Procédure devant la Cour :
Par un mémoire sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 21 février et 29 avril 2020, la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales demande à la Cour d'annuler ce jugement en tant qu'il se prononce sur la redevance d'archéologie préventive.
Elle soutient que :
- le jugement est insuffisamment motivé en ce qu'il ne s'est référé à aucune disposition du code du patrimoine en se bornant à appliquer de manière automatique à la contestation de la société Résidences Seniors portant sur la redevance d'archéologie préventive, les dispositions du code de l'urbanisme relatives à la taxe d'aménagement ;
- le jugement est insuffisamment motivé et entaché d'une erreur de droit en ce qu'il a considéré que le droit de reprise de l'administration institué à l'article L. 331-21 du code de l'urbanisme, était prescrit en l'espèce, en raisonnant non au regard de la date d'émission du titre de perception le 5 décembre 2016 mais au regard de celle de sa réception par la SNC Résidence Seniors, le 12 janvier 2017.
Par un mémoire en défense, enregistré le 21 juillet 2020, la SNC Résidence Seniors, représentée par Me Schwing conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge de l'Etat la somme de 3 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir que :
- la requête est irrecevable car il n'est pas justifié de la qualité de son signataire ;
- les moyens sont infondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'urbanisme ;
- le code du patrimoine ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Quenette,
- les conclusions de Mme Gougot, rapporteure publique,
-et les observations de Me Schwing représentant la SNC Résidence Seniors.
Considérant ce qui suit :
1. Par un arrêté du 19 novembre 2012, le maire de la commune de Bouc-Bel-Air a délivré à la SAS Sam Immobilier un permis de construire qui a été transféré par arrêté du 16 septembre 2013 à la SNC Résidence Seniors. Le 5 décembre 2016, le directeur de la direction départementale des territoires et de la mer (DDTM) des Bouches-du-Rhône a émis à l'encontre de la société Résidence Seniors un titre de perception d'un montant de 16 188 euros au titre de la redevance d'archéologie préventive. En l'absence de règlement, la direction régionale des finances publiques Provence-Alpes-Côte-D'azur (DRFIP PACA) a émis le 16 février 2017 une mise en demeure de payer la redevance d'archéologie préventive. Par un courrier du 9 mars 2017, la société Résidence Seniors a formé un recours auprès de la direction régionale des finances publiques afin d'obtenir la décharge de ces impositions. Par un jugement du 20 décembre 2019, le tribunal administratif de Marseille a annulé le titre de perception émis les 5 et 6 décembre 2016, la mise en demeure de payer du 16 février 2017 ainsi que la décision implicite rejetant la réclamation préalable formée par la société le 9 mars 2017 et a déchargé cette dernière, notamment, de l'obligation de payer la somme de 16 188 euros mise à sa charge au titre de la redevance d'archéologie préventive. La ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales relève appel, dans cette mesure, du jugement.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés. "
3. Si la ministre fait valoir que le jugement en litige est insuffisamment motivé en ce qu'il n'explicite pas sur quel fondement de droit les dispositions de l'article L. 331-21 du code de l'urbanisme seraient applicables aux redevances d'archéologie préventive prévues par le code du patrimoine, leur application n'était pas contestée en première instance. Par suite, le moyen tiré du défaut de motivation ne peut qu'être écarté.
4. La ministre ne saurait davantage invoquer une insuffisance de motivation en ce que le jugement de première instance a déduit de manière prétorienne, en l'absence de toute autre disposition applicable, que l'acte interruptif de prescription du droit de reprise institué à l'article L. 331-21 du code de l'urbanisme résultait de la notification du titre de perception émis.
