Procédure devant la Cour :
Par une requête et des mémoires complémentaires enregistrés les 27 février 2020, 4 et 5 janvier 2021, M. A..., représenté par Me C..., demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Marseille du 9 janvier 2020 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 9 janvier 2017 par lequel le maire de Cabriès a refusé de lui délivrer un permis de construire ;
3°) de mettre à la charge de la commune de Cabriès la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- aucune autorisation de défrichement n'était nécessaire ;
- le refus était prématuré dès lors que le délai d'instruction n'était pas expiré et le maire ne pouvait lui opposer l'incomplétude de la demande ;
- la demande est aujourd'hui régularisée et régularisable, et le refus est privé de base légale ; en outre refuser la régularisation de son dossier méconnaitrait les articles 6 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le motif de refus tiré du risque incendie est infondé ;
- un permis de construire tacite est né le 19 décembre 2016.
Par un mémoire en défense enregistré le 14 novembre 2020, la commune de Cabriès, représentée par la SCP Berenger Blanc Burtez-Doucède et associés, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de M. A... la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir que :
- la requête d'appel est irrecevable dès lors qu'elle ne comporte aucune critique du jugement ;
- les moyens sont infondés ;
- le projet aurait pu être rejeté sur le fondement de l'article UC 11 du règlement du plan d'occupation des sols et elle aurait pu opposer un sursis à statuer sur la demande.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'urbanisme ;
- le code forestier ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme B...,
- les conclusions de Mme Giocanti, rapporteur public,
- et les observations de Me C... représentant M. A... et de Me E... de la SCP Berenger Blanc Burtez-Doucède représentant la commune de Cabriès.
Une note en délibéré a été présentée pour M. A... le 4 février 2021.
Considérant ce qui suit :
1. M. A... relève appel du jugement du 9 janvier 2020 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté ses demandes tendant à l'annulation de la décision du 26 septembre 2016 par laquelle le maire de Cabriès a porté à cinq mois le délai d'instruction de sa demande de permis de construire et de l'arrêté du 9 janvier 2017 par lequel le maire de Cabriès a rejeté sa demande de permis de construire portant sur l'édification de quatre maisons situées La Colle d'Argeme Est.
Sur le bien-fondé du jugement :
2. En premier lieu et d'une part, aux termes de l'article R. 423-29 du code de l'urbanisme : " Lorsque le permis doit être précédé d'une autorisation de défrichement en application des articles L. 341-1, L. 341-3 et L. 214-13 du code forestier, le délai d'instruction de droit commun prévu par le b et le c de l'article R. 423-23 est porté à (...) Cinq mois lorsque le défrichement est soumis à reconnaissance de la situation et de l'état des terrains ".
3. D'autre part, aux termes de l'article L. 425-6 du code de l'urbanisme : " Conformément à l'article L. 341-7 du nouveau code forestier, lorsque le projet porte sur une opération ou des travaux soumis à l'autorisation de défrichement prévue aux articles L. 341-1 et L. 341-3 du même code, celle-ci doit être obtenue préalablement à la délivrance du permis ". Aux termes de l'article L. 341-7 du code forestier, dans sa rédaction applicable : " Lorsque la réalisation d'une opération ou de travaux soumis à une autorisation administrative, à l'exception de celles prévues au titre Ier et au chapitre V du titre V du livre V du code de l'environnement, nécessite également l'obtention d'une autorisation de défrichement, celle-ci doit être obtenue préalablement à la délivrance de cette autorisation administrative. ". Aux termes de l'article L. 341-3 du même code : " Nul ne peut user du droit de défricher ses bois et forêts sans avoir préalablement obtenu une autorisation (...) ". Aux termes de l'article L. 341-1 du même code : " Est un défrichement toute opération volontaire ayant pour effet de détruire l'état boisé d'un terrain et de mettre fin à sa destination forestière (...) ". Aux termes de l'article L. 342-1 de ce code : " Sont exemptés des dispositions de l'article L. 341-3 les défrichements envisagés dans les cas suivants : / 1° Dans les bois et forêts de superficie inférieure à un seuil compris entre 0,5 et 4 hectares, fixé par département ou partie de département par le représentant de l'État, sauf s'ils font partie d'un autre bois dont la superficie, ajoutée à la leur, atteint ou dépasse ce seuil ; / 2° Dans les parcs ou jardins clos et attenants à une habitation principale, lorsque l'étendue close est inférieure à 10 hectares (...) 3° Dans les zones définies en application du 1° de l'article L. 126-1 du code rural et de la pêche maritime (...) 4° Dans les jeunes bois de moins de trente ans (...) ".
