Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 27 juillet 2017, Mme D... épouseC..., représentée par Me B..., demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nîmes du 30 juin 2017 ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet du Gard en date du 15 mars 2017 ;
3°) d'enjoindre au préfet du Gard de lui délivrer un titre de séjour l'autorisant à travailler dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 400 euros, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le refus de séjour qui lui a été opposé méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les dispositions du 7°) de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- il méconnaît les stipulations de l'article 3-1 de la convention relative aux droits de l'enfant.
Par un mémoire en défense, enregistré le 13 septembre 2017, le préfet du Gard conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par Mme D... épouse C...ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Guidal, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme D..., ressortissante marocaine, née le 4 novembre 1977, a sollicité la délivrance d'un titre de séjour en se prévalant notamment de ses liens familiaux en France. Par un arrêté du 15 mars 2017, le préfet du Gard a refusé de lui délivrer le titre de séjour sollicité et a assorti cette décision d'une obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours. Mme D... relève appel du jugement en date du 30 juin 2017 par lequel le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté du 15 mars 2017.
Sur la légalité de l'arrêté préfectoral du 15 mars 2017 :
2. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...). / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".
3. En application de ces stipulations, il appartient à l'autorité administrative qui envisage de refuser la délivrance d'un titre de séjour à un ressortissant étranger en situation irrégulière d'apprécier si, eu égard notamment à la durée et aux conditions de son séjour en France, ainsi qu'à la nature et à l'ancienneté de ses liens familiaux sur le territoire français, l'atteinte que cette mesure porterait à sa vie familiale serait disproportionnée au regard des buts en vue desquels cette décision serait prise. La circonstance que l'étranger relèverait, à la date de cet examen, des catégories ouvrant droit au regroupement familial ne saurait, par elle-même, intervenir dans l'appréciation portée par l'administration sur la gravité de l'atteinte à la situation de l'intéressé.
4. Si Mme D... ne justifie pas être entrée régulièrement en France, elle établit y séjourner de manière habituelle depuis au moins le mois de juillet 2013 et s'y être mariée le 27 de ce même mois avec un compatriote, M. C.... De cette union est né un enfant en France le 5 août 2014. Les parents et les soeurs de Mme D..., qui sont titulaires de cartes de résident, résident sur le territoire français, à l'exception de l'une d'entre elle établie aux Pays-Bas. M. C..., titulaire d'une carte de séjour pluriannuelle portant la mention " vie privée et familiale ", exerce une activité de travailleur saisonnier agricole. Dans ces conditions et à supposer même que Mme D... serait susceptible, en retournant dans son pays d'origine, de bénéficier, à la demande de son conjoint, du regroupement familial, l'arrêté en litige du 15 mars 2017 a porté au droit au respect de la vie familiale de l'intéressée une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris et a, ainsi, méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
5. Il résulte de ce qui précède et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que Mme D... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
6. Aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution. ".
7. Eu égard au motif d'annulation retenu au point 4, l'exécution du présent arrêt implique nécessairement, en l'absence de changement dans les circonstances de droit et de fait survenu depuis l'intervention de l'arrêté du 15 mars 2017, la délivrance d'une carte de séjour portant la mention " vie privée et familiale " à Mme D.... Il y a lieu, en application des dispositions précitées de l'article L. 911-1 du code de justice administrative, d'enjoindre au préfet du Gard de délivrer ce titre de séjour à l'intéressée dans un délai d'un mois suivant la notification du présent arrêt.
Sur les frais liés au litige :
8. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. ".
9. En application de ces dispositions, il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser à Mme D... au titre des frais d'instance non compris dans les dépens.
D É C I D E :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Nîmes n° 1701307 du 30 juin 2017 et l'arrêté du préfet du Gard du 15 mars 2017 sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au préfet du Gard de délivrer une carte de séjour portant la mention " vie privée et familiale " à Mme D... dans le délai d'un mois à compter de la date de notification du présent arrêt.
Article 3 : L'Etat versera à Mme D... la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A...D..., épouseC..., à Me B... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera également adressée au préfet du Gard.
Délibéré après l'audience du 16 novembre 2018 où siégeaient :
- M. Pocheron, président de chambre,
- M. Guidal, président-assesseur,
- M. Coutier, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 30 novembre 2018.
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N° 17MA03361
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