Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 28 février et 22 avril 2020, Mme E..., représentée par Me B..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nice du 21 janvier 2020 ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet des Alpes-Maritimes du 26 avril 2019 ;
3°) d'enjoindre au préfet des Alpes-Maritimes de réexaminer sa situation et de lui délivrer dans l'attente une autorisation provisoire de séjour ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, au profit de son conseil en cas d'admission au bénéfice de l'aide juridictionnelle ou à son profit en cas de refus d'admission.
Elle soutient que :
En ce qui concerne le refus de titre de séjour :
- il est insuffisamment motivé et entaché d'examen particulier de sa situation personnelle ;
- les médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) ont émis leur avis du 12 juillet 2018 sans la convoquer ;
- cette décision est entachée d'erreur de droit, le préfet s'étant estimé lié par l'avis du collège de médecins de l'OFII ;
- le préfet ne démontre pas qu'un traitement que nécessite son état de santé lui serait effectivement accessible dans son pays d'origine, alors au demeurant que sa pathologie psychiatrique est directement liée aux évènements traumatisants qu'elle y a vécus ;
- cette décision est entachée d'erreur d'appréciation et d'erreur de fait au regard de l'article 8 de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- ce refus est illégal, faute pour le préfet de lui avoir remis un récépissé valant autorisation provisoire de séjour.
En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :
- cette décision méconnait les dispositions du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle méconnait l'article 8 de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
La requête a été communiquée au préfet des Alpes-Maritimes, qui n'a pas produit de mémoire en défense.
Un mémoire, présenté pour Mme E..., a été enregistré le 26 janvier 2021, et n'a pas été communiqué.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;
- l'arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles R. 313-22, R. 313-23 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. C...,
- et les observations de Me D..., substituant Me B..., représentant Mme E....
Considérant ce qui suit :
1. Mme E..., ressortissante albanaise née le 10 septembre 1961, relève appel du jugement du 21 janvier 2020 par lequel le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 26 avril 2019 du préfet des Alpes-Maritimes portant refus d'admission au séjour, obligation de quitter le territoire dans un délai de trente jours et fixant le pays à destination duquel elle serait reconduite d'office à l'expiration de ce délai.
2. En premier lieu, il résulte des dispositions des articles 4 et 7 de l'arrêté susvisé du 27 décembre 2016 que la convocation de l'étranger qui sollicite son admission au séjour au titre de son état de santé à un examen médical par le médecin rapporteur ou par le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) n'est qu'une faculté et non une obligation. Dès lors, la circonstance que ces médecins n'ont pas usé de cette faculté n'a pas été de nature à entacher leur avis d'irrégularité.
3. En deuxième lieu, à l'appui de sa demande, Mme E... reprend en appel le moyen qu'elle avait invoqué en première instance, tiré de l'insuffisante motivation du refus de titre de séjour contesté. Il y a lieu d'écarter ce moyen par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges aux points 5 et 6 de leur jugement, dès lors que la requérante reprend l'argumentation soumise à ceux-ci sans apporter d'élément nouveau ou déterminant, étant précisé que l'erreur de plume dont l'arrêté contesté est entaché quant à la date de l'avis du collège de médecins de l'OFII est sans incidence sur la motivation de l'acte litigieux.
4. En troisième lieu, contrairement à ce que soutient la requérante, l'irrégularité de son séjour à raison de l'omission alléguée du préfet de lui remettre un récépissé valant autorisation provisoire de séjour lorsqu'elle lui a présenté sa demande d'admission au séjour n'a pu avoir aucune incidence sur le sens de la décision contestée. Dès lors, ainsi que l'ont indiqué à bon droit les premiers juges, Mme E... ne peut, en tout état de cause, utilement se prévaloir de ce manquement à l'encontre de la décision contestée.
5. En quatrième lieu, il ressort des pièces du dossier que le préfet des Alpes-Maritimes a procédé à un examen particulier de la situation personnelle de Mme E....