4. Il ressort des pièces du dossier que la parcelle cadastrée BM 040 est recouverte en partie de pins et de végétation et est à l'état boisé. Elle est incluse dans un vaste massif forestier, d'une superficie supérieure à 4 hectares, dont elle constitue la terminaison sud. La présence d'une urbanisation au sud et d'un talus surmonté d'un chemin au nord ne permettent pas de regarder le terrain comme physiquement séparé de ce grand ensemble forestier. En outre, la production d'une photographie ancienne non datée représentant la parcelle comme vierge de boisement sur une large partie ne permet pas d'établir que celle-ci aurait eu une destination agricole. Il n'est enfin pas établi par les pièces du dossier que la parcelle ne serait constituée que de jeunes bois de moins de trente ans. Les caractéristiques précitées de la parcelle suffisent à établir son état boisé et sa destination forestière dans le prolongement du massif boisé. Or, l'opération de construction de quatre maisons individuelles a pour effet de détruire l'état boisé du terrain et de mettre fin à la destination forestière de la parcelle en changeant l'affectation du sol et en supprimant une partie des boisements et devait donc faire l'objet d'une demande d'autorisation de défrichement. En outre et au surplus, postérieurement aux décisions en litige, le préfet des Bouches-du-Rhône a, le 11 septembre 2017, après reconnaissance des bois, considéré que le projet était bien soumis à autorisation de défrichement. Dans ces conditions, M. A... n'est pas fondé soutenir que le maire ne pouvait prolonger le délai d'instruction en application de l'article R. 423-29 précité.
5. En deuxième lieu, il résulte de ce qui vient d'être dit que la décision portant prorogation du délai d'instruction était légale. Et, en toute hypothèse, il est constant que le caractère erroné du délai d'instruction notifié par l'autorité compétente ne saurait avoir pour effet de rendre le pétitionnaire titulaire d'un permis de construire tacite à l'issue du délai légalement applicable. Le moyen tiré de ce que l'intéressé serait titulaire d'un permis de construire tacite ne peut donc, en tout état de cause, qu'être écarté.
6. En troisième lieu, aux termes de l'article R. 423-19 du code de l'urbanisme : " Le délai d'instruction court à compter de la réception en mairie d'un dossier complet. ". Aux termes de l'article R. 423-22 du même code : " Pour l'application de la présente section, le dossier est réputé complet si l'autorité compétente n'a pas, dans le délai d'un mois à compter du dépôt du dossier en mairie, notifié au demandeur ou au déclarant la liste des pièces manquantes dans les conditions prévues par les articles R. 423-38 et R. 423-41. ". Selon l'article R. 423-38 du même code : " Lorsque le dossier ne comprend pas les pièces exigées en application du présent livre, l'autorité compétente, dans le délai d'un mois à compter de la réception ou du dépôt du dossier à la mairie, adresse au demandeur ou à l'auteur de la déclaration une lettre recommandée avec demande d'avis de réception ou, dans le cas prévu par l'article R. 423-48, un échange électronique, indiquant, de façon exhaustive, les pièces manquantes. ". L'article R. 423-39 du même code prévoit : " L'envoi prévu à l'article R. 423-38 précise : a) Que les pièces manquantes doivent être adressées à la mairie dans le délai de trois mois à compter de sa réception ; b) Qu'à défaut de production de l'ensemble des pièces manquantes dans ce délai, la demande fera l'objet d'une décision tacite de rejet en cas de demande de permis ou d'une décision tacite d'opposition en cas de déclaration ; c) Que le délai d'instruction commencera à courir à compter de la réception des pièces manquantes par la mairie. ". L'article R. 431-40 du même code prévoit : " Si dans le délai d'un mois mentionné à l'article R. 423-38, une nouvelle demande apparaît nécessaire, elle se substitue à la première et dresse de façon exhaustive la liste des pièces manquantes et fait courir le délai mentionné au a de l'article R. 423-39 ". Enfin, selon l'article R. 431-19 du même code : " Lorsque les travaux projetés nécessitent une autorisation de défrichement en application des articles L. 341-1, L. 341-3 ou L. 214-13 du code forestier, la demande de permis de construire est complétée par la copie de la lettre par laquelle le préfet fait connaître au demandeur que son dossier de demande d'autorisation de défrichement est complet, si le défrichement est ou non soumis à reconnaissance de la situation et de l'état des terrains et si la demande doit ou non faire l'objet d'une enquête publique ".
