Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 16 mars 2021 et un mémoire, enregistré le 15 juillet 2021, Mme G... A..., représentée par Me Bautes, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du 22 octobre 2020 du tribunal administratif de Montpellier ;
2°) d'annuler l'arrêté du 14 août 2020 par lequel le préfet de l'Hérault l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays à destination duquel elle serait reconduite d'office et lui a interdit le retour sur le territoire français pour une durée de quatre mois ;
3°) d'enjoindre au préfet de l'Hérault de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans un délai de 15 jours à compter de la décision à intervenir si besoin sous astreinte, ou, à défaut, de procéder au réexamen de la demande sous les mêmes conditions de délai si besoin sous astreinte ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser à Me Bautes en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
S'agissant de la décision portant obligation de quitter le territoire :
- elle est entachée d'un défaut d'examen réel et sérieux et d'un défaut de motivation ;
- elle méconnait les dispositions de l'article 3 de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
S'agissant la décision d'interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée de quatre mois :
- elle est entachée d'incompétence ;
- elle est insuffisamment motivée ;
- la décision attaquée, fondée sur une décision d'obligation de quitter le territoire elle-même illégale, est entachée d'illégalité ;
- la décision est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et méconnait ces dispositions.
Par un mémoire en défense, enregistré le 10 février 2022, le préfet de l'Hérault conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que les moyens soulevés dans la requête ne sont pas fondés.
Par une décision du 22 janvier 2021 le bureau d'aide juridictionnelle du tribunal judiciaire de Marseille lui a accordé l'aide juridictionnelle totale.
La présidente de la Cour a désigné M. d'Izarn de Villefort pour présider la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Quenette a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme A..., ressortissante albanaise née en 1990, déclare être entrée sur le territoire français en décembre 2019 en compagnie de son enfant mineur. Sa demande d'asile a été rejetée par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du 28 février 2020, notifiée le 25 juin 2020. Mme A... relève appel du jugement du 22 octobre 2020 par lequel le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande d'annulation de l'arrêté du 14 août 2020 du préfet de l'Hérault l'obligeant à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, fixant le pays de destination et prononçant à son encontre une interdiction de retour sur le territoire d'une durée de quatre mois.
Sur le bien-fondé du jugement :
S'agissant de la décision portant obligation de quitter le territoire français
2. En premier lieu, si la requérante soutient que le préfet de l'Hérault s'est borné à constater que l'Albanie était un pays sûr sans prendre en compte les raisons invoquées par Mme A... pour justifier de sa demande de protection sollicitée, il ressort de l'arrêté attaqué qu'après avoir constaté que l'OFPRA avait procédé à l'examen de la situation de la requérante sans retenir l'existence de risques de tortures ou de soumission à des peines ou des traitements inhumains ou dégradants au sens de la convention de Genève, le préfet de l'Hérault a considéré que l'intéressée n'apportait aucun élément nouveau de nature à établir la réalité des risques personnels qu'elle encourait en cas de retour dans son pays d'origine. Par suite, les moyens tirés de l'absence d'examen réel et sérieux ou d'insuffisance de motivation doivent être écartés.
3. En second lieu, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales est inopérant à l'encontre d'une décision portant obligation de quitter le territoire français qui n'a ni pour objet, ni pour effet de fixer le pays à destination duquel Mme A... pourra être reconduite d'office.
S'agissant de la décision portant interdiction de retour sur le territoire français :
4. Compte tenu de ce qui précède, le moyen tiré par voie d'exception de l'illégalité des décisions portant refus de séjour et obligation de quitter le territoire français à l'appui des conclusions dirigées contre la décision fixant le pays de destination doit être écarté.
5. La décision attaquée est signée, pour le préfet de l'Hérault, par Mme D... F.... Par un arrêté n° 2020-I-830 du 15 juillet 2020, régulièrement publié au recueil des actes administratifs de la préfecture du même jour, le préfet de l'Hérault a donné délégation à Mme D... F..., chef de bureau de l'asile, de l'éloignement et du contentieux, aux fins de signer notamment les décisions contenues dans l'arrêté contesté, en cas d'absence ou d'empêchement de Mme C... B..., directrice des migrations et de l'intégration. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de la décision attaquée manque en fait et doit être écarté.
6. Aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) III. - L'autorité administrative, par une décision motivée, assortit l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français, d'une durée maximale de trois ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français, lorsque aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger. / (...) Lorsqu'elle ne se trouve pas en présence du cas prévu au premier alinéa du présent III, l'autorité administrative peut, par une décision motivée, assortir l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée maximale de deux ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français. / (...) La durée de l'interdiction de retour mentionnée aux premier, sixième et septième alinéas du présent III ainsi que le prononcé et la durée de l'interdiction de retour mentionnée au quatrième alinéa sont décidés par l'autorité administrative en tenant compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. (...) ".
7. Il ressort des termes mêmes de ces dispositions que l'autorité compétente doit, pour décider de prononcer à l'encontre de l'étranger soumis à l'obligation de quitter le territoire français une interdiction de retour et en fixer la durée, tenir compte, dans le respect des principes constitutionnels, des principes généraux du droit et des règles résultant des engagements internationaux de la France, des quatre critères qu'elles énumèrent, sans pouvoir se limiter à ne prendre en compte que l'un ou plusieurs d'entre eux.
8. Si la requérante soutient que le préfet de l'Hérault n'a pas examiné les quatre critères qu'il a pris en compte pour prononcer l'interdiction de retour sur le territoire pour une durée de quatre mois, il ressort toutefois de l'arrêté attaqué que le préfet de l'Hérault s'est fondé explicitement sur la durée récente d'arrivée en France de la requérante, ses liens familiaux qui ne sont pas établis alors même qu'elle ne justifie pas être démunie d'attache dans son pays d'origine, l'absence de mesure d'éloignement et l'absence de menace à l'ordre public.
9. Si la requérante fait valoir en appel que, par un jugement du 28 janvier 2021, au demeurant postérieur à l'arrêté attaqué, le tribunal judiciaire de Montpellier lui a accordé la tutelle de son frère Eduard, qui souffre de déficience mentale et de troubles autistiques, ce dernier ne dispose pas d'un titre de séjour pour se maintenir en France. Par suite, au regard de son arrivée très récente sur le territoire, de la circonstance que sa mère, son frère et sa sœur n'ont pas vocation à rester en France, qu'elle n'est pas isolée en Albanie, alors même qu'elle n'aurait pas fait précédemment l'objet de mesure d'éloignement et qu'elle ne présente pas de menace à l'ordre public, le préfet de l'Hérault n'a pas entaché sa décision d'erreur manifeste d'appréciation en fixant à une durée de quatre mois l'interdiction de retour sur le territoire français.
10. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande. Doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction sous astreinte, ainsi que celles présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme E... A..., au ministre de l'intérieur et à Me Bautes.
Copie en sera adressée au préfet de l'Hérault.
Délibéré après l'audience du 24 février 2022 où siégeaient :
- M. d'Izarn de Villefort, président assesseur, présidant la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,
- M. Quenette, premier conseiller,
- Mme Baizet, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 10 mars 2022.
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N° 21MA01010
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