Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 29 janvier 2021, M. C..., représenté par Me D..., demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du 30 décembre 2020 ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet de Vaucluse du 1er octobre 2020 ;
3°) d'enjoindre au préfet de lui délivrer un titre de séjour temporaire, à compter de la notification de la décision à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, et, à défaut de réexaminer sa situation dans un délai de quinze jours à compter de la notification de la décision à intervenir et de lui délivrer, durant cet examen, une autorisation provisoire de séjour, à compter de la notification de la décision à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 440 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le tribunal administratif a commis une erreur de fait ;
- le point 7 du jugement est erroné ;
- l'auteur des décisions attaquées est incompétent ;
- les décisions attaquées sont insuffisamment motivées ;
- la décision portant refus de titre de séjour est entachée d'une erreur de droit ;
- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle est illégale en ce que le préfet n'a pas transmis à la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (DIRECCTE) la demande d'autorisation de travail implicitement contenue dans sa demande ;
- elle est entachée d'un défaut d'examen particulier de sa situation personnelle au regard de la circulaire du ministre de l'intérieur du 28 novembre 2012 ;
- le préfet a méconnu son pouvoir de régularisation ;
- elle méconnaît les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le préfet a commis une erreur manifeste d'appréciation au regard de sa situation familiale ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire est illégale par voie de conséquence de l'illégalité de la décision portant refus de titre de séjour ;
- les dispositions de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne sont pas compatibles avec les objectifs définis à l'article 12 de la directive n° 2008/115 CE ;
- elle méconnaît les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation quant aux conséquences sur sa situation personnelle.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord franco-marocain du 9 octobre 1987 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code du travail ;
- le code de justice administrative.
Considérant ce qui suit :
1. M. C..., de nationalité marocaine, relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande dirigée contre l'arrêté du préfet de Vaucluse du 1er octobre 2020 lui refusant la délivrance d'un titre de séjour, l'obligeant à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays de sa destination, en reprenant, pour l'essentiel, les moyens invoqués devant les premiers juges.
2. Aux termes du dernier alinéa de l'article R. 222-1 du code de justice administrative : " Les présidents (...) des formations de jugement des cours (...) peuvent, en outre, par ordonnance, rejeter (...), après l'expiration du délai de recours ou, lorsqu'un mémoire complémentaire a été annoncé, après la production de ce mémoire les requêtes d'appel manifestement dépourvues de fondement. (...) ".
Sur la régularité du jugement attaqué :
3. Hormis dans le cas où le juge de première instance a méconnu les règles de compétence, de forme ou de procédure qui s'imposaient à lui et a ainsi entaché son jugement d'une irrégularité, il appartient au juge d'appel, non d'apprécier le bien-fondé des motifs par lesquels le juge de première instance s'est prononcé sur les moyens qui lui étaient soumis, mais de se prononcer directement sur les moyens dirigés contre la décision administrative contestée, dont il est saisi dans le cadre de l'effet dévolutif de l'appel. M. C... ne peut donc utilement se prévaloir de l'erreur de fait qu'aurait commise les premiers juges pour demander l'annulation du jugement attaqué.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
Sur les conclusions relatives à la décision de refus de séjour :
4. En premier lieu, il y a lieu d'écarter le moyen tiré de l'insuffisante motivation de la décision, précédemment invoqué dans les mêmes termes devant les juges de première instance, par adoption des motifs retenus à bon droit par le tribunal administratif de Nîmes au point 3 de son jugement.
5. En deuxième lieu, il y a lieu d'écarter le moyen tiré de ce que la décision aurait été signée par une autorité incompétente, par adoption des motifs retenus à bon droit par le tribunal administratif au point 2 du jugement, dès lors que, contrairement à ce que soutient le requérant, l'arrêté n° 84-2020-03-02-001 du 2 mars 2020 portant délégation de signature à M. B... a été régulièrement publié au recueil des actes administratifs de la préfecture de Vaucluse du même jour, accessible à M. C... sur le site internet de la préfecture.
6. En troisième lieu, si M. C... soutient que la décision est illégale en ce que le préfet n'a pas saisi la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (DIRECCTE), aucune disposition législative ou réglementaire n'impose au préfet, saisi d'une demande d'admission au séjour, de transmettre celle-ci à la DIRECCTE qui est seule compétente pour l'instruction préalable d'une demande d'autorisation de travail, une telle démarche incombant à l'employeur en application des dispositions combinées des articles L. 5221-2, R. 5221-1, R. 5221-3, R. 5221-15 et R. 5221-17 du code du travail.
7. En quatrième lieu, M. C... ne peut utilement se prévaloir de la circulaire du ministre de l'intérieur du 28 novembre 2012 dès lors, d'une part, que celle-ci ne revêt pas un caractère réglementaire et, d'autre part, que les critères de régularisation y figurant ne présentent pas le caractère de lignes directrices susceptibles d'être invoquées, mais constituent de simples orientations pour l'exercice, par le préfet, de son pouvoir de régularisation (cf. CE, 4.02.2015, nos 383267 et 383268).
