- cette disposition n'a pas été déclarée conforme à la Constitution par le Conseil constitutionnel ;
- la question est sérieuse ;
- en faisant mention des " indemnités instituées par un texte législatif ou réglementaire ", l'article 20 de la loi du 13 juillet 1983 permet l'extension du régime de la rémunération à de nombreuses situations indemnitaires attribuées aux fonctionnaires, notamment la prise en charge des frais de mission et de déplacement des fonctionnaires civils, alors que l'article L. 4123-1 du code de la défense n'inclut pas expressément cette prise en charge au titre de la rémunération des militaires ;
- la qualification de rémunération pour la prise en charge des frais de mission et de déplacement constitue une différence essentielle de traitement entre les militaires et les fonctionnaires civils ;
- cette distinction entraîne en effet notamment une conséquence en termes de prescription des titres de recettes ;
- l'article L. 4123-1 du code de la défense prévoit que toute mesure de portée générale affectant la rémunération des fonctionnaires civils de l'Etat est, sous réserve des mesures d'adaptation nécessaires, appliquée avec effet simultané aux militaires ;
- en vertu de l'article 17 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, les sommes versées à un agent au titre de sa rémunération sont un bien dont la personne est propriétaire et ont vocation à être protégées au titre de la propriété et de sa consécration constitutionnelle ;
- le fait de reconnaître une prescription quinquennale pour la répétition des sommes dues par les militaires contre une prescription biennale pour celles dues par les fonctionnaires civils constitue une atteinte au droit de propriété des militaires par le truchement d'une inégalité de traitement.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la Constitution, notamment son article 61-1 ;
- la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 ;
- l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée ;
- le code de la défense ;
- la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 ;
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- le décret n° 2009-645 du 14 mai 2009 ;
- le décret n° 2006-781 du 3 juillet 2006 ;
- l'arrêté du 26 juillet 2019 relatif aux règles de la comptabilité budgétaire de l'Etat ;
- la circulaire n° 24834 du 1er août 2017 relative à la mise en oeuvre de la prescription des créances au ministère des armées ;
- le code de justice administrative, notamment ses articles R. 771-3 et suivants.
Considérant ce qui suit :
1. Il résulte des dispositions combinées des premiers alinéas des articles 23-1 et 23-2 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel, que la cour administrative d'appel saisie d'un moyen tiré de ce qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution présenté dans un écrit distinct et motivé, statue sans délai par une décision motivée sur la transmission de la question prioritaire constitutionnalité au Conseil d'Etat et procède à cette transmission si est remplie la triple condition que la disposition contestée soit applicable au litige ou à la procédure, qu'elle n'ait pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances, et que la question ne soit pas dépourvue de caractère sérieux. Le second alinéa de l'article 23-2 de la même ordonnance précise que : " En tout état de cause, la juridiction doit, lorsqu'elle est saisie de moyens contestant la conformité d'une disposition législative, d'une part, aux droits et libertés garantis par la Constitution et, d'autre part, aux engagements internationaux de la France, se prononcer par priorité sur la transmission de la question de constitutionnalité au Conseil d'Etat (...) ".
2. L'article L. 4123-1 du code de la défense dispose que : " Les militaires ont droit à une rémunération comportant notamment la solde dont le montant est fixé en fonction soit du grade, de l'échelon et de la qualification ou des titres détenus, soit de l'emploi auquel ils ont été nommés. Il peut y être ajouté des prestations en nature. Le classement indiciaire des corps, grades et emplois qui est applicable aux militaires tient compte des sujétions et obligations particulières auxquelles ils sont soumis. A la solde des militaires s'ajoutent l'indemnité de résidence et, le cas échéant, les suppléments pour charges de famille. Une indemnité pour charges militaires tenant compte des sujétions propres à l'état militaire leur est également allouée dans les conditions fixées par décret. Peuvent également s'ajouter des indemnités particulières allouées en raison des fonctions exercées, des risques courus, du lieu d'exercice du service ou de la qualité des services rendus. / Les statuts particuliers fixent les règles de classement et d'avancement dans les échelons d'un grade. Ils peuvent prévoir des échelons exceptionnels ou spéciaux. Toute mesure de portée générale affectant la rémunération des fonctionnaires civils de l'Etat est, sous réserve des mesures d'adaptation nécessaires, appliquée avec effet simultané aux militaires. Lorsque l'affectation entraîne des difficultés de logement, les militaires bénéficient d'une aide appropriée. Les volontaires dans les armées et les élèves ayant le statut de militaire en formation dans les écoles désignées par arrêté du ministre de la défense reçoivent une rémunération fixée par décret qui peut être inférieure à la rémunération prévue à l'article L. 3231-2 du code du travail ".
3. M. B... soutient que l'article L. 4123-1 du code de la défense serait contraire au principe d'égalité garanti par la Constitution dans la mesure où, en application de ces dispositions, les frais de déplacement et de mission des militaires ne sont pas constitutifs d'un élément de rémunération du militaire et sont à ce titre soumis à la prescription extinctive quinquennale de l'article 2224 du code civil, alors que tel ne serait pas le cas pour les frais de mission et de déplacement des fonctionnaires civils, lesquels seraient, en application de l'article 20 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, constitutifs d'un élément de rémunération et à ce titre soumis à la prescription biennale de l'article 37-1 de la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000. M. B... allègue également que le fait de reconnaître une prescription quinquennale pour la répétition des sommes dues par les militaires, contre une prescription biennale pour celles dues par les fonctionnaires civils, constituerait une atteinte au droit de propriété des militaires par le truchement d'une inégalité de traitement.
