Procédure devant la Cour :
I°) Par une requête et un mémoire complémentaire enregistrés sous le numéro 20MA02185 les 1er juillet et 6 novembre 2020, la commune du Lavandou, représentée par Me C..., demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Toulon du 18 février 2020 ;
2°) de rejeter la requête de la SCICV 180° Sud présentée devant le tribunal administratif de Toulon ;
3°) de mettre à la charge de la SCICV 180° Sud la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le refus de permis était fondé ;
- le jugement est entaché de contradiction de motifs ;
- les dispositions de l'article UD 13 du règlement du plan local d'urbanisme s'opposaient à la délivrance du permis et l'injonction prononcée par le tribunal administratif doit être censurée.
Par un mémoire en défense enregistré le 22 octobre 2020, la SCICV 180° Sud, représentée par Me B..., conclut au rejet de la requête, à titre subsidiaire à l'application des articles L. 600-5 ou L. 600-5-1 du code de l'urbanisme, et à ce que soit mise à la charge de la commune du Lavandou la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir que :
- le motif de refus est illégal ;
- le classement en zone urbaine des parcelles n'a pas été annulé ;
- l'injonction de délivrance pourra être confirmée.
II°) Par une requête enregistrée sous le numéro 20MA02186 le 1e juillet 2020, la commune du Lavandou, représentée par Me C..., demande à la Cour :
1°) de suspendre l'exécution du jugement du tribunal administratif de Toulon du 18 février 2020 ;
2°) de mettre à la charge de la SCICV 180° Sud la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que les moyens invoqués dans la requête au fond présentent un caractère sérieux.
Par un mémoire en défense enregistré le 22 octobre 2020, la SCICV 180° Sud, représentée par Me B..., conclut au non-lieu à statuer sur la requête, au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de la commune du Lavandou la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir qu'il n'y a pas lieu de statuer sur la requête.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme A...,
- les conclusions de Mme Giocanti, rapporteur public,
- et les observations de Me C... pour la commune du Lavandou et de Me B... pour la SCICV 180° Sud.
Considérant ce qui suit :
1. La commune du Lavandou relève appel du jugement du 18 février 2020 par lequel le tribunal administratif de Toulon a annulé, à la demande de la SCICV 180° Sud, l'arrêté du 18 juillet 2018 par lequel son maire a refusé de délivrer à cette société un permis de construire portant sur la construction d'un immeuble de trente-deux logements.
Sur la jonction :
2. Les requêtes n° 20MA02185 et 20MA02186 présentées pour la commune du Lavandou présentent à juger des questions semblables et ont fait l'objet d'une instruction commune. Par suite, il y a lieu de les joindre pour qu'elles fassent l'objet d'un même arrêt.
Sur le bien-fondé du jugement :
3. Le maire du Lavandou a refusé de délivrer le permis de construire sollicité par la SCICV 180° Sud au motif que : " Considérant que le terrain d'assiette du projet est situé en zone UC. Considérant que ce terrain est à proximité d'un vaste secteur resté à l'état naturel, lui-même situé en continuité d'un espace remarquable (...) Considérant que le PLU du Lavandou révisé (...) est compatible avec le SCOT qui (...) était de nature à faire écran à l'application de la loi Littoral s'agissant de la définition des espaces remarquables (...) Considérant que [la] décision [n° 16MA03780 et 16MA03790] prive de toute portée les dispositions de l'article L. 131-1 du code de l'urbanisme en supprimant l'effet écran du SCOT. Considérant que la commune ne peut donc garantir que le classement en zone UC du terrain serait considéré comme régulier par le juge administratif s'il venait à être saisi. Considérant que les collectivités territoriales doivent contribuer à l'effort de redressement des finances publiques en poursuivant un objectif de maîtrise de leurs dépenses. Considérant que la délivrance du permis de construire, dans un contexte d'insécurité juridique marquée, pourrait avoir de graves conséquences sur les finances communales en cas d'annulation par le juge ".
4. En premier lieu, aux termes de l'article L. 421-6 du code de l'urbanisme : " Le permis de construire ou d'aménager ne peut être accordé que si les travaux projetés sont conformes aux dispositions législatives et réglementaires relatives à l'utilisation des sols, à l'implantation, la destination, la nature, l'architecture, les dimensions, l'assainissement des constructions et à l'aménagement de leurs abords et s'ils ne sont pas incompatibles avec une déclaration d'utilité publique. (...)".
5. Il résulte des termes mêmes de la décision du 18 juillet 2018 que le maire du Lavandou s'est opposé au projet de la SCICV 180° Sud au seul et unique motif de ses craintes d'annulation éventuelle du classement du terrain d'assiette en zone UC dans l'hypothèse où ce classement serait contesté, et de ses craintes en termes de conséquences financières d'une hypothétique annulation. Ce faisant, le maire, qui a statué sur la demande et a ainsi exercé sa compétence, n'a toutefois pas opposé un motif d'urbanisme ou une disposition législative ou réglementaire telle que prévue par les dispositions de l'article L. 421-6 du code de l'urbanisme, et a ainsi commis une erreur de droit.
