Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 11 septembre 2018, Mme G... A... épouse B... et M. F... A..., représentés par Me D..., demandent à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du 3 mai 2018 du tribunal administratif de Nice ;
2°) d'annuler l'arrêté du 18 septembre 2014 du maire de la commune de Menton et la décision par laquelle a été rejeté son recours préalable ;
3°) de mettre à la charge de la commune de Menton la somme de 3 000 euros en application l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que
- ils bénéficient d'un délai de distance supplémentaire de deux mois en application des dispositions de l'article R. 811-5 du code de justice administrative eu égard à leur résidence à l'étranger ;
- le tribunal a rejeté à tort leur requête comme irrecevable au motif qu'ils n'ont pas effectué un recours préalable contre l'avis de l'architecte des bâtiments de France ; en application de l'article L. 621-30 alinéa 2 du code du patrimoine, l'immeuble le Santa Maria n'est pas visible de l'église et en l'absence de réunion des critères cumulatifs prévus par cet article l'avis de l'architecte des bâtiments de France n'était pas légalement nécessaire et les requérants n'étaient pas tenus d'adresser une réclamation préalable au préfet de région ;
- les requérants ont adressé au maire de la commune de Menton un recours gracieux assimilable à un recours administratif préalable et le maire était tenu de transmettre ce recours à l'autorité compétente ;
- l'arrêté d'opposition à travaux ne mentionnait pas l'obligation de formuler un recours administratif préalable devant le préfet de région ;
- l'avis de l'architecte des bâtiments de France n'était pas joint à l'arrêté portant opposition à déclaration préalable et les requérants n'ont pas été mis en mesure de contester cet avis par un recours administratif préalable ;
- les consorts A... ne sont pas à l'origine de la déclaration préalable, qui a été effectuée par le syndicat des copropriétaires, s'agissant d'une partie commune sur laquelle les requérants bénéficient d'un droit de jouissance privatif ; or l'article R. 424-14 du code de l'urbanisme vise expressément le demandeur à l'autorisation de construire ;
- l'arrêté portant opposition à déclaration préalable n'est pas motivé, l'avis de l'architecte des bâtiments de France n'étant pas joint ;
- les travaux de pose des garde-corps, consistant seulement dans la remise des garde-corps existants depuis la construction de l'immeuble à la suite des travaux de réfection de l'étanchéité, ne sont pas soumis à autorisation car ils ne sont pas visés par les articles R. 421-13 et R. 421-17 du code de l'urbanisme, et la commune ne pouvait pas dès lors s'y opposer ;
- l'avis de l'architecte des bâtiments de France est illégal ; l'immeuble le Santa Maria n'est pas visible de l'église protégée au titre des monuments historiques car les deux bâtiments sont séparés par un bâtiment d'une hauteur importante ; en outre, cet avis ne prend pas en compte l'atteinte au monument à protéger et est fondé sur l'existence d'un escalier qui n'est pas concerné par la déclaration préalable de travaux ; enfin les menus-travaux de remise en état des garde-corps ne portent aucune atteinte au monument protégé ;
- les travaux de remplacement des garde-corps ne portent aucune atteinte au caractère des lieux avoisinants.
Par un mémoire enregistré le 14 mai 2019, la commune de Menton, représentée par la société d'avocats Msellati-Barbaro, conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge des requérants de la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que la demande de première instance était irrecevable en l'absence de réclamation préalable devant le préfet de région contre l'avis négatif de l'architecte des bâtiments de France.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'urbanisme ;
- le code du patrimoine ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. C...,
- les conclusions de Mme Gougot, rapporteur public,
- et les observations de Me E... de la société d'avocats Msellati-Barbaro, représentant la commune de Menton.
Considérant ce qui suit :
1. Mme G... A... épouse B... et M. F... A... ont demandé au tribunal administratif de Nice d'annuler l'arrêté du 18 septembre 2014 par lequel le maire de la commune de Menton s'est opposé à la réalisation de travaux consistant dans l'installation de garde-corps sur une terrasse située au dernier étage de la copropriété le Santa Maria, 27 Porte de France à Menton. Par un jugement du 3 mai 2018, dont les requérants relèvent appel, le tribunal a rejeté leur demande.
