Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 11 janvier 2021, Mme C... A..., représentée par Me Ruffel, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du 1er septembre 2020 du tribunal administratif de Montpellier ;
2°) à titre principal, d'annuler l'arrêté du 2 juillet 2020 par lequel le préfet de l'Hérault l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de quatre-vingt-dix jours, a fixé le pays de destination, lui a fait interdiction de retour sur le territoire pendant une durée de quatre mois ;
3°) à titre subsidiaire, suspendre l'exécution de l'arrêté du 2 juillet 2020 du préfet de l'Hérault jusqu'à ce que la cour nationale du droit d'asile statue sur sa demande, en application de l'article L. 743-2 alinéa 2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
4°) d'enjoindre au préfet de l'Hérault de lui délivrer une autorisation de séjour provisoire sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de la notification de la décision à intervenir ;
5°) de condamner l'Etat à verser à son conseil la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, à charge pour son conseil de renoncer au bénéfice de l'aide juridictionnelle en application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
Sur la décision portant obligation de quitter le territoire :
- elle est entachée d'un défaut d'examen réel et sérieux ;
- elle méconnait les dispositions de l'article L. 743-3 et L. 311-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle méconnait les dispositions de l'article 8 de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- la suspension demandée à titre subsidiaire est fondée sur la nécessité qu'elle a de pouvoir présenter devant la cour nationale du droit d'asile, une juridiction, les raisons qui l'ont conduit à quitter l'Albanie avec sa famille ;
Sur la décision fixant le pays de destination :
- la décision attaquée, fondée sur une décision d'obligation de quitter le territoire elle-même illégale, est entachée d'illégalité ;
- elle est entachée d'une erreur de droit en ce que le préfet s'est cru tenu par la décision de l'office français de protection des réfugiés et apatrides sans effectuer un examen de sa situation ;
- elle méconnait les dispositions de l'article 3 de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
Sur la décision d'interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée de quatre mois :
- la décision attaquée, fondée sur une décision d'obligation de quitter le territoire elle-même illégale, est entachée d'illégalité ;
- la décision est entachée d'une erreur d'appréciation au regard des dispositions du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et présente un caractère disproportionné.
Par un mémoire en défense, enregistré le 22 octobre 2021, le préfet de l'Hérault conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que les moyens soulevés dans la requête ne sont pas fondés.
Par une décision du 27 novembre 2020 le bureau d'aide juridictionnelle du tribunal judiciaire de Marseille lui a accordé l'aide juridictionnelle totale.
La présidente de la Cour a désigné M. d'Izarn de Villefort pour présider la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Quenette a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme C... A..., ressortissante albanaise née le 4 mai 1999, a présenté en procédure accélérée enregistrée le 4 juillet 2019 une demande d'asile, qui a fait l'objet d'une décision de rejet par l'office français de protection des réfugiés et apatrides le 21 janvier 2020, notifiée le 23 mars 2020 sur le fondement de l'article L. 743-2 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, contre laquelle elle a déposé un recours devant la cour nationale du droit d'asile le 18 juin 2020. Elle relevait ainsi des dispositions de l'article L. 511-1 I 2° et 6° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile qui ont conduit le préfet de l'Hérault à prendre à son encontre 2 juillet 2020 un arrêté portant obligation de quitter le territoire français dans un délai de quatre-vingt-dix jours, fixant le pays de destination, et lui a fait interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de quatre mois. Mme A... relève appel du jugement du 1er septembre 2020 par lequel le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande d'annulation de l'arrêté du 2 juillet 2020.
Sur le bien-fondé du jugement :
S'agissant de la décision portant obligation de quitter le territoire français
2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 311-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " lorsqu'un étranger a présenté une demande d'asile qui relève de la compétence de la France, l'autorité administrative, après l'avoir informé des motifs pour lesquels une autorisation de séjour peut être délivrée et des conséquences de l'absence de demande sur d'autres fondements à ce stade, l'invite à indiquer s'il estime pouvoir prétendre à une admission au séjour à un autre titre et, dans l'affirmative, l'invite à déposer sa demande dans un délai fixé par décret. Il est informé que, sous réserve de circonstances nouvelles, notamment pour des raisons de santé, et sans préjudice de l'article L. 511-4, il ne pourra, à l'expiration de ce délai, solliciter son admission au séjour. ". Aux termes de l'article L. 743-3 alinéa 1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger auquel la reconnaissance de la qualité de réfugié ou le bénéfice de la protection subsidiaire a été définitivement refusé ou qui ne bénéficie plus du droit de se maintenir sur le territoire français en application de l'article L. 743-2 et qui ne peut être autorisé à demeurer sur le territoire à un autre titre doit quitter le territoire français, sous peine de faire l'objet d'une mesure d'éloignement prévue au titre Ier du livre V et, le cas échéant, des pénalités prévues au chapitre Ier du titre II du livre VI. ".
