Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 5 septembre 2019, le Syndicat mixte du bassin versant du Réart (SMBVR), représenté par Me D..., demande à la cour :
1°) d'annuler l'ordonnance du 28 août 2019 ;
2°) statuant en référé, de rejeter la demande de Mme F... ;
3°) de mettre à la charge de Mme F... la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que l'ordonnance est irrégulière, faute pour le juge des référés d'avoir répondu aux moyens soulevés devant lui tenant, d'une part, à ce que la requête en référé ne présente aucune utilité qui lui serait propre dès lors que l'intéressée a introduit un recours au fond et, d'autre part, qu'elle exerce sur ses terrains une activité d'élevage qui n'est pas conforme aux prescriptions du plan de prévention des risques inondation dans ce secteur ; que la requête en référé de Mme F... est irrecevable, faute de justifier d'aucune circonstance particulière qui lui conférerait une utilité qui lui serait propre par rapport à sa requête au fond.
Par un mémoire, enregistré le 27 septembre 2019, Mme E... F..., représentée par Me B..., conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 2 500 euros soit mise à la charge du Syndicat mixte du bassin versant du Réart, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que les moyens d'irrégularité manquent en fait ; que le juge des référés ne perd pas sa compétence, en raison de la seule existence d'un recours au fond postérieur à l'instance de référé ; que cette expertise est nécessaire pour lui permettre de définir les travaux qui doivent être réalisés, l'origine des inondations et les préjudices subis ; que cette mesure présente un intérêt pour le maître d'ouvrage puisque sa responsabilité est susceptible d'être à nouveau engagée s'il n'exécute pas certains travaux ; qu'elle vit sous la double menace soit d'une mesure d'expropriation, soit de l'exécution ou de l'inexécution de travaux en dehors de sa propriété de nature à affecter de manière pérenne ses conditions de vie et d'exploitation ; que le Syndicat mixte du bassin versant du Réart n'explique pas pourquoi la saisine du juge du fond rendrait celle du juge des référés totalement inutile ; que sa propriété subit des désordres ; qu'aucune mesure compensatoire ou " réparatoire " n'a été prise ; qu'elle risque d'être confrontée à de nouvelles inondations et sa propriété subit une moins-value.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu le code de justice administrative.
Considérant ce qui suit :
1. Aux termes du premier alinéa de l'article R. 532-1 du code de justice administrative : " Le juge des référés peut, sur simple requête (...) prescrire toute mesure utile d'expertise ou d'instruction ". En vertu de l'article L. 555-1 du même code, le président de la cour administrative d'appel est compétent pour statuer sur les appels formés contre les décisions rendues par le juge des référés.
2. Par l'ordonnance attaquée du 28 août 2019, le juge des référés du tribunal administratif de Montpellier a, à la demande de Mme F..., ordonné une expertise portant sur les inondations dont font l'objet ses parcelles agricoles situées sur les communes de Saint-Nazaire et de Canet-en-Roussillon (Pyrénées-Orientales), lors d'épisodes pluvieux importants.
Sur la régularité de l'ordonnance attaquée :
3. En premier lieu, aux termes de son mémoire en défense enregistré devant le greffe du tribunal administratif le 19 avril 2019, le Syndicat mixte du bassin versant du Réart avait opposé à la demande en référé de Mme F... une " irrecevabilité " formulée en ces termes : " lorsqu'une requête au fond a été déposée, le juge des référés, sauf urgence particulière, perd sa compétence au bénéfice du magistrat instructeur ". En relevant que " ni (les) dispositions (de l'article R. 532-1 du code de justice administrative), ni aucun autre texte ou règle générale de procédure applicable devant la juridiction administrative n'interdisent au juge des référés de prescrire une expertise après saisine du juge du fond à la double condition que cette mesure présente un caractère utile et n'implique pas que soit confiée à l'expert une mission portant sur des questions de droit ", le juge des référés doit être regardé comme ayant écarté, aux termes d'une motivation suffisante, le moyen ainsi soulevé par le défendeur.