8. En cinquième lieu, il ressort des termes de l'arrêté attaqué que le préfet de Vaucluse a envisagé la possibilité de faire bénéficier M. C... d'une mesure de régularisation en qualité de salarié, ainsi que d'une admission exceptionnelle au séjour au titre de la vie privée et familiale sur le fondement de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Il ne ressort pas des pièces du dossier que cette autorité se serait, sur ce dernier point, estimée liée par le non-respect des conditions prévues par le 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ni qu'elle n'aurait pas procédé à un examen particulier de la situation personnelle et familiale de l'intéressé. Par suite, les moyens tirés du défaut d'examen réel et complet de sa situation et de ce que le préfet aurait méconnu l'étendue de son pouvoir de régularisation doivent être écartés.
9. En sixième lieu, portant sur la délivrance des catégories de cartes de séjour temporaires prévues par les dispositions auxquelles il renvoie, l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile n'institue pas une catégorie de titres de séjour distincte, mais est relatif aux conditions dans lesquelles les étrangers peuvent être admis à séjourner en France, soit au titre de la vie privée et familiale, soit au titre d'une activité salariée. Dès lors que l'article 3 de l'accord franco-marocain prévoit la délivrance de titres de séjour au titre d'une activité salariée, un ressortissant marocain souhaitant obtenir un titre de séjour au titre d'une telle activité ne peut utilement invoquer les dispositions de l'article L. 313-14 à l'appui d'une demande d'admission au séjour sur le territoire national, s'agissant d'un point déjà traité par l'accord franco-marocain du 9 octobre 1987, au sens de l'article 9 de cet accord. Toutefois, les stipulations de cet accord n'interdisent pas au préfet, dans l'exercice du pouvoir discrétionnaire dont il dispose sur ce point, d'apprécier, en fonction de l'ensemble des éléments de la situation personnelle de l'intéressé, l'opportunité d'une mesure de régularisation à un ressortissant marocain qui ne remplirait pas les conditions auxquelles est subordonnée la délivrance de plein droit d'un titre de séjour en qualité de salarié.
10. En l'espèce, le requérant, qui déclare être entré en France le 10 décembre 2014, a fait valoir à l'appui de sa demande de régularisation une promesse d'embauche et son expérience professionnelle en qualité d'aide cuisine - employé polyvalent et, à titre subsidiaire, la présence en France de ses parents, de ses trois frères et de sa soeur. Aucun de ces éléments ne traduit l'existence de considérations humanitaires ou de motifs exceptionnels d'admission au séjour. C'est donc sans commettre d'erreur manifeste d'appréciation, ni d'erreur de droit, que le préfet de Vaucluse a refusé de régulariser sa situation.
11. En septième lieu, aux termes de l'article 3 de l'accord franco-marocain du 9 octobre 1987 : " Les ressortissants marocains désireux d'exercer une activité professionnelle salariée en France, pour une durée d'un an au minimum, et qui ne relèvent pas des dispositions de l'article 1er du présent Accord, reçoivent, après le contrôle médical d'usage et sur présentation d'un contrat de travail visé par les autorités compétentes, un titre de séjour valable un an renouvelable et portant la mention " salarié " éventuellement assortie de restrictions géographiques ou professionnelles. ". L'article 9 du même accord prévoit que : " Les dispositions du présent accord ne font pas obstacle à l'application de la législation des deux Etats sur le séjour des étrangers sur tous les points non traités par l'accord... ". Aux termes de l'article R. 5221-20 du code du travail : " Pour accorder ou refuser l'une des autorisations de travail mentionnées à l'article R. 5221-11, le préfet prend en compte les éléments d'appréciation suivants : 1° La situation de l'emploi dans la profession et dans la zone géographique pour lesquelles la demande est formulée, compte tenu des spécificités requises pour le poste de travail considéré, et les recherches déjà accomplies par l'employeur auprès des organismes concourant au service public de l'emploi pour recruter un candidat déjà présent sur le marché du travail ... ". Enfin, aux termes de l'article R. 5221-21 du code du travail : " Les critères mentionnés à l'article R. 5221-20 sont également opposables lors du premier renouvellement de l'une de ces autorisations de travail lorsque l'étranger demande à occuper un emploi dans un métier ou une zone géographique différents de ceux qui étaient mentionnés sur l'autorisation de travail initiale. ".
12. L'accord franco-marocain renvoie, sur tous les points qu'il ne traite pas, à la législation nationale, en particulier aux dispositions pertinentes du code du travail pour autant qu'elles ne sont pas incompatibles avec les stipulations de l'accord et nécessaires à sa mise en oeuvre. Il en va notamment ainsi, pour le titre de séjour " salarié " mentionné à l'article 3 cité ci-dessus délivré sur présentation d'un contrat de travail " visé par les autorités compétentes ", des dispositions des articles R. 5221-17 et suivants du code du travail, qui précisent les modalités et les éléments d'appréciation en vertu desquels le préfet se prononce, au vu notamment du contrat de travail, pour accorder ou refuser une autorisation de travail. Dès lors, si M. C... soutient que le préfet de Vaucluse aurait méconnu les dispositions de l'article L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, il doit, en réalité, être regardé comme invoquant la méconnaissance des stipulations de l'article 3 de l'accord franco-marocain, seules applicables.