6. En deuxième lieu, dès lors que le refus de permis était uniquement fondé sur les craintes précitées de la commune, les moyens invoqués par la société pétitionnaire en première instance et tirés de ce que le projet ne méconnaitrait ni le SCOT ni les dispositions du code de l'urbanisme relative à loi littoral étaient inopérants. Dans ces conditions, le tribunal administratif n'a pas entaché son jugement de contradiction de motifs en écartant ces moyens inopérants par le biais de l'article L. 600-4-1 du code de l'urbanisme, puis en enjoignant à la délivrance du permis de construire en estimant qu'aucune disposition n'y faisait obstacle.
7. En troisième lieu, l'administration peut, en première instance comme en appel, faire valoir devant le juge de l'excès de pouvoir que la décision dont l'annulation est demandée est légalement justifiée par un motif, de droit ou de fait, autre que celui initialement indiqué, mais également fondé sur la situation existant à la date de cette décision. Il appartient alors au juge, après avoir mis à même l'auteur du recours de présenter ses observations sur la substitution ainsi sollicitée, de rechercher si un tel motif est de nature à fonder légalement la décision, puis d'apprécier s'il résulte de l'instruction que l'administration aurait pris la même décision si elle s'était fondée initialement sur ce motif. Dans l'affirmative il peut procéder à la substitution demandée, sous réserve toutefois qu'elle ne prive pas le requérant d'une garantie procédurale liée au motif substitué.
8. La commune soutient que le projet méconnait les dispositions de l'article UC 13 du règlement du plan local d'urbanisme aux termes desquelles " Au-delà de 10 logements, il doit être aménagé 10 m² d'aires de jeux par tranche de 10 logements ". Le projet en litige prévoyant la construction de trente-deux logements, le projet devait donc prévoir une aire de jeux de 30 m² dès lors que les dispositions précitées font référence à des tranches entières. Or, il ressort des pièces du dossier, notamment du plan de masse, que le pétitionnaire a prévu de réaliser une aire de jeux de 383,64 m² sur la plage en bois de la piscine. Les circonstances que l'aire de jeu n'est pas précisément matérialisée sur cette plage et que les plans n'indiquent pas les modalités de sécurisation de cette aire de jeux sont sans incidence dès lors qu'il appartiendra au pétitionnaire, lors de l'exécution des travaux, de délimiter précisément cette aire de jeux et de la sécuriser. Dans ces conditions, la commune n'est pas fondée à soutenir qu'elle pouvait refuser le projet en litige sur le fondement de l'article UC 13 précité.
9. En quatrième lieu, lorsque le juge annule un refus d'autorisation ou une opposition à une déclaration après avoir censuré l'ensemble des motifs que l'autorité compétente a énoncés dans sa décision conformément aux prescriptions de l'article L. 424-3 du code de l'urbanisme ainsi que, le cas échéant, les motifs qu'elle a pu invoquer en cours d'instance, il doit, s'il est saisi de conclusions à fin d'injonction, ordonner à l'autorité compétente de délivrer l'autorisation ou de prendre une décision de non-opposition. Il n'en va autrement que s'il résulte de l'instruction, soit que les dispositions en vigueur à la date de la décision annulée, qui, eu égard aux dispositions de l'article L. 600-2 du code de l'urbanisme, demeurent applicables à la demande, interdisent de l'accueillir pour un motif que l'administration n'a pas relevé, ou que, par suite d'un changement de circonstances, la situation de fait existant à la date du jugement y fait obstacle. L'autorisation d'occuper ou utiliser le sol délivrée dans ces conditions peut être contestée par les tiers sans qu'ils puissent se voir opposer les termes du jugement ou de l'arrêt.
10. La commune du Lavandou n'a pas opposé de motifs d'urbanisme susceptibles de faire obstacle à la délivrance du permis, ni sollicité d'autres substitutions de motifs que celle évoquée au point 9 du présent arrêt. En outre, il ne résulte pas de l'instruction que d'autres règles, notamment le règlement de la zone UC, les prescriptions du SCOT ou les dispositions du code de l'urbanisme relatives à la loi littoral, s'opposeraient à la délivrance du permis en litige. La commune du Lavandou n'est donc pas fondée à soutenir que le tribunal ne pouvait lui enjoindre de délivrer à la SCICV 180° Sud le permis de construire sollicité.
11. Il résulte de ce qui précède que la commune du Lavandou n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué du 18 février 2020, le tribunal administratif de Toulon a annulé le refus de permis en litige et lui a enjoint de délivrer le permis sollicité par la SCICV 180° Sud.
Sur la demande de sursis à exécution :
12. Par voie de conséquence du rejet de la requête au fond présentée par la commune du Lavandou, ses conclusions tendant au sursis à exécution du jugement en litige sont devenues sans objet.
Sur les frais liés au litige :
13. La SCICV 180° Sud n'étant pas partie perdante à la présente instance, il y a lieu de rejeter les conclusions de la commune du Lavandou présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il y a lieu en revanche de mettre à la charge de la commune du Lavandou la somme de 1 500 euros à verser à la SCICV 180° Sud au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
D É C I D E :
Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur la requête n° 20MA02186.
Article 2 : La requête n° 20MA02185 de la commune du Lavandou est rejetée.
Article 3 : La commune du Lavandou versera à la SCICV 180° Sud la somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la commune du Lavandou et à la SCICV 180° Sud.
Délibéré après l'audience du 17 décembre 2020 où siégeaient :
- M. Poujade, président,
- M. Portail, président assesseur,
- Mme A..., premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 7 janvier 2021.
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N° 20MA02185, 20MA02186
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