Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 2 avril 2019, et des mémoires complémentaires enregistrés les 17 juin et 17 août 2020, la commune de La Crau, représentée par Me B..., demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du 26 février 2019 du tribunal administratif de Toulon ;
2°) de rejeter la demande de la SCI JCR ;
3°) de mettre à la charge de la SCI JCR une somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le jugement est irrégulier car la SCI JCR ne justifiait pas d'un intérêt pour demander l'annulation du refus de permis d'aménager, faute de justifier d'un titre à la date de dépôt de dépôt de la demande de permis d'aménager ;
- le refus de permis d'aménager est justifié au regard des dispositions de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme et du risque inondation ;
- la commune est fondée à demander une substitution de motifs eu égard à la fraude commise par la SCI JCR en déposant une demande de permis de permis d'aménager sur un terrain pour lequel la promesse de vente était caduque.
Par des mémoires enregistrés les 18 mai et 17 juillet 2020, la SCI JCR, représentée par Me A..., conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge de la commune de La Crau de la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. D...,
- les conclusions de Mme Giocanti, rapporteur public,
- et les observations de Me B..., représentant la commune de La Crau.
Considérant ce qui suit :
1. La SCI JCR a demandé au tribunal administratif de Toulon d'annuler l'arrêté du 29 décembre 2015 par lequel le maire de la commune de La Crau a refusé de lui délivrer un permis d'aménager en vue de la réalisation d'un lotissement de quatorze lots destinés à l'habitation, sur un terrain cadastré section AB n° 284 et 285, situé chemin des Alouettes, sur le territoire communal, et la décision implicite par laquelle a été rejeté son recours gracieux. Le tribunal a annulé cet arrêté au motif que le maire a commis une erreur d'appréciation au regard des dispositions de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme quant au risque d'inondation auquel serait exposé le terrain.
Sur la fin de non-recevoir opposée à la demande de première instance :
2. La circonstance, alléguée par la commune de La Crau, que la SCI JCR n'aurait pas eu qualité pour déposer une demande de permis d'aménager sur le terrain cadastré section AB n° 284 et 285, propriété de la famille C..., est sans influence sur la recevabilité de sa demande tendant à l'annulation de la décision par laquelle le maire lui a refusé ce permis d'aménager.
Sur la légalité de l'arrêté du 29 décembre 2015 :
3. En vertu de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme, lorsqu'un projet d'aménagement est de nature à porter atteinte à la salubrité ou à la sécurité publiques, le permis d'aménager ne peut être refusé que si l'autorité compétente estime, sous le contrôle du juge, qu'il n'est pas légalement possible, au vu du dossier et de l'instruction de la demande de permis, d'accorder le permis en l'assortissant de prescriptions spéciales qui, sans apporter au projet de modifications substantielles nécessitant la présentation d'une nouvelle demande, permettraient d'assurer la conformité de l'aménagement aux dispositions législatives et réglementaires dont l'administration est chargée d'assurer le respect.
4. D'une part, le plan de prévention des risques d'inondation de la commune de La Crau, qui était en cours d'élaboration à la date de la décision attaquée, mais dont les documents préparatoires peuvent être pris en compte à titre d'information, classe le terrain d'assiette du projet en litige en zone basse hydrographique, dans laquelle les projets de constructions sont possibles, dès lors que terrain a fait l'objet d'une étude hydrographique ciblée. Il ressort des pièces du dossier que la SCI JCR a fait procéder à une telle étude, par le bureau d'études " Eau et Perspectives ", qui a pris en compte la pluviométrie, la topographie, et le niveau de la nappe phréatique. Il ressort de cette étude que le risque d'inondation existe, mais qu'il peut y être pallié par un dispositif adapté, sous la forme d'un bassin de rétention.
5. D'autre part, le projet prévoit un bassin de rétention RETjcr, qui s'écoule vers le réseau public avant d'être dirigé vers le bassin de rétention RET D dépendant d'un autre lotissement situé en aval. Afin que le deuxième bassin de rétention ne déborde pas, le bassin de rétention RETjcr ne doit commencer à se vider que dix minutes après le début de la phase de vidange du bassin RET D, ce qui suppose un dispositif de coordination des niveaux entre les deux bassins de rétention. Si la commune de La Crau souligne que le projet ne prévoit pas un tel mécanisme de " couplage " entre les deux bassins de rétention, le maire de la commune de La Crau pouvait légalement accorder le permis d'aménager en l'assortissant de prescriptions spéciales relatives à l'installation d'un tel dispositif, lequel n'apporterait pas au projet de modifications substantielles nécessitant la présentation d'une nouvelle demande. Le maire de la commune de La Crau ne pouvait donc pas légalement refuser le permis d'aménager en se fondant sur les dispositions de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme.
