Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 9 novembre 2020, Mme A... D..., représentée par Me C..., demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du 8 juillet 2020 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 20 janvier 2020 ;
3°) d'enjoindre au préfet de l'Hérault de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans le délai de deux mois à compter de la décision à intervenir sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil de la somme de 1 500 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
- le tribunal a omis de statuer sur le moyen tiré de ce que l'arrêté a été signé par une autorité incompétente ;
- l'arrêté a été signé par une autorité incompétente ;
- il méconnaît les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- il méconnaît les dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- il méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Par un mémoire enregistré le 7 janvier 2021, le préfet de l'Hérault conclut au rejet de la requête.
Il soutient, par référence à ses écritures de première instance, que les moyens soulevés ne sont pas fondés.
Mme D... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 25 septembre 2020.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord franco-marocain du 9 octobre 1987 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
le rapport de M. E...,
et les observations de Me F..., substituant Me C....
Considérant ce qui suit :
1. Mme D..., de nationalité marocaine, demande l'annulation du jugement par lequel le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande dirigée contre l'arrêté du 20 janvier 2020 par lequel le préfet de l'Hérault a rejeté sa demande d'admission au séjour et l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours à destination du Maroc.
Sur la régularité du jugement :
2. Pour écarter le moyen tiré du vice d'incompétence dont serait entaché l'arrêté attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a constaté que : " par arrêté n° 2020I-008 du 7 janvier 2020, dûment publié au recueil des actes administratifs ", le préfet de l'Hérault a donné délégation à M. Pascal Otheguy, secrétaire général de la préfecture de l'Hérault, signataire de l'arrêté attaqué, à l'effet de signer " tous les actes administratifs et correspondances relatifs au séjour et à la police des étrangers (...) ". Il a, ce faisant, suffisamment motivé son jugement, eu égard à l'argumentation dont il était saisi, qui n'était assortie d'aucune précision sur le caractère trop général de cette délégation de signature. La requérante n'est donc pas fondée à soutenir que le tribunal administratif a insuffisamment motivé son jugement en écartant ce moyen.
Sur le bien-fondé du jugement :
3. En premier lieu, l'arrêté contesté a été signé par M. Pascal Otheguy, secrétaire général de la préfecture de l'Hérault, qui disposait, en vertu de l'arrêté du préfet de l'Hérault n° 2020I-008 du 7 janvier 2020, régulièrement publié au recueil des actes administratifs spécial n° 5 le 8 janvier 2020, accessible en ligne aux parties sur le site internet de la préfecture, d'une délégation à l'effet de signer tous actes, arrêtés et décisions relevant des attributions de l'Etat dans le département de l'Hérault, dont les actes administratifs relatifs au séjour et à la police des étrangers, à l'exception des réquisitions de la force armée et de la réquisition des comptables publics. Cette délégation étant limitée dans son objet, elle ne revêt pas un caractère général. De même, et contrairement à ce que soutient le requérant, sa validité ne saurait être regardée comme illimitée dans le temps, dès lors qu'une délégation de signature prend nécessairement fin lorsque le délégataire ou le délégant quittent leurs fonctions. Le signataire de l'acte bénéficiait donc d'une délégation de signature régulière, et était ainsi habilité à signer l'arrêté litigieux. Le moyen tiré de l'incompétence de son auteur doit être écarté.
4. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République (...) ". Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...). / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".
5. Il ressort des pièces du dossier que Mme D... déclare être entrée en France le 23 mars 2012 sous couvert d'un titre de séjour délivré par les autorités italiennes. Si ses deux fils, majeurs, ont acquis la nationalité française et résident sur le territoire français, ses parents résident régulièrement sur le territoire français, son père étant titulaire d'une carte de résident permanent et sa mère d'un titre de séjour valable jusqu'au 23 décembre 2021, et trois de ses autres frères sont de nationalité française, elle n'établit pas être dépourvue de tout lien dans son pays d'origine où réside un de ses frères. Il ressort par ailleurs des pièces du dossier que ses deux filles vivent en Italie, pays dans lequel la requérante a bénéficié d'un titre de séjour renouvelé le 21 juillet 2017. En outre, la seule production de deux documents médicaux au titre des années 2011 et 2017, d'une feuille de soins et de résultats d'analyses biologiques des mois de juin et d'août 2013, d'un contrat de travail du 6 mars 2014 non signé par l'employeur, d'attestations de prises en charge au titre de l'assurance maladie, d'avis d'imposition au titre des années 2012, 2013, 2014, 2017 et 2019, d'une attestation d'hébergement et d'une attestation EDF n'établissent pas l'existence d'une insertion suffisante dans la société française au sens des stipulations et des dispositions précitées. Dans ces conditions, les moyens tirés de la méconnaissance des dispositions et des stipulations précitées doivent être écartés.
6. En troisième et dernier lieu, aux termes de l'article L. 31314 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 31311 ou la carte de séjour temporaire mentionnée au 1° de l'article L. 31310 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 3117. (...) ".
7. Les éléments caractérisant la situation personnelle, notamment familiale, de Mme D..., décrits au point 5 de la présente ordonnance, ne peuvent être regardés comme constitutifs de considérations humanitaires ou de motifs exceptionnels de nature à lui ouvrir droit au séjour en application des dispositions précitées. Par suite, en refusant de lui délivrer un titre de séjour, le préfet de l'Hérault n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation au regard de l'article L. 31314 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
8. Il résulte de ce qui précède que Mme D... n'est pas fondée à demander l'annulation du jugement du 8 juillet 2020 et de l'arrêté du 20 janvier 2020 par lequel le préfet de l'Hérault a rejeté sa demande d'admission au séjour et l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours à destination du Maroc.
Sur les conclusions à fin d'injonction sous astreinte :
9. Le présent arrêt, qui rejette les conclusions tendant à l'annulation du jugement et de l'arrêté contesté portant refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire, n'implique pas la délivrance du titre de séjour sollicité par Mme D.... Par suite, les conclusions tendant à ce qu'il soit enjoint au préfet de l'Hérault de prendre une telle mesure doivent être rejetées.
Sur les frais liés au litige :
10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat, qui n'a pas la qualité de partie perdante, verse à Mme D... la somme qu'elle réclame au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de Mme D... est rejetée.
Article 2 : La présente ordonnance sera notifiée à Mme A... D..., à Me C... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de l'Hérault.
Délibéré après l'audience du 11 mars 2021, où siégeaient :
- M. E..., président,
- M. Portail, président assesseur,
- Mme B..., première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 25 mars 2021.
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N° 20MA04151
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