7. Par voie de conséquence de ce qui a été dit au point 4, le maire de Cabriès pouvait demander au pétitionnaire de produire, en application de l'article R. 431-19 précité, la copie de la lettre du préfet attestant du dépôt d'un dossier complet de demande de défrichement. Dans le mois suivant le dépôt, le 16 septembre 2016, du dossier de permis de construire, le maire a demandé au pétitionnaire de produire cette pièce par un courrier du 26 septembre 2016 reçu le 8 octobre suivant, laquelle demande indiquait par ailleurs que faute de production dans un délai de trois mois à compter de la réception de cette demande de pièces, soit en l'espèce avant le 8 janvier 2017, sa demande ferait l'objet d'un rejet de plein droit. Le pétitionnaire n'a pas déféré à cette demande, mais a indiqué au maire, dans un courrier du 31 octobre 2016, qu'il estimait n'être pas soumis à autorisation de défrichement. Par une seconde demande du 25 novembre 2016, le maire a, à nouveau, demandé à M. A... de produire cette pièce, tout en lui rappelant le délai de production de pièce de trois mois. D'une part, si ce courrier mentionne la date du 26 décembre 2016 comme date butoir pour produire la pièce demandée, au lieu du 8 janvier 2017, cette mention relève d'une simple erreur matérielle dès lors que M. A... a bien été informé, dès le 26 septembre 2016, que le délai de production des pièces demandées expirait trois mois après réception du courrier du 26 septembre 2016, soit comme il a été dit précédemment, le 8 janvier 2017. D'autre part, contrairement à ce qui est soutenu, dès lors que la seconde demande de pièce du 25 novembre 2016 est intervenue au-delà du délai d'un mois prévu par l'article R. 423-38 précité, cette seconde demande n'a pas, en application de l'article R. 423-40 précité, eu pour effet de reporter ou de proroger le délai de production de pièces, lequel était toujours de trois mois et expirait toujours le 8 janvier 2017. M. A... n'a toujours pas déféré à la demande de pièce. Si l'intéressé indique avoir finalement déposé une demande de défrichement, il n'établit pas que la lettre adressée le 17 décembre 2016 au préfet était accompagnée de l'entier dossier de demande de défrichement, tel que prévu par les dispositions de l'article R. 341-1 du code forestier, ni avoir transmis au maire la preuve du dépôt d'une demande complète auprès du préfet. Dans ces conditions, le maire pouvait dès le 8 janvier 2017, à l'expiration du délai de production de pièces de trois mois, rejeter de plein droit la demande pour défaut de production de la pièce demandée. La décision expresse de rejet de plein droit pour défaut de production de pièce du 9 janvier 2017 était donc légalement fondée.
8. En quatrième lieu, l'intéressé, qui n'établit pas avoir déposé une demande complète d'autorisation de défrichement le 17 décembre 2016 comme il a été dit, n'est pas fondé à soutenir qu'il serait devenu titulaire d'une autorisation tacite de défrichement ou qu'une telle autorisation serait intervenue dans le délai d'instruction du permis de construire, un tel délai d'instruction n'ayant d'ailleurs jamais couru en l'absence de dépôt d'une demande complète. En outre, M. A... n'ayant jamais déposé un dossier complet, aucun permis tacite ne peut par ailleurs être né, comme il le soutient, le 26 décembre 2016. Enfin, la circonstance qu'il ait, postérieurement à la décision en litige, déposé une demande d'autorisation de défrichement, et obtenu ladite autorisation le 11 septembre 2017, est sans incidence sur la légalité du rejet opposé par le maire. Une telle circonstance ne saurait, comme il est soutenu, " régulariser a posteriori " la demande, le cas échéant sur le fondement des dispositions de l'article L. 600-5 du code de l'urbanisme, lesquelles ne s'appliquent qu'aux autorisations délivrées par l'autorité administrative et non aux autorisations refusées, ni rétroactivement " priver de base légale " la décision de rejet, ni encore démontrer une méconnaissance des stipulations des articles 6 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
9. Il résulte de l'instruction que le maire aurait pris la même décision de rejet en ne se fondant que sur le caractère incomplet de la demande. Dans ces conditions, sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir opposée en défense et sur les substitutions de motifs invoquées par la commune, M. A... n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement en litige, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa requête.
Sur les frais exposés dans l'instance :
10. La commune de Cabriès n'étant pas partie perdante, il y a lieu de rejeter les conclusions présentées par M. A... sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il n'y a pas lieu en revanche, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit à la demande de la commune de Cabriès sur le fondement des mêmes dispositions.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : Les conclusions des parties présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... A... et à la commune de Cabriès.
Délibéré après l'audience du 4 février 2021 où siégeaient :
- M. Poujade, président,
- M. Portail, président assesseur,
- Mme B..., premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 18 février 2021
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N° 20MA00999
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