Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 12 janvier 2021, M. A..., représenté par Me Perrot, demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler l'arrêté du 3 décembre 2020 du préfet des Bouches-du-Rhône ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative au profit de Me Perrot, sous réserve que celui-ci renonce à percevoir la somme allouée par l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle, en application des dispositions de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991.
Il soutient que l'arrêté querellé a été pris en violation des droits de la défense et de son droit d'être entendu, en méconnaissance des stipulations des articles 47 et 48 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne et de l'article L. 122-1 du code des relations entre le public et l'administration ; il a disposé d'un délai trop court de trois heures pour formuler des observations ; le préfet des Bouches-du-Rhône produit une pièce n° 3 datée du 2 décembre 2020 mais notifiée le 3 décembre ; l'arrêté du 2 décembre 2020 ne fait pas référence à une notice de renseignements administratifs établie conformément aux dispositions précitées ; à la date de l'arrêté querellé, aucun fonctionnaire ne l'avait rencontré pour l'informer de ses droits en application des articles L. 121-1, L. 121-2, L. 122-1 et L. 122-2 du code des relations entre le public et l'administration.
La procédure a été communiquée au préfet des Bouches-du-Rhône qui n'a pas produit de mémoire.
Le 15 février 2022, M. A..., représenté par Me Perrot, a présenté un mémoire qui n'a pas été communiqué.
Par une décision du 3 septembre 2021, le bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Marseille a rejeté la demande d'aide juridictionnelle présentée par M. A....
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la charte sociale européenne révisée faite à Strasbourg le 3 mai 1996, publiée par le décret n° 2000-110 du 4 février 2000 ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;
- le décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991 portant application de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. C... Taormina, rapporteur,
- et les observations de Me Perrot pour M. A....
Considérant ce qui suit :
1. M. A... relève appel du jugement en date du 11 décembre 2020 par lequel le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa requête tendant à l'annulation de l'arrêté du 3 décembre 2020 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône l'a obligé à quitter le territoire français sans délai et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de trois ans.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
En ce qui concerne la fin de non-recevoir opposée par le préfet des Bouches-du-Rhône tirée de la tardiveté de la requête de M. A... :
2. Aux termes de l'article L. 512-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans sa rédaction en vigueur : " ... II. - L'étranger qui fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire sans délai peut, dans les quarante-huit heures suivant sa notification par voie administrative, demander au président du tribunal administratif l'annulation de cette décision, ainsi que l'annulation de la décision relative au séjour, de la décision refusant un délai de départ volontaire, de la décision mentionnant le pays de destination et de la décision d'interdiction de retour sur le territoire français ou d'interdiction de circulation sur le territoire français qui l'accompagnent le cas échéant... ". Aux termes de l'article R. 776-19 du code de justice administrative : " Si, au moment de la notification d'une décision mentionnée à l'article R. 776-1, l'étranger est retenu par l'autorité administrative, sa requête peut valablement être déposée, dans le délai de recours contentieux, auprès de ladite autorité administrative (...) ". Aux termes de l'article R. 776-31 du même code, applicable en cas de détention : " Au premier alinéa de l'article R. 776-19, les mots : " de ladite autorité administrative " sont remplacés par les mots : " du chef de l'établissement pénitentiaire ". Il incombe à l'administration, pour les décisions présentant les caractéristiques mentionnées ci-dessus, de faire figurer, dans leur notification à un étranger retenu ou détenu, la possibilité de déposer sa requête dans le délai de recours contentieux auprès de l'administration chargée de la rétention ou du chef de l'établissement pénitentiaire.
3. En l'espèce, il ressort des pièces du dossier que M. A... était encore détenu dans un établissement pénitentiaire lorsque l'arrêté querellé lui a été notifié avec la simple mention qu'en cas de rétention administrative, il pouvait exercer son recours auprès de l'administration chargée de la rétention. Dans ces conditions, le délai de recours n'a pu courir contre l'intéressé qui n'a saisi le tribunal administratif qu'après avoir été placé en rétention administrative après sa levée d'écrou. Par suite, contrairement à ce qu'a soutenu en première instance le préfet des Bouches-du-Rhône, sa requête devant le tribunal administratif de Nîmes était recevable.
