Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 15 juillet 2020, M. A... D..., représenté par Me C..., demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Montpellier du 12 décembre 2019 ;
2°) d'annuler la décision implicite par laquelle le préfet de l'Hérault a refusé de l'assigner à résidence ;
3°) d'enjoindre au préfet de l'Hérault de l'assigner à résidence et subsidiairement, de réexaminer sa demande ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros en application des articles 37 et 75 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- la décision portant refus d'assignation à résidence est une décision lui faisant grief ;
- le tribunal a omis de statuer sur les moyens tirés de l'insuffisance de motivation et de l'erreur manifeste d'appréciation ;
- la décision est insuffisamment motivée ;
- la décision est entachée d'erreur manifeste d'appréciation.
Par un mémoire en défense enregistré le 15 septembre 2020, le préfet de l'Hérault conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir qu'il s'en remet à ses écritures de première instance.
L'aide juridictionnelle totale a été accordée à M. A... D... par une décision du bureau d'aide juridictionnelle du 29 mai 2020.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme B...,
- et les conclusions de Mme Giocanti, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. M. A... D... relève appel du jugement du 12 décembre 2019 par lequel le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision implicite par laquelle le préfet de l'Hérault a refusé de l'assigner à résidence.
Sur la régularité du jugement :
2. En premier lieu, le tribunal administratif ayant rejeté la requête de M. A... D... comme irrecevable au motif que la décision attaquée ne constituerait pas une décision faisant grief à l'intéressé, il n'avait pas à statuer sur les moyens de légalité externe et interne soulevés devant lui. Dans ces conditions, le moyen tiré de ce que le tribunal aurait omis de statuer sur de tels moyens ne peut qu'être écarté.
3. En second lieu et en revanche, aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit asile, dans sa version applicable au litige : " (...) L'autorité administrative peut à tout moment abroger l'interdiction de retour. Lorsque l'étranger sollicite l'abrogation de l'interdiction de retour, sa demande n'est recevable que s'il justifie résider hors de France. Cette condition ne s'applique pas : 1° Pendant le temps où l'étranger purge en France une peine d'emprisonnement ferme ; 2° Lorsque l'étranger fait l'objet d'une mesure d'assignation à résidence prise en application des articles L. 561-1 ou L. 561-2. (...) ".
4. Aux termes de l'article L. 561-1 du même code : " Lorsque l'étranger justifie être dans l'impossibilité de quitter le territoire français ou ne peut ni regagner son pays d'origine ni se rendre dans aucun autre pays, l'autorité administrative peut, jusqu'à ce qu'existe une perspective raisonnable d'exécution de son obligation, l'autoriser à se maintenir provisoirement sur le territoire français en l'assignant à résidence, dans les cas suivants : 1° Si l'étranger fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français sans délai ou si le délai de départ volontaire qui lui a été accordé est expiré ". L'article R. 561-4 du même code précise : " L'assignation à résidence prononcée en application de l'article L. 561-1 peut être assortie d'une autorisation de travail. ". Il résulte de ces dispositions qu'il appartient à l'étranger qui, à la suite d'une décision l'obligeant à quitter le territoire français, demande à être assigné à résidence en application des dispositions susvisées, alors qu'il ne fait pas l'objet d'une mesure de rétention administrative, et alors même que l'obligation de quitter le territoire français ne peut plus faire l'objet d'une exécution d'office, de justifier soit qu'il se trouve dans l'impossibilité matérielle ou juridique de quitter le territoire français, soit qu'il est exposé dans son pays d'origine à des traitements contraires à l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et qu'il ne peut se rendre dans aucun autre pays.
5. Il résulte de ce qui précède que, lorsque l'étranger justifie être dans l'impossibilité de quitter le territoire ou ne peut regagner son pays d'origine ou un autre pays, le préfet peut, dans l'exercice de son pouvoir discrétionnaire, l'autoriser, compte tenu de l'ensemble de sa situation personnelle, à se maintenir provisoirement sur le territoire français en l'assignant à résidence. L'assignation à résidence permet également à un étranger se trouvant sur le territoire français de demander au préfet l'abrogation d'une mesure d'interdiction de retour sur le territoire. Dans ces conditions, la décision par laquelle le préfet refuse d'assigner à résidence un étranger qui se prévaut, comme en l'espèce, d'une impossibilité d'exécuter la mesure d'éloignement, et lui refuse ainsi l'autorisation de se maintenir provisoirement sur le territoire français, est une décision individuelle défavorable qui fait grief à l'intéressé. Aussi, M. A... D... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement en litige, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa requête comme irrecevable au motif qu'une telle décision ne lui faisait pas grief.
6. Il résulte de ce qui précède qu'il y a lieu d'annuler le jugement du tribunal administratif de Montpellier du 12 décembre 2019 et de renvoyer l'affaire devant le tribunal administratif de Montpellier.
Sur les frais exposés dans l'instance :
7. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions de M. A... D... présentées sur le fondement des dispositions des articles 37 et 75 de la loi du 10 juillet 1991.
D É C I D E :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Montpellier du 12 décembre 2019 est annulé.
Article 2 : L'affaire est renvoyée au tribunal administratif de Montpellier.
Article 3 : Le surplus des conclusions de M. A... D... est rejeté.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. E... A... D... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de l'Hérault.
Délibéré après l'audience du 15 octobre 2020 où siégeaient :
- M. Poujade, président,
- M. Portail, président assesseur,
- Mme B..., premier conseiller.
Lu en audience publique, le 5 novembre 2020.
2
N° 20MA02386
hw