Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 14 janvier 2019, Mme D... G..., représentée par Me I..., demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Marseille du 2 octobre 2018 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 23 avril 2018 du préfet des Bouches-du-Rhône ;
3°) d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône de lui délivrer le titre de séjour sollicité dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'État, sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, la somme de 1 500 euros à verser à Me E... I..., qui s'engage à renoncer à percevoir la part contributive de l'État au titre de l'aide juridictionnelle.
Elle soutient que :
- elle est l'objet d'une répudiation par son époux et, victime de violences conjugales, elle a été contrainte de chercher une solution d'hébergement d'urgence ;
- elle pouvait utilement se prévaloir des dispositions de l'article L. 313-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le préfet des Bouches-du-Rhône a entaché son refus de lui délivrer un titre de séjour d'erreur d'appréciation ;
- la procédure de divorce initiée par son époux en Algérie, correspondant à une répudiation, est frauduleuse ;
- la procédure de divorce française est pendante devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence suite à la déclaration d'incompétence des juges de première instance du fait de la procédure parallèle engagée en Algérie ;
- elle est intégrée à la société française et employée depuis juillet 2017 comme agent de service.
Par un mémoire en défense, enregistré le 12 avril 2018, le préfet des Bouches-du-Rhône conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.
Mme D... G... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 14 décembre 2018.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour en France des ressortissants algériens et de leur famille modifié ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la Cour a désigné M. H... F... en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. B... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme J... D... G..., ressortissante algérienne née le 13 juillet 1990, relève appel du jugement du 2 octobre 2018 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet des Bouches-du-Rhône du 23 avril 2018 lui refusant la délivrance d'un titre de séjour et lui faisant obligation de quitter le territoire français, en fixant le pays à destination duquel elle pourra être éloignée.
2. En premier lieu, aux termes des stipulations de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 : " (...) Le certificat de résidence portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : (...) 2) au ressortissant algérien, marié avec un ressortissant de nationalité française, à condition que son entrée sur le territoire français ait été régulière, que le conjoint ait conservé la nationalité française et, lorsque le mariage a été célébré à l'étranger, qu'il ait été transcrit préalablement sur les registres de l'état civil français (...) Le premier renouvellement du certificat de résidence délivré au titre du 2) ci-dessus est subordonné à une communauté de vie effective entre époux (...) ".
3. Ces stipulations régissent de manière complète les conditions dans lesquelles les ressortissants algériens peuvent être admis à séjourner en France et y exercer une activité professionnelle, les règles concernant la nature des titres de séjour qui peuvent leur être délivrés, ainsi que les conditions dans lesquelles leurs conjoints et leurs enfants mineurs peuvent s'installer en France. Si une ressortissante algérienne ne peut utilement invoquer les dispositions de l'article L. 313-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile relatives au renouvellement du titre de séjour lorsque l'étranger a subi des violences conjugales et que la communauté de vie a été rompue, il appartient au préfet, dans l'exercice du pouvoir discrétionnaire dont il dispose sur ce point, d'apprécier, compte tenu de l'ensemble des éléments de la situation personnelle de l'intéressée, et notamment des violences conjugales alléguées, l'opportunité d'une mesure de régularisation. Il appartient seulement au juge de l'excès de pouvoir, saisi d'un moyen en ce sens, de vérifier que le préfet n'a pas commis d'erreur manifeste dans l'appréciation portée sur la situation personnelle de l'intéressée.
4. Il ressort des pièces du dossier que Mme D... G... a épousé en Algérie son conjoint, M. A... C..., ressortissant français, le 6 octobre 2015, qu'elle est entrée en France le 24 juillet 2016, donc à une date récente, sous couvert d'un visa et qu'elle a obtenu un premier titre de séjour d'une durée d'un an le 7 septembre 2016. Il ressort également des pièces du dossier qu'à la date de présentation de sa demande de renouvellement de son certificat de résidence, le 10 août 2017, la requérante avait quitté le domicile conjugal situé à Aix-en-Provence et bénéficiait d'un hébergement d'urgence à Marseille. Si Mme D... G... fait valoir les violences de son époux à son égard et les menaces de celui-ci et de son entourage et produit une main-courante du 30 mai 2017 reçue au CSP d'Aix-en-Provence et un procès-verbal de dépôt de plainte pour violences conjugales du 12 juin 2017 reçu au commissariat de police d'Aix-en-Provence, ces procédures portent, pour la première, sur des menaces qui auraient été émises en privé sans témoins et, pour la seconde, sur des blessures ayant donné lieu à deux jours d'incapacité totale de travail (ITT) et qui ne sont pas de nature à établir la réalité des violences conjugales alléguées. Mme D... G... ne produit, par ailleurs, aucun élément sur les suites qui ont été donné à son dépôt de plainte intervenu quelques jours avant que son époux ne sollicite, le 9 juillet 2017, la dissolution de leur union devant le tribunal de Boukader en Algérie, lequel divorce a été prononcé le 19 novembre 2017. Il ressort de ces éléments limités que le préfet des Bouches-du-Rhône n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation de la situation personnelle de Mme D... G... en écartant l'opportunité d'un renouvellement à titre exceptionnel de son certificat de résidence.
5. En second lieu, aux termes, d'une part, de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; / 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".
6. Aux termes, d'autre part, de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié : (...) Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : (...) / 5) au ressortissant algérien, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus ; (...) ".
7. Si Mme D... G... se prévaut de son union avec un ressortissant français et des violences dont elle aurait été victime de la part de celui-ci, de son état de santé et de son intégration professionnelle, il ressort toutefois des pièces du dossier que la durée de son séjour en France à la date de la décision attaquée était très brève, qu'elle est sans charge de famille à cette date et n'établit ni n'allègue d'attaches personnelles ou familiales importantes en France, un seul membre de sa fratrie étant installé en région nantaise, et qu'elle ne justifie d'une activité professionnelle que depuis le 27 juillet 2017. Elle n'est pas fondée, par suite, à soutenir que le préfet des Bouches-du-Rhône aurait porté une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale en lui refusant le renouvellement de son titre de séjour et en lui faisant obligation de quitter le territoire français eu égard aux effets et aux buts poursuivis par ces mesures. Il ne ressort pas plus des pièces du dossier, compte tenu de tout ce qui précède que l'autorité préfectorale aurait commis une erreur manifeste d'appréciation des conséquences de ces décisions sur sa situation personnelle.
8. Il résulte de l'ensemble de ce qui précède que Mme D... G... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande. L'ensemble de ses conclusions, y compris ses conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte et celles tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, doit, par suite, être rejeté.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de Mme D... G... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme J... D... G..., à Me E... I... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet des Bouches-du-Rhône.
Délibéré après l'audience du 23 mai 2019, où siégeaient :
- M. F..., président assesseur, présidant la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,
- Mme Gougot, premier conseiller.
- M B..., premier conseiller.
Lu en audience publique, le 6 juin 2019.
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N° 19MA00203
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