13. En l'espèce, il ressort des pièces du dossier que le préfet de Vaucluse a rejeté la demande de titre de séjour en qualité de salarié aux motifs d'une part, que, s'agissant de la promesse de travail en qualité d'employé polyvalent qu'il se proposait d'exercer auprès de l'entreprise IBF KZA FOOD située à Avignon, la situation de l'emploi dans cette profession et cette zone géographique révélait de façon pérenne un nombre de demandes d'emploi plus important que celui des offres, et, d'autre part, que l'entreprise n'offre " aucune garantie de la qualification et de l'expérience professionnelle de l'intéressé en qualité d'employé polyvalent ". L'emploi d'employé polyvalent ne figure pas sur liste des métiers caractérisés par des difficultés de recrutement en région Provence-Alpes-Côte d'Azur, figurant en annexe de l'arrêté du 18 janvier 2008. Ainsi, quand bien même M. C... justifie d'une expérience dans ce domaine et que le dirigeant de la SASU IBF KZA FOOD rencontre des difficultés de recrutement, le préfet de Vaucluse pouvait légalement opposer, sur ce seul motif tiré de la situation de l'emploi dans la profession que le requérant entendait exercer, un refus à la demande de titre de séjour sollicitée en qualité de salarié.
14. Enfin, s'agissant des moyens tirés de la méconnaissance des dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que de l'erreur manifeste qu'aurait commise le préfet quant à l'appréciation de sa situation familiale, qui avaient été précédemment invoqués dans les mêmes termes devant les juges de première instance et à l'appui desquels le requérant reprend purement et simplement l'argumentation soumise à ces derniers, il y a lieu de les écarter par adoption des motifs retenus par le tribunal administratif aux points 6 à 8 de son jugement. En particulier, les pièces produites en appel constituées de relevés de compte, de justificatifs de transfert d'argent, d'un certificat médical, d'ordonnances médicales, d'une carte individuelle d'admission à l'aide médicale d'Etat, de courriers adressés par la Caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) ainsi qu'une note d'honoraire d'avocat, en date de 2020 ou postérieures à la date de l'arrêté attaqué, ne font que confirmer le contenu des pièces déjà produites devant le tribunal.
Sur les conclusions relatives à l'obligation de quitter le territoire français :
15. En premier lieu, eu égard à ce qui a été dit précédemment, M. C... n'est pas fondé à soutenir que l'obligation de quitter le territoire français serait illégale du fait de l'illégalité de la décision de refus de titre de séjour.
16. En deuxième lieu, il résulte des dispositions du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, que, lorsque, comme c'est le cas en l'espèce, l'obligation de quitter le territoire français accompagne une décision de refus de séjour, elle n'a pas à faire l'objet d'une motivation distincte. Dès lors que, ainsi que l'a jugé à bon droit le tribunal au point 3 du jugement, la décision portant refus de titre de séjour est suffisamment motivée, le moyen tiré d'une insuffisante motivation de l'arrêté attaqué, en tant qu'il oblige M. C... à quitter le territoire français, doit également être écarté.
17. En troisième lieu, le moyen tiré de ce que la décision aurait été signée par une autorité incompétente doit être écarté pour les motifs exposés au point 5 de la présente ordonnance.
18. En quatrième lieu, M. C... soulève le moyen tiré de l'incompatibilité des dispositions du 1 de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile avec les objectifs définis par l'article 12 de la directive 2008/115/CE. Tout justiciable peut se prévaloir, à l'appui d'un recours dirigé contre un acte administratif non réglementaire, des dispositions précises et inconditionnelles d'une directive, lorsque l'Etat n'a pas pris, dans les délais impartis par celleci, les mesures de transposition nécessaires. Contrairement à ce que soutient le requérant, les dispositions de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne sont pas incompatibles avec les objectifs définis à l'article 12 de la directive n° 2008/115 CE précitée qu'elles avaient pour objet de transposer. Par suite, M. C... ne peut utilement se prévaloir des dispositions de cette directive pour contester la régularité de la motivation de l'obligation de quitter le territoire français prise à son encontre.
19. En cinquième lieu, pour les mêmes motifs que ceux énoncés au point 13, la mesure d'éloignement en litige ne méconnaît pas les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et n'est pas entachée d'un erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur la situation de M. C.... Par ailleurs, dès lors que l'intéressé ne pouvait, ainsi qu'il a été dit, prétendre à la délivrance de plein droit d'un titre de séjour sur le fondement du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, il pouvait légalement faire l'objet d'une mesure d'éloignement.
20. Il résulte de ce qui précède que la requête d'appel de M. C..., qui est manifestement dépourvue de fondement, au sens des dispositions du dernier alinéa de l'article R. 222-1 du code de justice administrative, doit être rejetée, en application de ces dispositions, y compris ses conclusions aux fins d'injonction et celles présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
O R D O N N E :
Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.
Article 2 : La présente ordonnance sera notifiée à M. A... C....
Fait à Marseille, le 28 avril 2021.
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N° 21MA00402