Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 21 mai 2020, et des mémoires complémentaires enregistrés les 25 septembre et 9 octobre 2020, Mme D... demande à la Cour, dans le dernier état de ses écritures :
1°) d'annuler cette ordonnance du 30 mars 2020 du magistrat délégué du tribunal administratif de Marseille ;
2°) d'annuler l'arrêté du 24 juin 2019 du préfet des Bouches-du-Rhône ;
3°) à titre principal, d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " ou " salarié ", sous astreinte de 100 euros par jour de retard dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;
4°) subsidiairement, d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône de réexaminer sa demande de titre de séjour dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, et de lui délivrer dans l'attente une autorisation provisoire de séjour avec autorisation de travailler ;
5°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- sa demande de première instance n'était pas tardive ;
- le préfet ne justifie pas avoir recueilli l'avis du collège de médecins de l'OFII en méconnaissance de l'article R. 313-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- en méconnaissance de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration, la décision de refus de titre de séjour est insuffisamment motivée ;
- la décision de refus de titre de séjour méconnaît l'article L. 313-11-11° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la décision de refus de titre de séjour est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;
- la décision de refus de titre de séjour méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire français est illégale par voie d'exception d'illégalité de la décision de refus de titre de séjour ,
- la décision portant obligation de quitter le territoire français méconnaît l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire français méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;
- la décision portant fixation du pays de destination est illégale par voie d'exception d'illégalité de la décision de refus de titre de séjour et de la décision portant obligation de quitter le territoire français.
Par un mémoire en défense, enregistré le 24 septembre 2020, le préfet des Bouches-du-Rhône conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M C... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme D... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler l'arrêté du 24 juin 2019 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement. Par une ordonnance n° 2001008 du 30 mars 2020, dont Mme D..., relève appel, le magistrat délégué du tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande en raison de son irrecevabilité pour tardiveté.
2. D'une part, l'article L. 512-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose : " I. - L'étranger qui fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français sur le fondement des 3°, 5°, 7° ou 8° du I de l'article L. 511-1 ou sur le fondement de l'article L. 511-3-1 et qui dispose du délai de départ volontaire mentionné au premier alinéa du II de l'article L. 511-1 ou au sixième alinéa de l'article L. 511-3-1 peut, dans le délai de trente jours suivant sa notification, demander au tribunal administratif l'annulation de cette décision, ainsi que l'annulation de la décision relative au séjour, de la décision mentionnant le pays de destination et de la décision d'interdiction de retour sur le territoire français ou d'interdiction de circulation sur le territoire français qui l'accompagnent le cas échéant. L'étranger peut demander le bénéfice de l'aide juridictionnelle au plus tard lors de l'introduction de sa requête en annulation. Le tribunal administratif statue dans un délai de trois mois à compter de sa saisine. Toutefois, si l'étranger est placé en rétention en application de l'article L. 551-1 ou assigné à résidence en application de l'article L. 561-2, il est statué selon la procédure et dans le délai prévus au III du présent article. I bis.- L'étranger qui fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français sur le fondement des 1°, 2°, 4° ou 6° du I de l'article L. 511-1 et qui dispose du délai de départ volontaire mentionné au premier alinéa du II du même article L. 511-1 peut, dans un délai de quinze jours à compter de sa notification, demander au président du tribunal administratif l'annulation de cette décision, ainsi que l'annulation de la décision mentionnant le pays de destination et de la décision d'interdiction de retour sur le territoire français qui l'accompagnent le cas échéant... ". Le préfet des Bouches-du-Rhône, après avoir relevé dans son arrêté portant refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire français que Mme D... a présenté une demande d'asile dont elle a été définitivement déboutée, mais a aussi présenté une demande de titre de séjour en application des dispositions de l'article L. 313-11-11° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, demande qui a été rejetée, a mentionné que le délai de recours contre cet arrêté était de trente jours. Le magistrat délégué du tribunal administratif de Marseille a donc indiqué à tort dans l'ordonnance attaquée que ce délai de recours était de quinze jours. A tout le moins, les mentions de l'arrêté en litige ont été de nature à induire en erreur Mme D... sur le délai de recours dont elle disposait pour contester cet arrêté et à faire ainsi obstacle à l'exercice de son droit à un recours contentieux effectif.
