Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 17 mai 2017, Mme B..., représentée par Me A..., demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Marseille n° 1509509 du 16 mars 2017 ;
2°) d'annuler la délibération n° 98/2015 du conseil municipal de Rousset du 23 juillet 2015 portant approbation du plan local d'urbanisme et la décision explicite de rejet de son recours gracieux du 30 septembre 2015 ;
3°) de mettre à la charge de la commune de Rousset la somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la délibération du 23 juillet 2015 était irrégulière dès lors que les dispositions de l'article L. 2131-11 du code général des collectivités territoriales ont été méconnues ;
- le classement des lieux-dits " Soutadou ", " Estageou " et Mévouillon en zone Nh du plan local d'urbanisme est entaché d'erreur de droit et d'erreur manifeste d'appréciation ;
- le classement des parcelles cadastrées AP 350 et 355 en zone A est entaché d'erreur manifeste d'appréciation.
Par un mémoire en défense, enregistré le 24 octobre 2017, la commune de Rousset, représentée par Me D..., demande à la Cour :
1°) de confirmer le jugement du tribunal administratif de Marseille n° 1509509 du 16 mars 2017 ;
2°) de mettre à la charge de Mme B... la somme de 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- les dispositions de l'article L. 2131-11 du code général des collectivités territoriales n'ont pas été méconnues ;
- le maire d'une commune est compétent pour se prononcer sur une demande d'abrogation d'un plan local d'urbanisme ainsi que l'a dit pour droit le Conseil d'État dans un avis du 2 octobre 2013 (n° 367023) et, par voie de conséquence, pour une demande d'annulation d'un plan local d'urbanisme ;
- le classement en zone A des parcelles cadastrées AP 350 et 355 n'est pas affecté d'une erreur manifeste d'appréciation.
Les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office, tiré de ce que les conclusions de la requête d'appel, enregistrées le 17 mai 2017, tendant à l'annulation intégrale de la délibération n° 98/2015 du conseil municipal de Rousset du 23 juillet 2015 portant approbation du plan local d'urbanisme sont partiellement irrecevables dès lors que les conclusions en excès de pouvoir de la requête de première instance, enregistrée le 25 novembre 2015, ne portaient que sur l'annulation de cette délibération en tant qu'elle classait en zone agricole A les parcelles cadastrées section AP n° 350 et 355.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'urbanisme ;
- le code de la construction et de l'habitation ;
- le code général des collectivités territoriales ;
- le décret n° 2007-779 du 10 mai 2007 portant approbation de la directive territoriale d'aménagement des Bouches-du-Rhône ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Silvy, premier conseiller,
- les conclusions de Mme Giocanti, rapporteur publique,
- et les observations de Me D..., représentant la commune de Rousset.
Considérant ce qui suit :
1. Suite à une délibération du conseil municipal du 31 août 2012 prescrivant l'élaboration du plan local d'urbanisme de la commune de Rousset, le projet a été arrêté par délibération du conseil municipal du 5 décembre 2013 et soumis à enquête publique du 12 novembre au 19 décembre 2014, avant d'être approuvé par une délibération du 23 juillet 2015. Mme B... relève appel du jugement n° 1509509 du 16 mars 2017 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette délibération du 23 juillet 2015 en tant qu'elle classe en zone A les parcelles cadastrées section AP n° 350 et 355 dont elle est propriétaire et de la décision du 30 septembre 2015 rejetant son recours gracieux.
Sur le bien-fondé du jugement du tribunal administratif de Marseille n° 1509509 du 16 mars 2017 :
2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 2131-11 du code général des collectivités territoriales : " Sont illégales les délibérations auxquelles ont pris part un ou plusieurs membres du conseil intéressés à l'affaire qui en fait l'objet, soit en leur nom personnel, soit comme mandataires ".
