Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire complémentaire enregistrés les 28 février et 16 octobre 2020, Mme E..., représentée par Me B..., demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Montpellier du 21 octobre 2019 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 20 mai 2019 par lequel le préfet de l'Hérault a rejeté sa demande de renouvellement de son titre de séjour en qualité de parent d'enfant malade, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi ;
3°) d'enjoindre au préfet de l'Hérault de réexaminer sa situation et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans un délai de huit jours ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
- le jugement est irrégulier ;
- les décisions portant refus de renouvellement du titre de séjour et obligation de quitter le territoire français sont insuffisamment motivées ;
- les décisions portant refus de renouvellement du titre de séjour et obligation de quitter le territoire français sont entachées d'un vice de procédure ;
- les décisions portant refus de renouvellement du titre de séjour et obligation de quitter le territoire français méconnaissent les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- les décisions portant refus de renouvellement du titre de séjour et obligation de quitter le territoire français méconnaissent les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- les décisions portant refus de renouvellement du titre de séjour et obligation de quitter le territoire français sont entachées d'erreur d'appréciation, d'erreur de fait, et méconnaissent les dispositions des articles L. 311-12 et L. 311-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- les décisions portant refus de renouvellement du titre de séjour et obligation de quitter le territoire français sont entachées d'erreur manifeste d'appréciation sur sa situation personnelle ;
- la décision fixant le pays de renvoi méconnait les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Par un mémoire enregistré le 11 septembre 2020, le préfet de l'Hérault conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que les moyens sont infondés.
Mme E... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle du 13 décembre 2019.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme C... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. E... relève appel du jugement du 21 octobre 2019 par lequel le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 20 mai 2019 par lequel le préfet de l'Hérault a rejeté sa demande de renouvellement de son titre de séjour en qualité de parent d'enfant malade, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.
Sur le bien-fondé du jugement :
2. Aux termes de l'article L. 311-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si leur présence constitue une menace pour l'ordre public, une autorisation provisoire de séjour est délivrée aux parents étrangers de l'étranger mineur qui remplit les conditions mentionnées au 11° de l'article L. 313-11, ou à l'étranger titulaire d'un jugement lui ayant conféré l'exercice de l'autorité parentale sur ce mineur, sous réserve qu'ils justifient résider habituellement en France avec lui et subvenir à son entretien et à son éducation, sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée. L'autorisation provisoire de séjour mentionnée au premier alinéa, qui ne peut être d'une durée supérieure à six mois, est délivrée par l'autorité administrative, après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans les conditions prévues au 11° de l'article L. 313-11. Cette autorisation provisoire de séjour ouvre droit à l'exercice d'une activité professionnelle. Elle est renouvelée pendant toute la durée de la prise en charge médicale de l'étranger mineur, sous réserve que les conditions prévues pour sa délivrance continuent d'être satisfaites ". Aux termes de l'article L. 313-11 du même code : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. La condition prévue à l'article L. 313-2 n'est pas exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. Sous réserve de l'accord de l'étranger et dans le respect des règles de déontologie médicale, les médecins de l'office peuvent demander aux professionnels de santé qui en disposent les informations médicales nécessaires à l'accomplissement de cette mission. Les médecins de l'office accomplissent cette mission dans le respect des orientations générales fixées par le ministre chargé de la santé (...) ".
3. Sous réserve des cas où la loi attribue la charge de la preuve à l'une des parties, il appartient au juge administratif saisi de l'affaire, au vu des pièces du dossier et compte tenu, le cas échéant, de l'abstention d'une des parties à produire les éléments qu'elle est seule en mesure d'apporter et qui ne sauraient être réclamés qu'à elle-même, d'apprécier si l'état de santé d'un étranger nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle. La partie qui justifie d'un avis du collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) qui lui est favorable doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un titre de séjour. Dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tous éléments permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et, le cas échéant, l'existence ou l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi et la possibilité d'en bénéficier effectivement. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si l'état de santé d'un étranger justifie la délivrance d'un titre de séjour dans les conditions ci-dessus rappelées, se détermine au vu de ces échanges contradictoires. En cas de doute, il lui appartient de compléter ces échanges en ordonnant toute mesure d'instruction utile.
