Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 28 juillet 2017 et le 11 septembre 2018, M. D..., représenté par Me C..., demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Montpellier du 6 avril 2017 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 23 février 2017 du préfet de l'Hérault ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser à Me C... en application des dispositions des articles 37 et 75 de la loi du 10 juillet 1991, ce règlement emportant renonciation à l'indemnité versée au titre de l'aide juridictionnelle.
Il soutient que :
Sur la régularité du jugement attaqué :
- les premiers juges n'ont pas répondu au moyen tiré de ce que le préfet n'a pas répondu à sa demande d'assignation à résidence.
Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :
- elle est fondée sur une inexactitude matérielle ;
- le préfet ne pouvait se fonder sur les dispositions des 1° et 6° du I de l'article L. 511-1 qui ne lui sont pas applicables ;
- le préfet était tenu d'examiner sa demande d'assignation à résidence avant de prendre à son encontre une mesure d'éloignement ;
- il est devenu le père d'une enfant née de sa relation avec une ressortissante arménienne en situation irrégulière.
Sur la décision refusant d'accorder un délai de départ volontaire :
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation dans la mesure où il ne présente pas de risque de fuite.
Sur la décision fixant le pays de destination :
- elle est motivée de manière confuse ;
- elle méconnaît l'autorité de la chose jugée par le tribunal administratif de Montpellier ;
- le préfet s'est abstenu d'indiquer le pays dans lequel il était légalement admissible et pouvait être éloigné.
Sur la décision portant interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans :
Elle est entachée d'une erreur d'appréciation car il ne s'est pas soustrait à une précédente mesure d'éloignement et sa présence ne constitue pas une menace pour l'ordre public.
Par un mémoire en défense, enregistré le 31 août 2018, le préfet de l'Hérault conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.
M. D... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 19 juin 2017.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Guidal,
- et les observations de Me B..., substituant Me C..., représentant M. D....
Considérant ce qui suit :
1. M. D..., se disant de nationalité azerbaïdjanaise, a été interpellé le 22 février 2017 par les services de la gendarmerie nationale, à la suite d'un vol à l'étalage. Par un arrêté du 23 février 2017, le préfet de l'Hérault lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai de départ volontaire et lui a interdit de retourner sur le territoire français pendant un an. M. D... relève appel du jugement du 6 avril 2017 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur la légalité de la décision faisant obligation de quitter le territoire français :
2. Aux termes du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne, d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse et qui n'est pas membre de la famille d'un tel ressortissant au sens des 4° et 5° de l'article L. 121-1, lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : / 1° Si l'étranger ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français, à moins qu'il ne soit titulaire d'un titre de séjour en cours de validité (...) 6° Si la reconnaissance de la qualité de réfugié ou le bénéfice de la protection subsidiaire a été définitivement refusé à l'étranger ou si l'étranger ne bénéficie plus du droit de se maintenir sur le territoire français en application de l'article L. 743-2, à moins qu'il ne soit titulaire d'un titre de séjour en cours de validité (...) ".
3. Il ressort des pièces du dossier que M. D..., qui n'a jamais été en mesure de justifier de son entrée régulière sur le territoire français, s'est vu refuser la qualité de réfugié par une décision du 29 avril 2011 du directeur général de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, confirmée par une décision du 5 décembre 2011 de la Cour nationale du droit d'asile. La demande de réexamen de son dossier a été rejetée le 28 février 2012 par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides qui lui a refusé de nouveau le bénéfice du statut de réfugié, décision confirmée le 19 juillet 2013 par la Cour nationale du droit d'asile. Il se trouvait ainsi dans les cas où, en application des 1° et du 6° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet peut décider de faire obligation à un étranger de quitter le territoire français.
4. Le fondement légal de cette décision d'éloignement tient à l'entrée irrégulière de M. D... sur le territoire national et à son maintien irrégulier sur ce même territoire après que la reconnaissance de la qualité de réfugié lui a été définitivement refusée par la Cour nationale du droit d'asile, comme précisé au point 3. En revanche, cette décision ne trouve pas son fondement dans la circonstance que l'intéressé se serait abstenu d'entreprendre des démarches pour régulariser sa situation. Par suite, si M. D... soutient qu'il a effectué de telles démarches, contrairement aux énonciations de l'arrêté en litige, ce moyen est inopérant à l'encontre de la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français.