3. Il résulte de ces dispositions que la participation au vote permettant l'adoption d'une délibération d'un conseiller municipal intéressé à l'affaire qui fait l'objet de cette délibération, c'est-à-dire y ayant un intérêt qui ne se confond pas avec ceux de la généralité des habitants de la commune, est de nature à en entraîner l'illégalité. De même, sa participation aux travaux préparatoires et aux débats précédant l'adoption d'une telle délibération est susceptible de vicier sa légalité, alors même que cette participation préalable ne serait pas suivie d'une participation à son vote, si le conseiller municipal intéressé a été en mesure d'exercer une influence sur la délibération. Cependant, s'agissant d'une délibération déterminant des prévisions et des règles d'urbanisme applicables dans l'ensemble d'une commune, la circonstance qu'un conseiller municipal intéressé au classement d'une parcelle ait participé aux travaux préparatoires et aux débats précédant son adoption ou à son vote n'est de nature à entraîner son illégalité que s'il ressort des pièces du dossier que, du fait de l'influence que ce conseiller a exercée, la délibération prend en compte son intérêt personnel.
4. La délibération litigieuse détermine des prévisions et règles d'urbanisme dont le champ d'application s'étend à l'ensemble de la commune de Rousset. Il ressort des pièces du dossier qu'une conseillère municipale avait saisi le commissaire-enquêteur d'une demande de dérogation pour garantir la constructibilité d'un terrain lui appartenant et situé en zone A. Il ne ressort toutefois pas des pièces du dossier que la délibération portant approbation du plan local d'urbanisme aurait pris en compte l'intérêt personnel de ce membre du conseil municipal. La commune de Rousset fait, en outre, valoir, sans être utilement contredite, que cette demande a été écartée lors du vote, malgré l'avis favorable du commissaire-enquêteur. Mme B... n'est pas fondée, par suite, à soutenir que le conseil municipal aurait approuvé le plan local d'urbanisme de la commune dans des conditions méconnaissant l'article L. 2131-11 du code général des collectivités territoriales.
5. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 123-6 du code de l'urbanisme, alors applicable : " (...) Le plan local d'urbanisme est élaboré à l'initiative et sous la responsabilité de l'établissement public de coopération intercommunale lorsqu'il est doté de la compétence en matière de plan local d'urbanisme, en collaboration avec les communes membres. (...)Dans les autres cas, le plan local d'urbanisme est élaboré à l'initiative et sous la responsabilité de la commune, le cas échéant en collaboration avec l'établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre dont elle est membre. (...) ". Aux termes de l'article L. 123-10 du code de l'urbanisme : " (...) Après l'enquête publique réalisée conformément au chapitre III du titre II du livre Ier du code de l'environnement, le plan local d'urbanisme, éventuellement modifié pour tenir compte des avis qui ont été joints au dossier, des observations du public et du rapport du commissaire ou de la commission d'enquête, est approuvé par délibération du conseil municipal. (...) ". Et aux termes de l'article L. 2121-10 du code général des collectivités territoriales : " Toute convocation est faite par le maire. Elle indique les questions portées à l'ordre du jour (...) ".
6. Il résulte de la combinaison de ces dispositions que si le conseil municipal est seul compétent, lorsque cette compétence n'a pas été transférée à un établissement public de coopération intercommunale, pour approuver le plan local d'urbanisme de la commune, c'est au maire qu'il revient d'inscrire cette question à l'ordre du jour d'une réunion du conseil municipal. Par suite, le maire a compétence pour rejeter une demande tendant à l'annulation du document d'urbanisme en vigueur ou de certaines de ses dispositions. Toutefois, il ne peut légalement prendre une telle décision que si les dispositions dont l'annulation est sollicitée sont elles-mêmes légales. Dans l'hypothèse inverse, il est toutefois tenu d'inscrire la question à l'ordre du jour du conseil municipal, pour permettre à celui-ci, seul compétent pour ce faire, de prononcer le retrait des dispositions illégales.
