Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 14 novembre 2019 et le 28 mai 2020, Mme C..., représentée par Me A..., demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Montpellier du 11 juillet 2019 ;
2°) d'annuler les décisions précitées ;
3°) de l'admettre à l'aide juridictionnelle à titre provisoire ;
4°) à titre principal, d'enjoindre au préfet de l'Hérault de lui délivrer un titre de séjour dans un délai de huit jours à compter de la notification de l'arrêt et, à titre subsidiaire, de procéder à une nouvelle instruction de sa demande et dans l'attente de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans un délai de huit jours ;
5°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
- c'est à tort que le tribunal a estimé que la mesure d'éloignement était suffisamment motivée au regard des articles L. 511-1 I 6°, L. 743-1 et L. 743-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA) ;
- la mesure d'éloignement, qui n'a pas été précédée du retrait préalable de l'attestation de demande d'asile qui l'autorisait à séjourner en France, est privée de base légale en application de l'article L. 511-1-6 du CESEDA ;
- la décision fixant le pays de destination de la mesure d'éloignement est illégale, par voie de conséquence de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire ;
- elle méconnait en outre l'article L. 513-2 du CESEDA ainsi que l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'interdiction de retour est illégale, par voie de conséquence de l'illégalité de la mesure d'éloignement ;
- elle est entachée d'erreur de fait en tant qu'elle se fonde sur la circonstance qu'elle était en situation irrégulière en France ;
- elle est également entachée d'erreur de droit, l'irrégularité du séjour n'étant pas susceptible de fonder une telle décision ;
- elle est enfin entachée d'erreur d'appréciation au regard de l'article L. 511-1 III du CESEDA, alors qu'elle n'a jamais fait l'objet d'une mesure d'éloignement et n'a pas troublé l'ordre public ;
- elle porte enfin atteinte à son droit d'asile alors que sa demande d'asile est en cours de traitement devant la Cour nationale du droit d'asile.
Par un mémoire en défense, enregistré le 13 février 2020, le préfet de l'Hérault conclut au rejet de la requête.
Il soutient qu'il s'en remet à son mémoire de première instance.
Mme C... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 6 septembre 2019.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme B... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Par arrêté du 3 mai 2019, le préfet de l'Hérault, après avoir constaté que Mme C..., ressortissante albanaise, ne disposait plus de droit au séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours, a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement et a édicté à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français de quatre mois. Mme C... relève appel du jugement du 11 juillet 2019 par lequel le magistrat désigné du tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté du 3 mai 2019.
Sur le bien-fondé du jugement :
En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire dans un délai de 30 jours :
2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 511-1 I du code de l'entrée et du séjour de étrangers et du droit d'asile (CESEDA) : " I. - L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne, [...] lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants :/ 6° Si la reconnaissance de la qualité de réfugié ou le bénéfice de la protection subsidiaire a été définitivement refusé à l'étranger ou si l'étranger ne bénéficie plus du droit de se maintenir sur le territoire français en application des articles L. 743-1 et L. 743-2, à moins qu'il ne soit titulaire d'un titre de séjour en cours de validité. [...] La décision énonçant l'obligation de quitter le territoire français est motivée... ". Et selon l'article L. 743-1 du même code : " Le demandeur d'asile dont l'examen de la demande relève de la compétence de la France et qui a introduit sa demande auprès de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides bénéficie du droit de se maintenir sur le territoire français jusqu'à la notification de la décision de l'office ou, si un recours a été formé, dans le délai prévu à l'article L. 731-2 contre une décision de rejet de l'office, soit jusqu'à la date de la lecture en audience publique de la décision de la Cour nationale du droit d'asile, soit, s'il est statué par ordonnance, jusqu'à la date de la notification de celle-ci. L'attestation délivrée en application de l'article L. 741-1, dès lors que la demande d'asile a été introduite auprès de l'office, vaut autorisation provisoire de séjour et est renouvelable jusqu'à ce que l'office et, le cas échéant, la cour statuent. ". Enfin l'article L. 743-2 du même code précise que : "Par dérogation à l'article L. 743-1, sous réserve du respect des stipulations de l'article 33 de la convention relative au statut des réfugiés, signée à Genève le 28 juillet 1951, et de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, adoptée à Rome le 4 novembre 1950, le droit de se maintenir sur le territoire français prend fin et l'attestation de demande d'asile peut être refusée, retirée ou son renouvellement refusé lorsque :/ [...] 7° L'office a pris une décision de rejet dans les cas prévus au I [...] de l'article L. 723-2 ".