Sur la légalité de l'arrêté du 18 septembre 2014 :
2. En premier lieu, l'article R. 421-13 du code de l'urbanisme dispose : " Les travaux exécutés sur des constructions existantes sont dispensés de toute formalité au titre du code de l'urbanisme à l'exception : a) Des travaux mentionnés aux articles R. 421-14 à R. 421-16, qui sont soumis à permis de construire ;b) Des travaux mentionnés à l'article R. 421-17, qui doivent faire l'objet d'une déclaration préalable... ". Aux termes de l'article R. 421-17 du même code : " Doivent être précédés d'une déclaration préalable lorsqu'ils ne sont pas soumis à permis de construire en application des articles R. 421-14 à R. 421-16 les travaux exécutés sur des constructions existantes, à l'exception des travaux d'entretien ou de réparations ordinaires, et les changements de destination des constructions existantes suivants : a) Les travaux ayant pour effet de modifier l'aspect extérieur d'un bâtiment existant, à l'exception des travaux de ravalement... ".
3. Les garde-corps en litige modifient l'aspect extérieur de la construction. Ils entrent dans le champ de la déclaration de travaux. Les requérants ne sont donc pas fondés à soutenir que ces travaux étaient dispensés d'autorisation.
4. En deuxième lieu, d'une part, aux termes de l'article L. 621-30 du code du patrimoine dans sa rédaction applicable à l'espèce : " Est considéré, pour l'application du présent titre, comme étant situé dans le champ de visibilité d'un immeuble classé ou inscrit au titre des monuments historiques tout autre immeuble, nu ou bâti, visible du premier ou visible en même temps que lui et situé dans un périmètre déterminé par une distance de 500 mètres du monument. ". Aux termes de l'article L. 621-31 du même code : " Lorsqu'un immeuble est adossé à un immeuble classé ou situé dans le champ de visibilité d'un édifice classé ou inscrit au titre des monuments historiques, il ne peut faire l'objet, tant de la part des propriétaires privés que des collectivités et établissements publics, d'aucune construction nouvelle, d'aucune démolition, d'aucun déboisement, d'aucune transformation ou modification de nature à en affecter l'aspect, sans une autorisation préalable. (...) ". Aux termes de l'article L. 630-1 dudit code alors en vigueur : " Les règles relatives à la protection des monuments naturels et des sites sont fixées par les articles L. 341-1 à L. 341-22 du code de l'environnement (...) ". Aux termes de l'article L. 425-1 du code de l'urbanisme : " Lorsque les constructions ou travaux mentionnés aux articles L. 421-1 à L. 421-4 sont soumis, en raison de leur emplacement, de leur utilisation ou de leur nature, à un régime d'autorisation ou à des prescriptions prévus par d'autres législations ou réglementations que le code de l'urbanisme, le permis de construire, le permis d'aménager, le permis de démolir ou la décision prise sur la déclaration préalable tient lieu d'autorisation au titre de ces législations ou réglementations, dans les cas prévus par décret en Conseil d'Etat, dès lors que la décision a fait l'objet d'un accord de l'autorité compétente. ". Aux termes de l'article R. 425-1 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction applicable à l'espèce : " Lorsque le projet est situé dans le champ de visibilité d'un édifice classé ou inscrit au titre des monuments historiques ou dans celui d'un parc ou d'un jardin classé ou inscrit ayant fait l'objet d'un périmètre de protection délimité dans les conditions fixées aux deuxième ou troisième alinéas de l'article L. 621-30-1 du code du patrimoine, le permis de construire, le permis d'aménager, le permis de démolir ou la décision prise sur la déclaration préalable tient lieu de l'autorisation prévue à l'article L. 621-31 du code du patrimoine dès lors que la décision a fait l'objet de l'accord de l'architecte des Bâtiments de France. (...) ".
