Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 2 juin et le 30 août 2021, la métropole Nice-Côte d'Azur, représentée par Me Lanfranchi, demande à la Cour :
1°) d'annuler cette ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de Nice du 10 mai 2021 ;
2°) statuant en référé, de rejeter la demande présentée par M. B... devant le juge des référés du tribunal administratif de Nice ;
3°) de mettre à la charge de M. B... une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- l'attentat survenu le 14 juillet 2016 sur la promenade des Anglais relève d'un cas de force majeure auquel elle a dû faire face en faisant intervenir sur les lieux des agents afin notamment de sécuriser les corps des victimes et de soigner les victimes, sans avoir connaissance du danger auquel allaient être confrontés ces agents ;
- les tâches effectuées cette nuit-là correspondaient à la finalité du poste que M. B... occupait ;
- il a pu bénéficier d'une prise en charge médicale dès le lendemain de son intervention, ainsi que sur le long terme ;
- elle n'a pas manqué à son obligation de prévention des risques, prescrite par l'article L. 4121-2 du code du travail, dès lors qu'elle a laissé la possibilité à ses agents, qui se sont tous portés volontaires, de refuser la mission ;
- la circonstance que la santé de M. B... s'est altérée à compter du mois d'août 2017, après qu'il a séjourné à Barcelone lors des attentats qui y ont été perpétrés, révèle que l'attentat du 14 juillet 2016 n'est pas nécessairement la seule origine de la dégradation de son état de santé ;
- aucune expertise médicale n'a été réalisée ;
- l'évaluation faite par M. B... de son préjudice n'est pas justifiée.
Par un mémoire en défense enregistré le 13 août 2021, M. B..., représenté par Me Borgnat, demande à la cour :
1°) de rejeter la requête de la métropole Nice-Côte d'Azur ;
2°) par la voie de l'appel incident, de condamner la métropole Nice-Côte d'Azur à lui payer une provision de 50 000 euros ;
3°) de mettre à la charge de la métropole Nice-Côte d'Azur une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il fait valoir que :
- à la suite de l'attentat survenu le 14 juillet 2016, il a dû poser, de 1h du matin à 9h, des blocs de béton afin de fixer les barrières servant à dissimuler les corps des nombreuses victimes ;
- la métropole a manqué à son obligation de sécurité en le faisant intervenir sur une scène d'attentat sans lui avoir donné les instructions appropriées et sans avoir pris les mesures nécessaires pour éviter le risque d'atteinte à son intégrité psychique ;
- les tâches effectuées ne correspondent pas à la finalité de son poste, ni aux catégories d'astreintes de sécurité qu'il peut effectuer, dès lors qu'il est toujours intervenu postérieurement à l'évacuation de victimes ;
- il n'a jamais suivi de formation pour intervenir dans de telles circonstances ;
- la métropole ne peut faire valoir le caractère de force majeure dès lors qu'au moment où elle a fait intervenir ses agents, elle avait connaissance de l'ampleur du désastre et, par conséquent, elle avait conscience du danger auquel ils allaient être exposés ;
- il ne s'est pas porté volontaire et à aucun moment le choix d'intervenir ou non lui a été laissé ;
- le seul soin qui lui a été prodigué, consistant en un entretien psychologique réalisé le 19 juillet 2016, est insuffisant et inadapté au regard de la gravité de son atteinte ;
- aucun soin de nature à traiter le stress post-traumatique n'a été mis en œuvre ;
- il n'était pas présent sur les lieux de l'attentat survenu à Barcelone ;
- un compte-rendu de suivi psychiatrique établit un lien de causalité direct entre ses souffrances et l'attentat survenu sur la promenade des Anglais ;
- son préjudice, moral et matériel, est en lien direct avec les fautes de la collectivité.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code du travail ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la Cour a désigné M. Alfonsi, président de la 2ème chambre, pour statuer sur les appels formés contre les décisions rendues par les juges des référés des tribunaux du ressort.
Considérant ce qui suit :
1. M. B..., adjoint technique territorial de 2ème classe assurant les fonctions d'agent de propreté urbaine au sein de la métropole Nice-Côte d'Azur, est intervenu sur les lieux de l'attentat survenu le 14 juillet 2016 à Nice afin de poser des blocs de béton permettant de fixer les barrières servant à cacher les corps des victimes. Il a par la suite développé un syndrome de stress post-traumatique qui a été reconnu comme étant un accident du travail, et a bénéficié de plusieurs arrêts de travail. Après avoir adressé une demande indemnitaire préalable à la métropole Nice-Côte d'Azur le 24 juillet 2019 qui a fait l'objet d'une décision de rejet implicite, il a saisi le juge des référés du tribunal administratif de Nice aux fins de condamner la métropole Nice-Côte d'Azur à lui verser une provision de 50 000 euros à valoir sur l'indemnisation de son préjudice. Par une ordonnance du 10 mai 2021, le juge des référés du tribunal administratif de Nice a condamné la métropole Nice-Côte d'Azur à payer à M. B... une provision de 10 000 euros. La métropole Nice-Côte d'Azur relève appel de cette ordonnance. M. B... demande, par la voie de l'appel incident, que lui soit allouée une provision de 50 000 euros.
2. Aux termes de l'article R. 541-1 du code de justice administrative : " Le juge des référés peut, même en l'absence d'une demande au fond, accorder une provision au créancier qui l'a saisi lorsque l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable. Il peut, même d'office, subordonner le versement de la provision à la constitution d'une garantie. ".
3. Eu égard au caractère exceptionnel des évènements du 14 juillet 2016 auxquels la Métropole Nice-Côte d'Azur a été contrainte de faire face dans la plus extrême urgence en mobilisant les agents de la voirie urbaine, parmi lesquels M. B... dont il n'est pas établi que, contrairement à ce qu'il soutient, le choix ne lui aurait pas été laissé, c'est à tort que, par son ordonnance attaquée, le juge des référés du tribunal administratif de Nice a, pour accorder à ce dernier une provision à valoir sur la réparation des préjudices qui ont résulté de sa participation aux opérations décrites au point 1, retenu que la métropole avait commis une faute au regard, notamment, des dispositions de l'article L. 4121-1 du code du travail pour en conclure que la créance que l'intéressé affirmait détenir sur son employeur présentait un caractère non sérieusement contestable au sens des dispositions de l'article R. 541-1 du code de justice administrative.
4. Il résulte de ce qui vient d'être dit qu'il y a lieu d'annuler l'ordonnance attaquée du juge des référés du tribunal administratif de Nice et de rejeter les conclusions présentées par M. B... devant ce tribunal ainsi que, par voie de conséquence, les conclusions d'appel incident qu'il a présentées devant la cour.
5. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de laisser à chacune des parties la charge de ses propres frais d'instance.
ORDONNE
Article 1er : L'ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de Nice du 10 mai 2021 est annulée.
Article 2 : Les conclusions présentées par M. B... devant le tribunal administratif de Nice, ainsi que ses conclusions d'appel incident présentées devant la cour sont rejetées.
Article 3 : Les conclusions présentées par les parties sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 sont rejetées.
Article 4 : La présente ordonnance sera notifiée à la métropole Nice-Côte d'Azur et à M. A... B....
Fait à Marseille, le 15 octobre 2021.
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N°21MA02106