3. En l'espèce, l'obligation de quitter le territoire vise notamment les articles L. 511-1 et L. 743-1 à L. 743-4 du CESEDA. Elle mentionne que Mme C... déclare être entrée en France avec sa famille le 13 octobre 2018, que sa demande d'asile a été rejetée par décision de l'office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) le 18 février 2019, notifiée le 19 avril 2019, que son conjoint a également fait l'objet d'une décision de rejet de l'OFPRA, et qu'elle ne justifie d'aucun droit de se maintenir sur le territoire. Le préfet n'est pas tenu de mentionner l'ensemble des éléments de fait de la situation de l'intéressée, mais seulement ceux sur lesquels il a fondé sa décision. Par suite, dans les circonstances de l'espèce, alors même que le préfet n'a pas précisé sur le fondement de quel alinéa de l'article L. 743-2 il se fonde, c'est à bon droit que le premier juge a écarté le moyen tiré de l'insuffisante motivation de la mesure d'éloignement.
4. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 743-1 du CESEDA : " Le demandeur d'asile dont l'examen de la demande relève de la compétence de la France et qui a introduit sa demande auprès de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides bénéficie du droit de se maintenir sur le territoire français jusqu'à la notification de la décision de l'office ou, si un recours a été formé, dans le délai prévu à l'article L. 731-2 contre une décision de rejet de l'office, soit jusqu'à la date de la lecture en audience publique de la décision de la Cour nationale du droit d'asile, soit, s'il est statué par ordonnance, jusqu'à la date de la notification de celle-ci. L'attestation délivrée en application de l'article L. 741-1, dès lors que la demande d'asile a été introduite auprès de l'office, vaut autorisation provisoire de séjour et est renouvelable jusqu'à ce que l'office et, le cas échéant, la cour statuent. ". Et selon l'article L. 743-2 du même code : " Par dérogation à l'article L. 743-1, sous réserve du respect des stipulations de l'article 33 de la convention relative au statut des réfugiés, signée à Genève le 28 juillet 1951, et de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, adoptée à Rome le 4 novembre 1950, le droit de se maintenir sur le territoire français prend fin et l'attestation de demande d'asile peut être refusée, retirée ou son renouvellement refusé lorsque : [...] 7° L'office a pris une décision de rejet dans les cas prévus au I et au 5° du III de l'article L. 723-2... ". Et en vertu de l'article L. 723-2 du même code, l'office statue en procédure accélérée lorsque le demandeur provient d'un pays considéré comme un pays d'origine sûr en application de l'article L. 722-1. Enfin, comme il a été dit au point 2, l'article L. 511-1 I 6° du CESEDA prévoit qu'une obligation de quitter le territoire dans un délai de trente jours peut être édictée " si l'étranger ne bénéficie plus du droit de se maintenir sur le territoire français en application des articles L. 743-1 et L. 743-2 ".
5. En l'espèce il ressort des pièces du dossier que la demande de Mme C... a fait l'objet d'un examen en procédure accélérée, l'intéressée étant ressortissante d'un pays considéré comme un pays d'origine sûr au sens des dispositions du 1° de l'article L. 723-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Contrairement à ce que soutient la requérante, il ressort de la combinaison des dispositions citées au point 4 que le droit de se maintenir sur le territoire français prend fin automatiquement dès la notification de la décision de l'OFPRA ayant statué en procédure accélérée, le préfet disposant seulement alors de la faculté de retirer ou refuser le renouvellement de l'attestation de demandeur d'asile, cette dernière formalité n'étant pas un préalable nécessaire à la mesure d'éloignement. Dans ces conditions, la requérante n'est pas fondée à soutenir que la mesure d'éloignement serait privée de base légale au motif que le préfet n'aurait pas préalablement retiré l'attestation de demandeur d'asile.