4. Les personnels militaires, en vertu de l'article 3 du décret n° 2009-545 du 14 mai 2009 fixant les conditions et les modalités de règlement des frais occasionnés par les déplacements temporaires du personnel militaire, et les fonctionnaires civils de l'Etat, en vertu de l'article 3 du décret n° 2006-781 du 3 juillet 2006 fixant les conditions et les modalités de règlement des frais occasionnés par les déplacements temporaires des personnels civils de l'Etat, peuvent prétendre à des indemnités de mission et plus généralement à la prise en charge des frais occasionnés par les déplacements temporaires effectués dans le cadre de leurs missions. Or, ces frais de mission et frais de transport ne sont pas des éléments constitutifs de la rémunération des personnels militaires et civils et sont par conséquent soumis à la prescription quinquennale de droit commun. En effet, l'article L. 4123-1 du code de la défense n'inclut pas les frais de mission et de déplacement dans la liste des éléments de rémunération du personnel militaire et il en va de même de l'article 20 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires qui n'énumère pas les frais de mission en tant qu'éléments de rémunération des fonctionnaires civils.
5. Au demeurant, e recueil des règles de comptabilité budgétaire de l'Etat, annexé à l'arrêté du 26 juillet 2019 relatif aux règles de la comptabilité budgétaire de l'Etat, précise dans sa partie 1 relatives aux nomenclatures, que : " Les dépenses engagées lors de déplacements de personnels, les remboursements des frais de déplacements (frais d'hébergement et de restauration lors de missions régis par le décret n° 2006-781 du 3 juillet 2006, frais de transports des agents en congés bonifiés et autres frais de déplacement) qui se font sur justificatifs et sur barèmes, ne sont pas comptabilisés dans le titre 2 mais dans le titre 3 (compte 615) ". La circulaire n° 24834 du 1er août 2017 relative à la mise en oeuvre de la prescription des créances au ministère des armées précise le régime spécifique de prescription concernant les frais de déplacement du personnel militaire en son point 3.1.2.2.2 en indiquant que : " (...) le décret n° 2009-545 du 14 mai 2009 fixant les conditions et les modalités de règlement des frais occasionnés par les déplacements temporaires du personnel militaire distingue : - Pour les missions : la prise en charge des frais de transport et les indemnités de mission - Pour les formations: la prise ne charge des frais de transport et des indemnités de stage. Les dépenses relatives à la prise en charge des frais de transport et aux indemnités de mission ou aux indemnités de stage (sans distinction entre formation initiale et formation continue) sont des dépenses de fonctionnement. Elles relèvent du titre 3. Les créances de l'Etat résultant d'indus en la matière se verront appliquer la prescription quinquennale de droit commun ". Les frais de mission et frais de stage, classés parmi les dépenses de fonctionnement, se trouvent par suite hors du champ de la rémunération du personnel, regroupée elle sur le titre 2. Dès lors, les indemnités de frais de déplacement ne relevant pas du même régime que les " indemnités particulières allouées en raison des fonctions exercées, des risques courus, du lieu d'exercice du service ou de la qualité des services rendus. ", elles ne peuvent être assimilées à des accessoires de rémunération.
6. Les frais de mission et de manière plus générale les frais occasionnés par les déplacements temporaires ne faisant pas partie de la rémunération des personnels militaires et civils, les frais occasionnés par leurs déplacements temporaires (frais de missions, frais de transport...) sont soumis à la prescription quinquennale de droit commun. La prescription biennale instituée par l'article 37-1 de la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 applicable aux paiements indus effectués par les personnes publiques en matière de rémunération de leurs agents n'est pas applicable aux frais de missions et de déplacements qui sont soumis à la prescription quinquennale de droit commun. Aucune violation du principe d'égalité, et par voie de conséquence du droit de propriété, ne saurait être constituée en l'espèce, dès lors que les militaires et les agents civils sont placés dans une situation identique, leurs frais de mission et de déplacement temporaire étant soumis pour chacune de ces deux catégories de personnel aux dispositions de l'article 2224 du code civil en matière de prescription. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance du principe d'égalité et du droit de propriété garantis par la Constitution n'est pas fondé en ce que les personnels militaires et fonctionnaires sont traités de la même manière s'agissant de l'application de la prescription quinquennale aux indus liés au versement de sommes justifiées par des frais occasionnés par des déplacements temporaires.
7. Il résulte de ce qui précède que la question prioritaire de constitutionnalité présentée par M. B... est dépourvue de caractère sérieux. Par suite, il n'y a pas lieu de la transmettre au Conseil d'État.
O R D O N N E :
Article 1er : Il n'y a pas lieu de transmettre au Conseil d'État la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par M. B....
Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. A... B... et à la ministre des armées.
Fait à Marseille, le 11 février 2021.
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N° 20MA04411 QPC