3. D'autre part, aux termes de l'article 38 du décret du 19 décembre 1991 portant application de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique : " Lorsqu'une action en justice doit être intentée avant l'expiration d'un délai devant la juridiction du premier degré, [...] l'action est réputée avoir été intentée dans le délai si la demande d'aide juridictionnelle s'y rapportant est adressée au bureau d'aide juridictionnelle avant l'expiration dudit délai et si la demande en justice est introduite dans un nouveau délai de même durée à compter : / a) De la notification de la décision d'admission provisoire ; / b) De la notification de la décision constatant la caducité de la demande ; / c) De la date à laquelle la décision d'admission ou de rejet de la demande est devenue définitive ; / d) Ou, en cas d'admission, de la date, si elle est plus tardive, à laquelle un auxiliaire de justice a été désigné ". En vertu des articles 23 de la loi du 10 juillet 1991 et 56 du décret du 19 décembre 1991, le ministère public ou le bâtonnier peuvent former un recours contre une décision du bureau d'aide juridictionnelle dans un délai " de deux mois à compter du jour de la décision ". Lorsque le demandeur de première instance a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale, seuls le ministère public ou le bâtonnier ont vocation à contester, le cas échéant, cette décision, qui devient ainsi définitive, en l'absence de recours de leur part, à l'issue d'un délai de deux mois. Toutefois, en raison de l'objet même de l'aide juridictionnelle, qui est de faciliter l'exercice du droit à un recours juridictionnel effectif, les dispositions précitées de l'article 38 du décret du 19 décembre 1991 selon lesquelles le délai de recours contentieux recommence à courir soit à compter du jour où la décision du bureau d'aide juridictionnelle devient définitive, soit, si elle est plus tardive, à compter de la date de désignation de l'auxiliaire de justice, ne sauraient avoir pour effet de rendre ce délai opposable au demandeur tant que cette décision ne lui a pas été notifiée.
4. Il ressort des pièces du dossier que l'arrêté attaqué a été notifié à Mme D... le 27 juin 2019. Elle a formé une demande d'aide juridictionnelle dans le délai de trente jours qui lui était imparti, en l'occurrence le 19 juillet 2019. L'aide juridictionnelle lui a été accordée par une décision du 25 octobre 2019. En l'absence au dossier de tout élément relatif à la date de notification de cette décision, la demande de première instance enregistrée le 5 février 2020 au greffe du tribunal administratif de Marseille n'était donc pas tardive.
5. Il résulte de ce qui précède que le tribunal administratif de Marseille a entaché sa décision d'irrégularité en rejetant comme tardive la demande de l'intéressée. Son ordonnance doit, par suite, être annulée.
6. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de renvoyer l'affaire devant le tribunal administratif de Marseille, afin qu'il y soit statué.
Sur les frais des litiges :
7. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit à la demande de Mme D... fondée sur les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D É C I D E :
Article 1er : L'ordonnance du 30 mars 2020 du magistrat délégué du tribunal administratif de Marseille est annulée.
Article 2 : L'affaire est renvoyée au tribunal administratif de Marseille.
Article 3 : Les conclusions de Mme D... fondées sur les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... D..., au ministre de l'intérieur et à Me A....
Copie en sera adressée au préfet des Bouches-du-Rhône.
Délibéré après l'audience du 5 novembre 2020, où siégeaient :
- M. Poujade, président,
- M. C..., président assesseur,
- Mme Gougot, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 19 novembre 2020.
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N° 20MA01871
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