6. Il résulte de tout ce qui précède que la requérante n'est pas fondée à demander l'annulation de la mesure d'éloignement édictée à son encontre.
En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination de la mesure d'éloignement :
7. En premier lieu, ainsi qu'il a été dit au point 6, les conclusions en annulation de la mesure d'éloignement sont rejetées. La requérante n'est par suite pas fondée à demander l'annulation de la décision fixant le pays de destination, par voie de conséquence de l'annulation de la mesure d'éloignement.
8. En second lieu, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 513-2 du CESEDA ainsi que de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté, par adoption des motifs mentionnés aux points 11 à 13 du jugement qui n'appellent pas de précision en appel.
9. Par suite, les conclusions tendant à l'annulation de la décision fixant le pays de destination de la mesure d'éloignement doivent également être rejetées.
En ce qui concerne l'interdiction de retour sur le territoire français :
10. En premier lieu, ainsi qu'il a été dit au point 6, les conclusions en annulation de la mesure d'éloignement sont rejetées. La requérante n'est par suite pas fondée à demander l'annulation de la décision portant interdiction de retour sur le territoire français, par voie de conséquence de l'annulation de la mesure d'éloignement.
11. En deuxième lieu, les moyens tirés de l'existence d'une erreur de droit et d'une erreur de fait de la mesure d'interdiction de retour sur le territoire français doivent être écartés, par adoption des motifs du premier juge au point 18 du jugement.
12. En troisième lieu, le moyen tiré de l'erreur d'appréciation entachant la décision portant interdiction de retour sur le territoire français doit être écarté, par adoption des motifs mentionnés aux points 15 à 18 du jugement qui n'appellent pas de précision en appel.
13. En quatrième et dernier lieu, par sa décision n° 2018-770 DC du 6 septembre 2018, par laquelle il a déclaré conforme à la Constitution les dispositions du 2° de l'article 12 de la loi du 10 septembre 2018, le Conseil constitutionnel a jugé, d'une part, que ces dispositions ne privent pas les intéressés de la possibilité d'exercer un recours contre la décision de rejet de l'office et, d'autre part, que le 3° de l'article 12 de la loi déférée complète l'article L. 743-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en prévoyant, dans les hypothèses visées aux 4° bis et 7° de l'article L. 743-2 du même code, que l'intéressé faisant l'objet d'une obligation de quitter le territoire français peut demander au président du tribunal administratif la suspension de l'exécution de la mesure d'éloignement jusqu'à l'expiration du délai de recours devant la Cour nationale du droit d'asile ou, si cette dernière est saisie, jusqu'à sa décision. Il en a déduit que les dispositions du 2° de l'article 12 de la loi du 10 septembre 2018 ne méconnaissaient ni le droit à un recours juridictionnel effectif, ni le droit d'asile, ni le principe d'égalité devant la loi, ni aucune autre exigence constitutionnelle. Ainsi, le Conseil constitutionnel, pour conclure à la conformité à la Constitution des dérogations introduites par la loi au principe du maintien sur le territoire, a expressément retenu, dans ses motifs et à l'appui de son dispositif, la garantie présentée par la saisine du juge administratif de conclusions à fins de suspension de la mesure d'éloignement ajoutée par les dispositions nouvelles de l'article L. 743-3, telles qu'issues de la loi précitée. La requérante ne peut dans ces conditions utilement soutenir qu'en édictant à son encontre une mesure d'interdiction de retour sur le territoire français sur le fondement de telles dispositions législatives, le préfet aurait porté atteinte à son droit d'asile.
14. La requérante n'est donc pas davantage fondée à demander l'annulation de l'interdiction de retour sur le territoire d'une durée de 4 mois édictée à son encontre.
15. Il résulte de tout ce qui précède que Mme C... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné du tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande. Doivent être rejetées, par voie de conséquence, les conclusions à fin d'injonction ainsi que celles tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de Mme C... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme D... C..., au ministre de l'intérieur et à Me A....
Copie en sera adressée au préfet de l'Hérault.
Délibéré après l'audience du 17 décembre 2020, où siégeaient :
-M. Poujade, président de chambre,
- M. Portail, président assesseur,
- Mme B..., premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 7 janvier 2021.
N° 19MA05011 2
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