4. En second lieu, si, aux termes du même mémoire en défense, seul produit, le Syndicat mixte du bassin versant du Réart avait mentionné dans la partie dédiée à l'exposé des faits que Mme F... exerçait une activité d'élevage d'ovins dans un secteur inondable, " où seules à titre dérogatoire peuvent être autorisées les activités agricoles de types cultures ", cette circonstance n'a pas été reprise et développée dans la partie du mémoire dédiée à la discussion pour contester l'utilité de la mesure d'expertise qu'elle demandait. Par suite, le syndicat requérant n'est pas fondé à soutenir qu'en ne répondant pas à une telle argumentation, le juge des référés a entaché son ordonnance d'une irrégularité.
Sur le bien-fondé de l'ordonnance attaquée :
5. L'utilité d'une mesure d'instruction ou d'expertise qu'il est demandé au juge des référés d'ordonner sur le fondement de l'article R. 532-1 du code de justice administrative doit être appréciée, d'une part, au regard des éléments dont le demandeur dispose ou peut disposer par d'autres moyens et, d'autre part, bien que ce juge ne soit pas saisi du principal, au regard de l'intérêt que la mesure présente dans la perspective d'un litige principal, actuel ou éventuel, auquel elle est susceptible de se rattacher (cf. CE, 14.02.2017, n° 401514). S'il résulte de l'article R. 625-1 du code de justice administrative qu'il peut être fait application des dispositions de l'article R. 532-1, alors même qu'une requête au fond est en cours d'instruction, il appartient au juge des référés d'apprécier l'utilité de la mesure demandée sur ce fondement (cf. CE, 27 novembre 2014, n° 385843 et 385844).
6. Il résulte de l'instruction que Mme F... a, par une requête enregistrée au greffe du tribunal administratif de Montpellier le 22 mars 2019, demandé en référé la désignation d'un expert aux fins de déterminer la nature et l'étendue des désordres affectant les parcelles de sa propriété, l'origine et les causes de ces désordres, les travaux publics nécessaires pour y remédier et de fournir tous éléments de nature à apprécier les préjudices de toute nature qu'elle a subis. Sans attendre l'issue de cette requête, Mme F... a introduit, le 1er avril 2019, une requête au fond devant le tribunal administratif de Montpellier, enregistrée sous le n° 1901586, aux fins d'obtenir la condamnation du Syndicat mixte du bassin versant du Réart, d'une part, à l'indemniser des dommages qu'elle soutient avoir d'ores-et-déjà subis en raison des inondations survenues en 2014 et 2018 et de la perte de la valeur vénale de sa propriété, d'autre part, à effectuer tous les travaux nécessaires et utiles afin de protéger sa propriété contre de nouveaux risques d'inondation. Toutefois, aux termes de cette requête, elle réservait explicitement tant le chiffrage de ses conclusions indemnitaires que la définition de la nature des travaux qu'elle entendait voir enjoint au syndicat mixte de réaliser, aux conclusions du rapport d'expertise et demandait, à cet effet, au juge du fond de surseoir à statuer jusqu'au dépôt de ce rapport. Dans ces conditions, l'introduction ultérieure d'une requête au fond ne peut être regardée comme ayant fait perdre à la mesure d'expertise demandée en référé son caractère d'utilité, au sens des dispositions de l'article R. 532-1 du code de justice administrative.
7. Il résulte de tout ce qui précède que le Syndicat mixte du bassin versant du Réart n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que le juge des référés du tribunal administratif de Montpellier a fait droit à la demande de Mme F....
8. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de Mme F... qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge du Syndicat mixte du bassin versant du Réart une somme de 1 500 euros à verser à Mme F..., au titre de ces dispositions.
O R D O N N E :
Article 1er : La requête du Syndicat mixte du bassin versant du Réart est rejetée.
Article 2 : Le Syndicat mixte du bassin versant du Réart versera à Mme F... une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : La présente ordonnance sera notifiée au Syndicat mixte du bassin versant du Réart (SMBVR), à Mme E... F... et à Mme A... C..., experte.
Fait à Marseille, le 29 octobre 2019
N° 19MA041782
LH