7. Mme B... fait valoir que le maire de la commune de Rousset n'était pas compétent pour se prononcer sur son recours gracieux daté du 23 septembre 2015 tendant au retrait de la délibération du 23 juillet 2015. Il ressort toutefois de ce qui vient d'être dit au point 6 que la décision du maire du 30 septembre 2015, qui doit être interprétée comme un refus d'inscrire la question du retrait de cette délibération à l'ordre du jour du conseil municipal, n'était pas entachée d'incompétence dans la limite de la légalité du document d'urbanisme en cause. Le moyen doit, dès lors, être écarté.
8. En troisième lieu, aux termes de l'article R. 123-7 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction issue du décret n° 2012-290 du 29 février 2012 alors applicable : " Les zones agricoles sont dites " zones A ". Peuvent être classés en zone agricole les secteurs de la commune, équipés ou non, à protéger en raison du potentiel agronomique, biologique ou économique des terres agricoles. / En zone A peuvent seules être autorisées : / - les constructions et installations nécessaires à l'exploitation agricole ; / - les constructions et installations nécessaires à des équipements collectifs ou à des services publics, dès lors qu'elles ne sont pas incompatibles avec l'exercice d'une activité agricole, pastorale ou forestière (...) ". Aux termes de l'article R. 123-8 du code de l'urbanisme : " Les zones naturelles et forestières sont dites " zones N ". Peuvent être classés en zone naturelle et forestière, les secteurs de la commune, équipés ou non, à protéger en raison : / a) Soit de la qualité des sites, milieux et espaces naturels, des paysages et de leur intérêt, notamment du point de vue esthétique, historique ou écologique ; / b) Soit de l'existence d'une exploitation forestière ; / c) Soit de leur caractère d'espaces naturels. (...) ". Le règlement du plan local d'urbanisme approuvé le 23 juillet 2015 dispose que " la zone agricole A concerne les secteurs de la commune à protéger en raison du potentiel agronomique, biologique ou économique des terres agricoles. ". Aux termes du règlement du plan local d'urbanisme, la zone naturelle et forestière (N) de la commune regroupe les secteurs de la commune, équipés ou non, " à protéger en raison soit de la qualité des sites, des milieux naturels, des paysages et de leur intérêt, notamment du point de vue esthétique, historique ou écologique, soit de l'existence d'une exploitation forestière, soit de leur caractère d'espaces naturels ". Selon ce document, le secteur Nh correspond à " des quartiers existants et dans lesquels les habitations pourront s'étendre dans une certaine mesure ".
9. Il appartient aux auteurs d'un document d'urbanisme de déterminer le parti d'aménagement à retenir pour le territoire concerné par le plan, en tenant compte de la situation existante et des perspectives d'avenir, et de fixer en conséquence le zonage et les possibilités de construction. Leur appréciation sur ces différents points ne peut être censurée par le juge administratif qu'au cas où elle serait entachée d'une erreur manifeste ou fondée sur des faits matériellement inexacts.
10. Mme B... fait valoir que la création de la zone Nh située à l'ouest de la commune et au sud de l'axe de la route départementale RD7, qui inclut les lieux-dits " Soutadou ", " Estageou " et Mévouillon est entachée d'erreur de droit et d'erreur manifeste d'appréciation ainsi que le classement en zone A des parcelles cadastrées section AP n° 350 et n° 355 lui appartenant.