En ce qui concerne la légalité de l'arrêté préfectoral du 3 décembre 2020 :
4. Si, aux termes de l'article 41 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne : " Toute personne a le droit de voir ses affaires traitées impartialement, équitablement et dans un délai raisonnable par les institutions et organes de l'Union. / Ce droit comporte notamment : / - le droit de toute personne d'être entendue avant qu'une mesure individuelle qui l'affecterait défavorablement ne soit prise à son encontre... ", il résulte de la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne que cet article s'adresse non pas aux Etats membres mais uniquement aux institutions, organes et organismes de l'Union. Ainsi, le moyen tiré de leur violation par une autorité d'un Etat membre est inopérant. Toutefois, il résulte également de la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne que le droit d'être entendu fait partie intégrante du respect des droits de la défense, principe général du droit de l'Union. Il appartient aux Etats membres, dans le cadre de leur autonomie procédurale, de déterminer les conditions dans lesquelles le respect de ce droit est assuré. Ce droit se définit comme celui de toute personne de faire connaître, de manière utile et effective, son point de vue au cours d'une procédure administrative avant l'adoption de toute décision susceptible d'affecter de manière défavorable ses intérêts. Il ne saurait cependant être interprété en ce sens que l'autorité nationale compétente est tenue, dans tous les cas, d'entendre l'intéressé lorsque celui-ci a déjà eu la possibilité de présenter, de manière utile et effective, son point de vue sur la décision en cause.
5. En l'espèce, il ressort des pièces du dossier que, par courrier daté du 2 décembre 2020, M. A... a été informé que, dans la perspective de sa sortie de prison, le préfet des Bouches-du-Rhône envisageait de prendre à son encontre une obligation de quitter le territoire français sans délai, assortie d'une interdiction de retour et fixant comme pays de destination celui dont il a la nationalité. Si ce même document l'invitait à faire connaître ses éventuelles observations dans un délai de trois heures, M. A... ne l'a signé que le 3 décembre suivant à 12h40, en déclarant formuler des observations et en mentionnant à cet égard, sur un formulaire daté du 2 décembre, être entré en France en 2017. S'il n'a, en revanche, pas consigné d'observations quant à sa situation personnelle, quant à son état de vulnérabilité ou quant à l'existence d'un handicap, il a reçu au même moment notification de l'arrêté querellé. Dans ces conditions, l'intéressé ne peut être considéré comme ayant pu formuler des observations préalablement à la notification de cet arrêté. Dès lors, c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nîmes a écarté comme non fondé le moyen formulé à ce titre.
6. Par suite et par ce seul motif, M. A... est fondé à demander l'annulation du jugement rendu par le tribunal administratif de Nîmes et de l'arrêté du 3 décembre 2020 pris à son encontre par le préfet des Bouches-du-Rhône.
Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique :
7. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie... perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens... ". Aux termes de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 : " ... En toute matière, l'avocat du bénéficiaire de l'aide juridictionnelle partielle ou totale peut demander au juge de condamner la partie... qui perd son procès, et non bénéficiaire de l'aide juridictionnelle, à lui payer une somme au titre des honoraires et frais, non compris dans les dépens, que le bénéficiaire de l'aide aurait exposés s'il n'avait pas eu cette aide... ".
8. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre à la charge de l'Etat une somme au titre des frais exposés par M. A... et non compris dans les dépens, en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991.
D É C I D E :
Article 1er : Le jugement n° 2003736 rendu le 11 décembre 2020 par le tribunal administratif de Nîmes et l'arrêté du 3 décembre 2020 pris par le préfet des Bouches-du-Rhône à l'encontre de M. A... sont annulés.
Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête de M. A... est rejeté.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A..., à Me Perrot et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet des Bouches-du-Rhône et au procureur de la République près le tribunal judiciaire de Marseille.
Délibéré après l'audience du 21 février 2022, où siégeaient :
- M. Guy Fédou, président,
- M. C... Taormina, président assesseur,
- M. François Point, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 7 mars 2022.
N° 21MA00200 2