Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 19 février 2020, M. B..., représenté par Me A..., demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Toulon ;
2°) d'annuler l'arrêté du 13 juin 2019 du préfet du Var ;
3°) d'enjoindre au préfet du Var de lui délivrer un titre de séjour dans un délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard, sur le fondement de l'article L. 911-1 du code de justice administrative ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 2 000 euros à Me A... au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- le préfet ne pouvait statuer sur l'authenticité des actes d'état civil qu'il a produits sans consulter les autorités maliennes ;
- les rapports établis par la police de l'air et des frontières après l'examen de ces documents d'état-civil ne peuvent être pris en compte car, ne mentionnant pas l'identité de leur auteur, ils méconnaissent les dispositions de l'article L. 212-1 du code des relations entre le public et l'administration ;
- le préfet a commis une erreur de fait en estimant qu'il était mineur.
La requête de M. B... a été communiquée au préfet du Var, qui n'a pas produit de mémoire en défense.
Par ordonnance du 3 septembre 2020, la clôture de l'instruction a été fixée au 21 septembre 2020.
M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 29 novembre 2019.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code civil ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. D... Grimaud, rapporteur, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Entré pour la première fois en France en juillet 2015 selon ses déclarations, M. B..., qui se dit né le 5 mai 1999, est de nationalité malienne. Il a demandé le 13 novembre 2017 l'octroi d'un titre de séjour sur le fondement des dispositions de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Le 13 juin 2019, le préfet du Var a rejeté cette demande et l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
2. D'une part, aux termes de l'article L. 111-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La vérification de tout acte d'état civil étranger est effectuée dans les conditions définies par l'article 47 du code civil (...) ", lequel dispose que " Tout acte de l'état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité ".
3. D'autre part, aux termes de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " A titre exceptionnel et sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire prévue aux 1° et 2° de l'article L. 313-10 portant la mention " salarié " ou la mention " travailleur temporaire " peut être délivrée, dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire, à l'étranger qui a été confié à l'aide sociale à l'enfance entre l'âge de seize ans et l'âge de dix-huit ans et qui justifie suivre depuis au moins six mois une formation destinée à lui apporter une qualification professionnelle, sous réserve du caractère réel et sérieux du suivi de cette formation, de la nature de ses liens avec sa famille restée dans le pays d'origine et de l'avis de la structure d'accueil sur l'insertion de cet étranger dans la société française (...) ".
4. L'article 47 du code civil précité pose une présomption de validité des actes d'état civil établis par une autorité étrangère dans les formes usitées dans ce pays. Il incombe à l'administration de renverser cette présomption en apportant la preuve du caractère irrégulier, falsifié ou non conforme à la réalité des actes en question. Il ne résulte en revanche pas de ces dispositions que l'administration française doive nécessairement et systématiquement solliciter les autorités d'un autre État afin d'établir qu'un acte d'état-civil présenté comme émanant de cet État est dépourvu d'authenticité, en particulier lorsque l'acte est, compte tenu de sa forme et des informations dont dispose l'administration française sur la forme habituelle du document en question, manifestement falsifié.
5. Il en découle que la force probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger peut être combattue par tout moyen susceptible d'établir que l'acte en cause est irrégulier, falsifié ou inexact. En cas de contestation par l'administration de la valeur probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger, il appartient au juge administratif de former sa conviction au vu de l'ensemble des éléments produits par les parties.
6. Pour juger qu'un acte d'état civil produit devant lui est dépourvu de force probante, qu'il soit irrégulier, falsifié ou inexact, le juge doit en conséquence se fonder sur tous les éléments versés au dossier dans le cadre de l'instruction du litige qui lui est soumis.
7. Les pièces d'état-civil produites par M. B... devant le préfet du Var puis devant le tribunal administratif de Toulon, constituées d'un extrait acte de naissance du 2 avril 2019, d'un extrait d'acte de naissance du 29 avril 2015 et d'un jugement supplétif d'acte de naissance du 28 avril 2015 étaient entachées de contradictions quant à la commune tenant le registre d'état-civil, et leur authenticité est dès lors douteuse. Toutefois, M. B... produit devant la Cour un extrait d'acte de naissance délivré le 21 juin 2019 sur le fondement d'un jugement supplétif rendu le 18 juin 2019, pièces dont le consulat général du Mali à Lyon a attesté l'authenticité par une attestation du 9 octobre 2019, que le préfet du Var ne conteste en rien. M. B... est dès lors fondé à soutenir que, sa naissance le 5 mai 1999 étant établie, il était, à la date du 28 juillet 2015 à laquelle il a été confié à l'aide sociale à l'enfance, âgé de seize ans et que la décision de refus de titre de séjour attaquée est, sur ce point, entachée d'erreur de fait et doit être annulée, de même que, par voie de conséquence, l'obligation de quitter le territoire français dont elle est le fondement.
8. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... est fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Toulon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 13 juin 2019 lui refusant le séjour et l'obligeant à quitter le territoire français et qu'il y a lieu, par conséquent, d'annuler ce jugement ainsi que cet arrêté.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
9. Considérant qu'aux termes de l'article L. 9112 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne à nouveau une décision après une nouvelle instruction, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision juridictionnelle, que cette nouvelle décision doit intervenir dans un délai déterminé ".
10. Eu égard au motif pour lequel elle est prononcée et en l'absence de toute contestation devant la Cour des autres motifs de l'arrêté et des motifs par lesquels le tribunal administratif de Toulon a écarté les moyens que le requérant a présentés contre ces motifs, l'annulation prononcée par le présent arrêt implique seulement que le préfet du Var réexamine la situation de M. B... dans un délai de deux mois à compter de sa notification. Il y a lieu de le lui enjoindre. Il n'y a pas lieu, en revanche, d'assortir cette injonction d'une astreinte.
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 7611 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 :
11. M. B... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale. Par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et
37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me A... renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État à sa mission d'aide juridictionnelle, de mettre à la charge de l'État le versement à cet avocat de la somme de 1 500 euros.
D É C I D E :
Article 1er : Le jugement n° 1902633 du tribunal administratif de Toulon du 20 septembre 2019 et l'arrêté du préfet du Var du 13 juin 2019 sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au préfet du Var de réexaminer la situation de M. B... dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 3 : L'État versera à Me A... la somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... B..., à Me A... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet du Var et au procureur de la République près le tribunal judiciaire de Toulon.
Délibéré après l'audience du 19 octobre 2020, où siégeaient :
- M. Guy Fédou, président,
- Mme E... F..., présidente assesseure,
- M. D... Grimaud, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 9 novembre 2020.
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N° 20MA00869