5. Le seul dépôt d'une demande d'assignation à résidence sur le fondement de l'article L. 561-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne saurait faire obstacle à ce que l'autorité administrative décide de faire obligation à un étranger de quitter le territoire français s'il se trouve dans l'un des cas mentionnés aux 1° et 6° du I de l'article L. 511-1 du même code. Il en résulte que si M. D... a demandé le 10 février 2017 au préfet de l'Hérault d'être assigné à résidence en raison des difficultés qu'il rencontrerait, selon lui, pour trouver un pays d'accueil, l'autorité administrative n'était nullement tenue de vérifier s'il pouvait bénéficier d'une telle mesure avant de prendre à son encontre une décision lui faisant obligation de quitter le territoire français. Il s'ensuit que le moyen tiré de ce que le préfet de l'Hérault s'est abstenu de statuer sur la demande d'assignation à résidence déposée par M. D... avant de prendre à son encontre une mesure d'éloignement est inopérante. Ainsi, en n'y répondant pas, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Montpellier n'a pas entaché son jugement d'irrégularité.
6. Si M. D... fait valoir qu'il est désormais le père d'un enfant né le 4 juillet 2018 de sa relation avec une ressortissante arménienne en situation régulière, cette circonstance est postérieure à l'arrêté contesté et, par suite, sans influence sur sa légalité.
Sur la légalité de la décision refusant un délai de départ volontaire :
7. Aux termes du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) l'autorité administrative peut, par une décision motivée décider que l'étranger est obligé de quitter sans délai le territoire français : / (...) 3° S'il existe un risque que l'étranger se soustraie à cette obligation. Ce risque peut être regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : (...) d) Si l'étranger s'est soustrait à l'exécution d'une précédente mesure d'éloignement ; (...) f) Si l'étranger ne présente pas de garanties de représentation suffisantes, notamment parce qu'il ne peut justifier de la possession de documents d'identité ou de voyage en cours de validité, ou qu'il a dissimulé des éléments de son identité, ou qu'il n'a pas déclaré le lieu de sa résidence effective ou permanente, ou qu'il s'est précédemment soustrait aux obligations prévues par les articles L. 513-4, L. 552-4, L. 561-1 et L. 561-2 (...) ".
8. Il ressort des pièces du dossier que M. D..., qui ne dispose ni de documents d'identité, ni d'un domicile fixe et stable sur le territoire national, ne présente pas de garanties de représentation suffisantes. Il entre ainsi dans le champ du f) précité. La seule circonstance qu'il a demandé à être assigné à résidence ne suffit pas, à elle seule, à renverser la présomption de risque de fuite résultant des dispositions précitées du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. M. D... n'est, dès lors, pas fondé à soutenir qu'en refusant de lui accorder un délai de départ volontaire, le préfet de l'Hérault aurait fait une inexacte application de ces dispositions.
Sur la légalité de la décision fixant le pays de destination :
9. Les dispositions du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile prévoient que " l'obligation de quitter le territoire français fixe le pays à destination duquel l'étranger est renvoyé en cas d'exécution d'office ".
10. La décision fixant le pays à destination duquel M. D... peut être renvoyé comporte les éléments de droit et de fait sur lesquels elle est fondée. En tout état de cause, cette décision, qui s'efforce précisément d'expliciter les raisons pour lesquelles l'intéressé ne serait pas exposé à des peines ou traitements inhumains ou dégradants en cas de retour dans les pays qu'elle mentionne, n'est pas incompréhensible. Elle est ainsi suffisamment motivée.
11. Par un jugement du 25 octobre 2013, devenu définitif, le tribunal administratif de Montpellier a annulé une précédente décision du 27 juin 2013 en tant qu'elle fixait l'Azerbaïdjan comme pays à destination duquel M. D... pouvait être éloigné au motif que cette décision était entachée d'une erreur d'appréciation. L'autorité absolue de la chose jugée qui s'attache au jugement d'annulation du 25 octobre 2013 et au motif unique qui en constitue le soutien fait obstacle à ce que puisse être jugée légale une nouvelle décision fixant l'Azerbaïdjan comme pays de destination de la reconduite de M. D.... Il ressort toutefois des pièces du dossier et notamment de la décision du 5 décembre 2011 de la Cour nationale du droit d'asile que si M. D... est né sur le territoire azerbaïdjanais en 1972, il n'a pas la nationalité de ce pays dans la mesure où il l'a quitté en 1993 avant l'entrée en vigueur de la loi azerbaïdjanaise du 30 septembre 1998 qui conditionne la reconnaissance de cette nationalité à une résidence administrative sur le territoire au jour de son entrée en vigueur. Il n'est nullement établi et il n'est d'ailleurs pas allégué par l'intéressé qu'il serait légalement admissible à un autre titre dans ce pays. Il résulte des termes mêmes de la décision en litige que le préfet a prévu que M. D... pourrait être éloigné d'office à destination du pays dont il a la nationalité ou à destination de tout autre pays non membre de l'Union européenne ou avec lequel ne s'applique pas l'acquis de Schengen où il est légalement admissible. Ce faisant, le préfet n'a nullement entendu désigner l'Azerbaïdjan comme pays à destination duquel M. D... pouvait être éloigné. Il n'a, par suite, pas méconnu l'autorité absolue de la chose jugée qui s'attache au jugement d'annulation du 25 octobre 2013 du tribunal administratif de Montpellier.