Sur la demande de substitution de motifs :
6. L'administration peut, en première instance comme en appel, faire valoir devant le juge de l'excès de pouvoir que la décision dont l'annulation est demandée est légalement justifiée par un motif, de droit ou de fait, autre que celui initialement indiqué, mais également fondé sur la situation existant à la date de cette décision. Il appartient alors au juge, après avoir mis à même l'auteur du recours de présenter ses observations sur la substitution ainsi sollicitée, de rechercher si un tel motif est de nature à fonder légalement la décision, puis d'apprécier s'il résulte de l'instruction que l'administration aurait pris la même décision si elle s'était fondée initialement sur ce motif. Dans l'affirmative, il peut procéder à la substitution demandée, sous réserve toutefois qu'elle ne prive pas le requérant d'une garantie procédurale liée au motif substitué.
7. Il résulte du a) de l'article R. 423-1 du code de l'urbanisme que les demandes de permis d'aménager sont adressées à la mairie de la commune dans laquelle les travaux sont envisagés, notamment, " par le ou les propriétaires du ou des terrains, leur mandataire ou par une ou plusieurs personnes attestant être autorisées par eux à exécuter les travaux ". Aux termes de l'article R. 441-1 du même code : " La demande comporte également l'attestation du ou des déclarants qu'ils remplissent les conditions définies à l'article R. 423-1 pour déposer une demande de permis. ".
8. Il résulte de ces dispositions que les permis d'aménager doivent seulement comporter, comme les demandes de permis de construire en vertu de l'article R. 431-5 du code de l'urbanisme, l'attestation du pétitionnaire qu'il remplit les conditions définies à l'article R. 423-1 précité. Les autorisations d'utilisation du sol, qui ont pour seul objet de s'assurer de la conformité des travaux qu'elles autorisent avec la législation et la réglementation d'urbanisme, étant accordées sous réserve du droit des tiers, il n'appartient pas à l'autorité compétente de vérifier, dans le cadre de l'instruction d'un permis d'aménager ou d'une demande de permis, la validité de l'attestation établie par le demandeur.
9. Toutefois, lorsque l'autorité saisie d'une demande de permis d'aménager vient à disposer au moment où elle statue, sans avoir à procéder à une instruction lui permettant de les recueillir, d'informations de nature à établir son caractère frauduleux ou faisant apparaître, sans que cela puisse donner lieu à une contestation sérieuse, que le pétitionnaire ne dispose, contrairement à ce qu'implique l'article R. 423-1 du code de l'urbanisme, d'aucun droit à la déposer, il lui revient de s'opposer à la déclaration ou de refuser la demande de permis pour ce motif.
10. La commune de La Crau souligne que le compromis de vente entre M. C..., propriétaire des terrains, et la SCI JCR stipulait qu'il serait caduc si la vente n'avait pas été réitérée au 30 juin 2012. Toutefois, le seul fait que la date limite prévue pour la réitération de la vente était dépassée à la date du dépôt de la demande de permis d'aménager ne caractérise pas une fraude. La demande de substitution de motifs présentée par la commune de La Crau doit donc être rejetée.
11. Il résulte de ce qui précède que la commune de La Crau n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulon a annulé l'arrêté portant refus de permis d'aménager.
Sur les frais liés au litige :
12. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de de la SCI JCR, qui n'est pas la partie perdante, la somme que demande la commune de La Crau sur le fondement de ces dispositions. En revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la commune de La Crau la somme de 2 000 euros à verser à la SCI JCR au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de la commune de La Crau est rejetée.
Article 2 : La commune de La Crau versera la somme de 2 000 euros à la SCI JCR en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de La Crau et à la SCI JCR.
Délibéré après l'audience du 3 décembre 2020, où siégeaient :
- M. Poujade président,
- M. D..., président assesseur,
- Mme Gougot, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 17 décembre 2020.
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N°19MA01614
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