Sur le bienfondé du jugement attaqué :
5. D'une part, aux termes de l'article L. 524-2 du code du patrimoine : " Il est institué une redevance d'archéologie préventive due par les personnes publiques ou privées projetant d'exécuter des travaux affectant le sous-sol et qui : / a) Sont soumis à une autorisation ou à une déclaration préalable en application du code de l'urbanisme ". Aux termes de l'article L. 524-4 du même code dans sa rédaction en vigueur : " Le fait générateur de la redevance d'archéologie préventive est : a) Pour les travaux soumis à autorisation ou à déclaration préalable en application du code de l'urbanisme, la délivrance de l'autorisation de construire ou d'aménager (...). ". Aux termes de l'article L. 524-8 du même code dans sa rédaction en vigueur : " I. - Lorsqu'elle est perçue sur les travaux mentionnés au a de l'article L. 524-2, la redevance est établie dans les conditions prévues aux articles L. 331-19 et L. 331-20 du code de l'urbanisme. Les règles de contrôle et les sanctions sont celles prévues aux articles L. 331-21 à L. 331-23 du même code (...) / III. - La redevance due sur les travaux mentionnés aux a, b et c de l'article L. 524-2 du présent code (...) est recouvrée par les comptables publics compétents comme en matière de créances étrangères à l'impôt et au domaine. (...) / Lorsque la redevance est perçue sur des travaux mentionnés au a de l'article L. 524-2 du présent code, le montant total est dû douze mois à compter de la date des faits générateurs mentionnés au a de l'article L. 524-4. Elle est émise avec la première échéance ou l'échéance unique de taxe d'aménagement à laquelle elle est adossée. "
6. D'autre part, aux termes de l'article L. 331-24 du code de l'urbanisme, dans sa version alors applicable : " La taxe d'aménagement et la pénalité dont elle peut être assortie (...) sont recouvrées par les comptables publics compétents comme des créances étrangères à l'impôt et au domaine. / Le recouvrement de la taxe fait l'objet de l'émission de deux titres de perception correspondant à deux fractions égales à la moitié de la somme totale à acquitter, ou de l'émission d'un titre unique lorsque le montant n'excède pas 1 500 euros. / Les titres sont respectivement émis douze et vingt-quatre mois après la date de délivrance de l'autorisation de construire ou d'aménager (...) ". Aux termes de l'article L. 331-19 du même code, dans sa rédaction applicable au litige : " Les services de l'Etat chargés de l'urbanisme dans le département sont seuls compétents pour établir et liquider la taxe. " Aux termes de l'article L. 331-21, dans sa rédaction alors en vigueur : " Le droit de reprise de l'administration s'exerce jusqu'au 31 décembre de la quatrième année qui suit, selon les cas, celle de la délivrance de l'autorisation de construire ou d'aménager, celle de la décision de non-opposition ou celle à laquelle l'autorisation est réputée avoir été accordée. ".
7. Eu égard à l'objet des dispositions de l'article L. 331-21 du code de l'urbanisme, et en l'absence de toute autre disposition applicable, le délai dont dispose l'administration pour exercer son droit de reprise est interrompu, notamment, à la date à laquelle le pli contenant un titre de perception émis sur le fondement des articles L. 524-8 du code du patrimoine et L. 331-24 du code de l'urbanisme en vue du recouvrement de la redevance d'archéologie préventive a été présenté à l'adresse du contribuable.
8. Par suite, la SNC Résidence Seniors était fondée à invoquer le bénéfice de la prescription du délai de reprise prévu par l'article L. 331-21 du code de l'urbanisme qui s'est achevé en l'espèce le 31 décembre 2016, au motif qu'elle n'avait reçu les titres de perception émis les 5 et 6 décembre 2016 que le 12 janvier 2017, alors qu'il ne ressortait d'aucune pièce versée au dossier de première instance que la date de cette réception du pli contenant ces titres n'aurait pas été celle de sa première présentation à l'adresse de la société.
9. Il résulte de ce qui précède que la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a annulé la redevance d'archéologie préventive mise à la charge de la SNC Résidence Seniors.
10. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros à verser à la société Résidence Seniors au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D É C I D E :
Article 1er : Le recours de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales est rejeté.
Article 2 : L'Etat versera une somme de 2 000 euros à la société Résidence Seniors au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales et à la SNC Résidence Seniors.
Délibéré après l'audience du 10 mars 2022, où siégeaient :
- M. Chazan, président,
- M. d'Izarn de Villefort, président assesseur,
- M. Quenette, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 24 mars 2022.
Le rapporteur,
Signé
M-A. QUENETTELe président,
Signé
G. CHAZAN
La greffière,
Signé
P. RANVIER
La République mande et ordonne à la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales en ce qui la concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
La greffière,
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N° 20MA00832
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