3. Il ne ressort pas des pièces du dossier que la requérante aurait demandé à bénéficier d'une admission au séjour à un autre titre que l'asile malgré l'invitation du préfet de l'Hérault à le faire en application des dispositions de l'article L. 311-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par ailleurs, après avoir relevé que l'office français de protection des réfugiés et apatrides avait rejeté la demande d'asile sur le fondement de l'article L. 723-2 I 1° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet de l'Hérault a constaté qu'il n'était pas porté atteinte à son droit à la vie privée et familiale dès lors qu'elle n'établissait pas l'existence de liens familiaux en France et ne justifiait pas ne plus avoir d'attaches en Albanie, ni qu'elle n'apportait devant lui d'éléments nouveaux relatifs aux risques qu'elle soutient encourir en Albanie par rapport à ceux déjà exposés devant l'office français de protection des réfugiés et apatrides. Par suite le moyen tiré de la méconnaissance des textes susvisés et de l'absence d'un examen réel et sérieux de sa situation doit être écarté.
4. En deuxième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".
5. Il ressort des pièces du dossier que Mme C... A..., est entrée en France le 2 juillet 2019 en compagnie de sa mère Mme D... A... et de son frère Eduard, et qu'elle a été rejointe le 13 décembre 2019 par sa sœur ainée Ornela et par la fille de celle-ci Melisa. Les demandes d'asile déposées en procédure accélérée par tous les membres adultes de la famille ont fait l'objet de rejet par l'office français de protection des réfugiés et apatrides le 21 janvier 2020 pour la requérante, pour sa mère et son frère Eduard et le 28 février pour sa sœur Ornela. Le préfet de l'Hérault a ensuite pris des mesures d'éloignement à l'encontre des intéressées, le 2 juillet 2020 pour Mme C... A... et sa mère Mme D... A... et le 14 août 2020 pour sa sœur Ornella. Il a également rejeté la demande de titre " étranger malade " déposée par M. B... A... par un arrêté du 19 mai 2020. Ainsi, la requérante, dont toute la famille a vécu en Albanie avant l'entrée en France au cours de l'année écoulée, et qui se borne à faire état des procédures de demande de titre effectuées en France, ne justifie pas avoir établi le centre de ses intérêts privés et familiaux en France. Si elle se prévaut de l'impossibilité de retourner en Albanie en raison d'un litige opposant sa sœur Ornella et la famille de son ancien conjoint qui lui ferait craindre pour sa vie et celle de sa famille et produit un dépôt de plainte de sa sœur du 23 juillet 2020 à la suite notamment de menace de l'ancien conjoint de sa sœur résidant à Londres, elle n'apporte aucun élément déterminant par rapport à ceux qu'elle a soutenus devant l'office français de protection des réfugiés et apatrides, lequel n'a pas considéré que ses récits permettaient de tenir pour établis les faits allégués ni de conclure à l'existence d'une atteinte grave à son encontre en cas de retour dans son pays. Il ressort par ailleurs des pièces du dossier que la Cour Nationale du Droit d'Asile a rejeté son recours par un arrêt du 13 novembre 2020, notifié le 18 novembre 2020. Si elle se prévaut de l'état de santé de son frère qui nécessite un traitement en France, en tout état de cause, elle ne justifie pas de la nécessité de rester auprès de lui. Par suite, elle ne justifie pas d'obstacle à reconstituer sa vie privée et familiale en Albanie. Dès lors, le préfet n'a pas entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation ni porté une atteinte disproportionnée au droit de Mme C... A... de mener une vie privée et familiale en prenant à son égard une obligation de quitter le territoire français.