6. En cinquième lieu, il ne ressort pas des termes de l'arrêté contesté que le préfet se serait estimé lié par l'avis du collège de médecins de l'OFII.
7. En sixième lieu, il appartient à l'autorité administrative, lorsqu'elle envisage de refuser la délivrance d'un titre de séjour à un étranger qui en fait la demande au titre des dispositions du 11° de l'article L. 31311 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, de vérifier, au vu de l'avis émis par le médecin mentionné à l'article R. 31322, que cette décision ne peut avoir de conséquences d'une exceptionnelle gravité sur l'état de santé de l'intéressé et, en particulier, d'apprécier, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, la nature et la gravité des risques qu'entraînerait un défaut de prise en charge médicale dans le pays dont l'étranger est originaire. Lorsque le défaut de prise en charge risque d'avoir des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur la santé de l'intéressé, l'autorité administrative ne peut légalement refuser le titre de séjour sollicité que s'il existe des possibilités de traitement approprié de l'affection en cause dans son pays d'origine. Si de telles possibilités existent mais que l'étranger fait valoir qu'il ne peut en bénéficier, soit parce qu'elles ne sont pas accessibles à la généralité de la population, eu égard notamment aux coûts du traitement ou à l'absence de modes de prise en charge adaptés, soit parce qu'en dépit de leur accessibilité, des circonstances exceptionnelles tirées des particularités de sa situation personnelle l'empêcheraient d'y accéder effectivement, il appartient à cette même autorité, au vu de l'ensemble des informations dont elle dispose, d'apprécier si l'intéressé peut ou non bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans son pays d'origine.
8. En l'espèce, ni les certificats médicaux produits par Mme E..., qui se bornent à mentionner, en des termes particulièrement imprécis, que les soins qu'elle reçoit en France en raison de sa pathologie dépressive ne sont pas disponible en Albanie, ni les attestations qu'elle-même ou ses proches ont rédigées, ne permettent de contredire l'avis du 23 juillet 2018 par lequel le collège de médecins de l'OFII a estimé qu'elle aurait effectivement accès à un traitement approprié à son état de santé en cas de retour dans son pays d'origine. En outre, aucune des pièces versées au dossier ne permet de démontrer l'existence d'un lien entre la pathologie dont souffre la requérante et les évènements qu'elle allègue avoir vécus en Albanie. Dans ces conditions, Mme E... n'est pas fondée à soutenir que le préfet a méconnu les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
9. En septième lieu, Mme E..., dont la présence en France présentait un caractère récent à la date de l'arrêté contesté, ne peut se prévaloir d'aucune attache familiale résidant régulièrement sur le sol national, hormis deux de ses trois enfants. Si le préfet a mentionné, à tort, que l'intéressée était célibataire, cette erreur de fait est sans influence sur la légalité de la décision litigieuse dès lors que son époux, qui ne justifie pas davantage qu'elle d'un droit à se maintenir sur le territoire national en raison de son état de santé, a vocation à la suivre vers leur pays d'origine, où Mme E... a vécu jusqu'à l'âge de 55 ans au moins. Dans ces conditions, l'intéressée n'est pas fondée à soutenir que le préfet des Alpes-Maritimes aurait porté une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale.
10. En dernier lieu, pour les mêmes motifs que ceux exposés, respectivement, aux points 8 et 9, les moyens tirés de la méconnaissance de l'article L. 511-4 (10°) du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de la méconnaissance de l'article 8 de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doivent être écartés.
11. Il résulte de tout ce qui précède que Mme E... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande. Il s'ensuit que sa requête doit être rejetée, en toutes ses conclusions.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de Mme E... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... E... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet des Alpes-Maritimes.
Délibéré après l'audience du 11 février 2021, où siégeaient :
- M. Alfonsi, président,
- Mme F..., présidente assesseure,
- M. C..., conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 4 mars 2021.
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N° 20MA01042
kp