12. L'adoption de la décision fixant le pays de renvoi conditionne la possibilité pour l'administration d'exécuter d'office l'obligation de quitter le territoire, dans les conditions prévues à l'article L. 513-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Toutefois il ne résulte ni des dispositions précitées de ce code ni d'aucune autre règle que l'administration serait tenue de désigner nommément dans l'arrêté faisant obligation à un étranger de quitter le territoire français les pays dans lesquels il serait légalement admissible. Par suite, le préfet de l'Hérault a pu légalement se borner à prévoir à l'article 2 de l'arrêté en litige que l'obligation de quitter sans délai le territoire français prise à l'encontre de M. D... pourrait être exécutée d'office à destination du pays dont il a la nationalité ou dans tout autre pays dans lequel il serait légalement admissible, sans désigner nommément ces pays.
Sur la légalité de la décision portant interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée d'un an :
13. Aux termes du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative, par une décision motivée, assortit l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français, d'une durée maximale de trois ans à compter de sa notification, lorsque aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger ou lorsque l'étranger n'a pas satisfait à cette obligation dans le délai imparti. / Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative ne prononce pas d'interdiction de retour. / (...) La durée de l'interdiction de retour mentionnée au premier alinéa du présent III ainsi que le prononcé et la durée de l'interdiction de retour mentionnée au quatrième alinéa sont décidés par l'autorité administrative en tenant compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français (...). ".
14. Il ressort des termes mêmes des dispositions du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que l'autorité compétente doit, pour décider de prononcer à l'encontre de l'étranger soumis à l'obligation de quitter le territoire français une interdiction de retour et en fixer la durée, tenir compte, dans le respect des principes constitutionnels, des principes généraux du droit et des règles résultant des engagements internationaux de la France, des quatre critères qu'elles énumèrent, sans pouvoir se limiter à ne prendre en compte que l'un ou plusieurs d'entre eux. Elle doit, par ailleurs, motiver sa décision et ainsi faire état des éléments de la situation de l'intéressé au vu desquels elle a arrêté, dans son principe et dans sa durée, sa décision, eu égard notamment à la durée de la présence de l'étranger sur le territoire français, à la nature et à l'ancienneté de ses liens avec la France et, le cas échéant, aux précédentes mesures d'éloignement dont il a fait l'objet. Elle doit aussi, si elle estime que figure au nombre des motifs qui justifient sa décision une menace pour l'ordre public, indiquer les raisons pour lesquelles la présence de l'intéressé sur le territoire français doit, selon elle, être regardée comme une telle menace. En revanche, si, après prise en compte de ce critère, elle ne retient pas cette circonstance au nombre des motifs de sa décision, elle n'est pas tenue, à peine d'irrégularité, de le préciser expressément.
15. En l'espèce, le préfet, qui a pris en compte l'ancienneté alléguée du séjour de M. D..., a rappelé son absence d'attaches familiales sur le territoire français et de domicile fixe stable et personnel. Il a aussi relevé que l'intéressé ne justifiait pas d'une intégration particulière en France, qu'il avait fait l'objet de deux mesures d'éloignement en janvier 2012 et juin 2013 et que sa présence constituait une menace pour l'ordre public, l'intéressé ayant fait l'objet de deux procédures pour vol et vol à l'étalage.
16. Au regard des dispositions précitées du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet était légalement fondé à prendre en compte les deux mesures d'éloignement précédentes prises à l'encontre de l'intéressé et non exécutées pour fonder la décision d'interdiction de retour. A cet égard, est sans incidence sur la légalité de cette décision la circonstance que l'intéressé a formé une demande d'assignation à résidence. En estimant au regard des faits de vols reprochés à M. D... et qui ne sont d'ailleurs pas contestés, que sa présence en France constituait une menace pour l'ordre public le préfet de l'Hérault a exactement qualifié les faits de l'espèce. Par suite, M. D... n'est pas fondé à soutenir que la décision d'interdiction de retour qui lui a été opposée aurait été prise en méconnaissance des dispositions précitées.
17. Il résulte de tout ce qui précède que M. D... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande. Ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent, en conséquence, être rejetées.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de M. D... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... D..., au ministre de l'intérieur et à Me C....
Copie en sera adressée au préfet de l'Hérault.
Délibéré après l'audience du 16 novembre 2018 où siégeaient :
- M. Pocheron, président de chambre,
- M. Guidal, président-assesseur,
- M. Coutier, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 30 novembre 2018.
2
N° 17MA03366
nl