S'agissant de la décision fixant le pays de destination
6. Compte tenu de ce qui précède, le moyen tiré par voie d'exception de l'illégalité des décisions portant refus de séjour et obligation de quitter le territoire français à l'appui des conclusions dirigées contre la décision fixant le pays de destination doit être écarté.
7. L'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales stipule : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ". L'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose : " (...) Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950. ".
8. Il ressort de la décision attaquée, que si le préfet a visé la décision de rejet de sa demande par l'office français de protection des réfugiés et apatrides, il a examiné la situation de la requérante au regard des dispositions de l'article 3 de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Par suite, le moyen tiré de l'absence d'examen réel et sérieux et de l'erreur de droit qu'aurait commise le préfet en s'estimant lié par la seule décision de l'office français de protection des réfugiés et apatrides doit être écarté.
9. Si Mme A... soutient craindre d'être exposée à des risques pour sa vie et sa liberté en cas de retour dans son pays d'origine, elle n'apporte aucun élément déterminant nouveau par rapport à ceux qu'elle a soutenus devant l'office français de protection des réfugiés et apatrides, lequel n'a pas considéré que ses récits permettaient de tenir pour établis les faits allégués ni de conclure à l'existence d'une atteinte grave à son encontre en cas de retour dans son pays. Par ailleurs, il ressort des pièces du dossier que la cour nationale du droit d'asile a rejeté son recours contre la décision de l'office français de protection des réfugiés et des apatrides, ainsi qu'il a été précisé au point 5. Par suite c'est sans méconnaitre les dispositions précitées que le préfet a fixé le pays dont la requérante possède la nationalité comme pays à destination duquel celle-ci pourrait être reconduite d'office.
S'agissant de la décision portant interdiction de retour sur le territoire français
10. Compte tenu de ce qui précède, le moyen tiré par voie d'exception de l'illégalité des décisions portant refus de séjour et obligation de quitter le territoire français à l'appui des conclusions dirigées contre la décision fixant le pays de destination doit être écarté.
11. Les moyens tirés de l'erreur d'appréciation au regard des dispositions du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et du caractère disproportionné de la décision portant obligation de quitter le territoire doivent être écartés, par adoption des motifs du tribunal qui n'appellent pas de précision en appel.
Sur les conclusions à fin de suspension de l'obligation de quitter le territoire français présentée à titre subsidiaire
12. Aux termes de l'article L743-3 alinéa 2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, " dans le cas où le droit de se maintenir sur le territoire a pris fin en application du 7° de l'article L. 743-2, l'étranger peut demander au président du tribunal administratif ou au magistrat désigné statuant sur le recours formé en application de l'article L. 512-1 contre l'obligation de quitter le territoire français de suspendre l'exécution de la mesure d'éloignement jusqu'à l'expiration du délai de recours devant la Cour nationale du droit d'asile ou, si celle-ci est saisie, soit jusqu'à la date de la lecture en audience publique de la décision de la cour, soit, s'il est statué par ordonnance, jusqu'à la date de la notification de celle-ci. Le président du tribunal administratif ou le magistrat désigné à cette fin fait droit à la demande de l'étranger lorsque celui-ci présente des éléments sérieux de nature à justifier, au titre de sa demande d'asile, son maintien sur le territoire durant l'examen de son recours par la cour ".
13. Il ressort des pièces du dossier que la Cour Nationale du Droit d'Asile a rejeté le recours de Mme A..., ainsi qu'il a été précisé au point 5. Par suite, il n'y a plus lieu de statuer sur le demande de suspension de l'arrêté du préfet de l'Hérault du 2 juillet 2002.
14. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande. Doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction sous astreinte, ainsi que celles présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
D É C I D E :
Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions à fin de suspension de l'arrêté du préfet de l'Hérault du 2 juillet 2002.
Article 2 : Le surplus de conclusions de la requête de Mme A... est rejeté.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... A..., au ministre de l'intérieur et à Me Ruffel.
Copie en sera adressée au préfet de l'Hérault.
Délibéré après l'audience du 24 février 2022 où siégeaient :
- M. d'Izarn de Villefort, président assesseur, présidant la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,
- M. Quenette, premier conseiller,
- Mme Baizet, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 10 mars 2022.
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N° 21MA00125
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