5. D'autre part, aux termes de l'article R. 424-14 du même code, dans sa rédaction applicable à l'espèce : " Lorsque le projet n'est pas situé dans une aire de mise en valeur de l'architecture et du patrimoine ou une zone de protection du patrimoine architectural, urbain et paysager, le demandeur peut, en cas d'opposition à une déclaration préalable ou de refus de permis fondé sur une opposition de l'architecte des Bâtiments de France, saisir le préfet de région, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, d'un recours contre cette décision dans le délai de deux mois à compter de la notification de l'opposition ou du refus. / Le préfet de région adresse notification de la demande dont il est saisi au maire et à l'autorité compétente en matière de permis. / Les dispositions des premier à cinquième et huitième à douzième alinéas de l'article R. 423-68 et celles de l'article R. 423-68-1 sont applicables au recours du demandeur. / Si le préfet de région, ou le ministre chargé des monuments historiques et des espaces protégés en cas d'évocation, infirme l'avis de l'architecte des Bâtiments de France, le maire ou l'autorité compétente doit statuer à nouveau dans le délai d'un mois suivant la réception du nouvel avis ou suivant la date à laquelle est intervenue l'admission tacite du recours. ". Il résulte de ces dispositions que, quels que soient les moyens sur lesquels le recours est fondé, le pétitionnaire n'est pas recevable à former un recours pour excès de pouvoir contre la décision de refus de permis de construire ou d'opposition à déclaration préalable portant sur un immeuble situé dans un secteur sauvegardé ou dans le champ de visibilité d'un édifice classé ou inscrit au titre des monuments historiques faisant suite à un avis négatif de l'architecte des bâtiments de France s'il n'a pas, préalablement, saisi le préfet de région selon la procédure spécifique définie à l'article R. 424-14 du code de l'urbanisme. Toute personne ayant intérêt à demander l'annulation du refus du maire d'autoriser des travaux portant sur un immeuble situé dans un secteur sauvegardé ou dans le champ de visibilité d'un édifice classé ou inscrit au titre des monuments historiques est tenue de saisir le préfet de région selon les modalités précitées à peine d'irrecevabilité de sa demande tendant à l'annulation de ce refus. La circonstance que les requérants, qui ont l'usage privatif de la terrasse où doivent être installés les garde-corps, mais n'en sont pas propriétaires, n'ont pas déposé eux-mêmes la déclaration de travaux, qui a été déposée par la copropriété, ne saurait dès lors les dispenser de ce recours préalable devant le préfet de région contre l'avis émis par l'architecte des bâtiments de France.
6. En troisième lieu, il ressort des pièces du dossier que la copropriété Santa Maria est située à moins de 500 mètres de la chapelle Saint-Joseph, édifice classé. Si les requérants soutiennent que la terrasse où il est prévu d'installer les garde-corps n'est pas visible depuis cette chapelle, la terrasse et la chapelle classée sont visibles en même temps depuis le bord de mer. Ils ne sont donc pas fondés à soutenir que leur terrasse n'est pas située dans le champ de visibilité de ce monument.
7. En quatrième lieu, si les requérants ont adressé un recours gracieux au maire de la commune de Menton contre sa décision portant opposition à travaux, ce recours ne portait pas spécifiquement sur l'avis défavorable rendu par l'architecte des bâtiments de France sur leur projet. Dès lors, il ne saurait, en tout état de cause, être assimilé au recours préalable prévu par l'article R. 424-14 du code de l'urbanisme.
8. En cinquième lieu, la circonstance que l'obligation d'exercer ce recours administratif préalable n'était pas mentionnée dans la notification de la décision du maire de la commune de Menton s'opposant à la déclaration de travaux est sans incidence sur l'irrecevabilité de la demande des consorts A..., directement présentée devant le tribunal administratif de Nice. Est également sans incidence la circonstance que l'avis défavorable de l'architecte des bâtiments de France n'aurait pas été communiqué aux requérants.
9. Il résulte de ce qui précède que les requérants ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nice a rejeté leur demande comme irrecevable en l'absence du recours préalable devant le préfet de région prévu par l'article R. 424-14 du code de l'urbanisme.
Sur les frais liés au litige :
10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune de Menton, qui n'est pas partie perdante à l'instance, la sommes que demandent les requérants sur leur fondement. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge des requérants une somme au titre des frais exposés par la commune de Menton et non compris dans les dépens.
D É C I D E :
Article 1er : La requête des consorts A... est rejetée.
Article 2 : Les conclusions de la commune de Menton tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme G... A... épouse B..., à M. F... A... et à la commune de Menton.
Délibéré après l'audience du 13 novembre 2019, où siégeaient :
- M. Poujade, président,
- M. C... président assesseur,
- M. Jorda, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 28 novembre 2019.
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N°18MA04181
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