11. Il ressort toutefois des pièces du dossier que les auteurs du plan local d'urbanisme ont, par la création de la zone Nh critiquée, entendu circonscrire l'extension de l'urbanisation à l'ouest de la commune, dans les secteurs du Soutadou, de l'Estageou et de Mévouillon, aux anciennes terres agricoles récemment bâties à des fins d'habitation. Il ressort également des pièces du dossier et des photographies aériennes que ce secteur, qui ne dispose pas d'un raccordement aux réseaux d'assainissement lors de son ouverture à l'urbanisation, est caractérisé par une urbanisation de faible densité, résultant des prescriptions du plan d'occupation des sols précédemment applicable imposant une surface minimale de terrain importante, et par un couvert boisé continu, y compris sur les parcelles désormais construites. S'il n'est pas soutenu que les terrains inclus dans cette zone Nh pourraient faire l'objet d'une exploitation forestière, les auteurs du plan local d'urbanisme ont pu, sans erreur de droit ni erreur manifeste d'appréciation, contraindre l'urbanisation de cette partie de la commune dès lors qu'elle présente encore un caractère d'espace naturel. Il ne ressort par ailleurs pas des pièces du dossier que ces classements seraient incompatibles avec la directive territoriale d'aménagement des Bouches-du-Rhône approuvée par le décret n° 2007-779 du 10 mai 2007 susvisé dès lors, notamment, que la carte d'orientation de ce document comporte une marque de couleur correspondant à l'orientation relative aux " espaces agricoles de production spécialisée " dans le secteur de Rousset. Enfin, l'approbation du schéma de cohérence territoriale du Pays d'Aix le 17 décembre 2015 est intervenue postérieurement à l'approbation du plan local d'urbanisme en litige et est, par suite, sans incidence sur la légalité de celui-ci. Les moyens dirigés contre la création de cette zone Nh doivent, par suite et en tout état de cause, être écartés.
12. Il ressort également des pièces du dossier et notamment des clichés photographiques aériens fournis que les parcelles 350 et 355, situées au sud d'un chemin menant au lieu-dit de Mévouillon, ne sont pas bâties et présentent un état naturel. De plus ces terrains s'inscrivent dans la continuité de la vaste zone agricole située au Sud et incluant notamment d'autres parcelles non bâties appartenant à l'appelante. Il n'est, en outre, pas contesté que ces terrains ne sont pas desservis par les réseaux publics et qu'ils ont toujours fait l'objet d'un classement en zone agricole. Il ressort des clichés photographiques fournis que ces deux parcelles présentent un caractère ouvert, avec un couvert boisé marginal, à la différence des parcelles voisines classées en zone Nh. La circonstance qu'un exploitant viticole aurait refusé de prendre à bail ces terres n'est pas de nature à établir que celles-ci ne présentent pas un caractère agricole ni qu'elles seraient insusceptibles de toute exploitation. De même, la circonstance que certains terrains voisins, présentant des caractéristiques analogues, auraient été récemment bâtis, est également sans incidence sur ce classement en zone A, notamment au regard de ce qui a été dit au point 11 sur le parti pris d'urbanisme ayant présidé à la création de la zone Nh. Les moyens d'erreur de droit et d'erreur manifeste d'appréciation dirigés contre le classement en zone A de certaines parcelles non bâties appartenant à Mme B... doivent, par suite, être écartés.
13. Il résulte de tout ce qui précède que, sans qu'il soit besoin de statuer sur la recevabilité de ses conclusions d'appel, Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande dirigée contre la délibération du 23 juillet 2015 et la décision du maire du 30 septembre 2015.
Sur les conclusions à fin d'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
14. Considérant qu'aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. ".
15. En vertu de ces dispositions, la Cour ne peut pas faire bénéficier la partie tenue aux dépens ou la partie perdante du paiement par l'autre partie des frais qu'elle a exposés à l'occasion du litige soumis au juge. Les conclusions présentées à ce titre par Mme B... doivent, dès lors, être rejetées. En revanche, il y a lieu de mettre à la charge de Mme B... une somme de 2 000 euros à verser à la commune de Rousset au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.
Article 2 : Mme B... versera à la commune de Rousset la somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... B...et à la commune de Rousset.
Délibéré après l'audience du 15 novembre 2018, où siégeaient :
- M. Poujade, président de chambre,
- M. Portail, président assesseur,
- M Silvy, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 29 novembre 2018.
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N° 17MA02039