant pas illégale, le requérant ne peut se prévaloir, par la voie de l'exception, de l'illégalité de cette décision pour demander l'annulation de la décision portant interdiction de retour sur le territoire français.
13. En troisième lieu, pour prononcer une interdiction de retour, le préfet de l'Hérault a relevé que M. A... se maintient en situation irrégulière, que ses liens familiaux en France " ne sont pas établis ", qu'il ne justifie pas être démuni de toute attache familiale dans son pays d'origine et qu'il ne constitue pas une menace pour l'ordre public. Ainsi, le préfet n'a pas commis d'erreur de droit au regard des dispositions du III de l'article L. 511-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. La mention, dans cette décision, de l'irrégularité du séjour qui constitue une condition légale permettant de prononcer une telle mesure, n'est pas de nature à l'entacher d'illégalité.
14. Le moyen tiré de ce que la décision serait entachée d'une erreur manifeste d'appréciation, qui a été présenté dans les mêmes termes en première instance, ne peut qu'être écarté par les motifs retenus à bon droit par le magistrat désigné du tribunal administratif de Montpellier au point 7 du jugement, le requérant ne faisant état d'aucun élément distinct de ceux soumis à son appréciation.
15. Il résulte de tout ce qui précède que la requête d'appel de M. A..., qui est manifestement dépourvue de fondement, au sens des dispositions du dernier alinéa de l'article R. 222-1 du code de justice administrative, doit être rejetée, en application de ces dispositions, y compris ses conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte et celles présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.
O R D O N N E :
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : La présente ordonnance sera notifiée à M. C... A..., au ministre de l'intérieur ainsi qu'à Me B....
Copie en sera adressée au préfet de l'Hérault.
Fait à Marseille, le 10 novembre 2020.
N° 19MA057352