4. Il ressort des pièces du dossier que le fils de Mme E... est atteint d'une hypertension intracrânienne idiopathique et d'une scoliose malformative congénitale nécessitant un suivi ophtalmologique régulier, un suivi pédopsychiatrique, un suivi neuro- orthopédique ainsi que des séances hebdomadaires et bihebdomadaires de kinésithérapie et orthophonie. Le collège de médecins de l'office français de l'immigration et de l'intégration a considéré, dans un premier avis du 4 juin 2018, que l'état de santé de l'enfant nécessitait une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, à la suite duquel Mme E... a bénéficié d'une autorisation provisoire de séjour sur le fondement des dispositions de l'article L. 311-12 précité, puis, dans un second avis du 3 avril 2019, que le défaut de prise en charge ne devrait pas entraîner de conséquences d'une exceptionnelle gravité. Toutefois, alors que, comme il est soutenu par Mme E..., aucun élément ne permet de connaître les raisons pour lesquelles le collège de médecins a modifié son appréciation sur le caractère de gravité précité, il ressort des pièces du dossier, notamment du rapport médical transmis au collège de médecins, que celui-ci a fait porter son appréciation notamment sur une pathologie de " scoliose idiopathique infantile " nécessitant une chirurgie de type arthrodèse. Or, il ressort des pièces produites par Mme E..., notamment des certificats médicaux et compte-rendu de consultation du Dr Neagoe du service de chirurgie orthopédique pédiatrique du CHU de Montpellier des 11 février 2019 et 2 octobre 2020, que l'enfant souffre d'une scoliose congénitale due à une hémi vertèbre située à la jonction thoracolombaire du côté droit, présentant un très fort potentiel évolutif et nécessitant dans un futur proche une chirurgie rachidienne avec notamment résection de l'hémi vertèbre et instrumentation par tiges métalliques. Dans ces conditions, Mme E... est fondée à soutenir que l'erreur de fait sur l'origine congénitale de la pathologie de son enfant, susceptible d'entraîner une erreur d'appréciation sur le caractère de gravité de la pathologie ainsi que sur ses conséquences, notamment en terme de traitement chirurgical, a pu être de nature à fausser l'appréciation du préfet sur le respect des dispositions des articles L. 311-12 et L. 313-11 11° précité.
5. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de statuer sur la régularité du jugement et sur les autres moyens soulevés, que Mme E... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande, et à demander l'annulation du jugement ainsi que de l'arrêté du 20 mai 2019 par lequel le préfet de l'Hérault a rejeté sa demande de renouvellement de son titre de séjour en qualité de parent d'enfant malade, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.
Sur les conclusions aux fins d'injonction :
6. L'exécution du présent arrêt, qui annule la décision de refus de renouvellement du titre de séjour du 20 mai 2019 assortie d'une obligation de quitter le territoire français, implique seulement, eu égard à la portée du moyen d'annulation, le réexamen de la demande de titre de séjour en qualité de parent d'enfant malade de Mme E.... Ainsi, il y a lieu d'enjoindre au préfet de l'Hérault de réexaminer la situation de l'intéressée dans un délai fixé à deux mois à compter de la notification du présent arrêt. Il n'y a pas lieu toutefois d'assortir cette injonction d'une astreinte.
Sur les frais liés au litige :
7. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de L'Etat, partie perdante à la présente instance, la somme de 1 500 euros à verser à Me B..., sous réserve de sa renonciation à percevoir l'indemnité correspondant à la part contributive de l'État à la mission d'aide juridictionnelle.
D É C I D E :
Article 1 : Le jugement du tribunal administratif de Montpellier du 21 octobre 2019 est annulé.
Article 2 : L'arrêté du 20 mai 2019 par lequel le préfet de l'Hérault a rejeté la demande de renouvellement du titre de séjour de Mme E... en qualité de parent d'enfant malade, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi est annulé.
Article 3 : Il est enjoint au préfet de l'Hérault de réexaminer la situation de Mme E... dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 4 : L'État versera à Me B... une somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que celle-ci renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État au titre de l'aide juridictionnelle.
Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... E..., au ministre de l'intérieur et à Me B....
Copie en sera adressée au préfet de l'Hérault et au procureur de la République près le tribunal judiciaire de Montpellier.
Délibéré après l'audience du 18 février 2021 où siégeaient :
- M. Poujade, président,
- M. Portail, président assesseur,
- Mme C..., première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 11 mars 2021
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N° 20MA01071
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