Mme A... C... a également demandé au tribunal administratif de Nîmes d'annuler la décision du 1er février 2018 par laquelle le maire de Nîmes l'a affectée sur le poste de " chargée de mission pratiques culturelles et nouveau conservatoire " à compter du 3 février 2018.
Par un jugement n° 1801058 du 20 juin 2019, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté cette demande.
Procédures devant la cour :
I°) Par une requête enregistrée le 22 juillet 2019 sous le numéro 19MA03445, Mme C..., représentée par Me E..., demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1801058 du tribunal administratif de Nîmes du 20 juin 2019 ;
2°) d'annuler la décision du maire de Nîmes du 1er février 2018 ;
3°) de mettre à la charge de la commune de Nîmes la somme de 4 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la décision contestée porte atteinte aux droits de la défense et au principe du contradictoire compte tenu du trop bref délai entre sa notification et sa date d'effet ;
- elle porte atteinte à son droit à la mobilité dans le cadre d'une future demande de mutation dès lors qu'elle l'assigne à des fonctions qui ne sont pas en rapport avec son grade ;
- elle est entachée d'un vice de procédure en ce qui concerne la saisine de la commission administrative paritaire, en l'absence d'information préalable sur la tenue de celle-ci, de possibilité de consulter son dossier et de présenter des observations, et de preuve du respect de l'obligation de saisine de cette commission ;
- elle est entachée d'un second vice de procédure en l'absence de respect de la procédure de création de poste ;
- elle constitue une sanction déguisée ;
- l'administration a méconnu le principe non bis in idem.
Par un mémoire en défense enregistré le 15 septembre 2020, la commune de Nîmes, représentée par Me D..., conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge de Mme C... d'une somme de 2 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que les moyens soulevés par Mme C... ne sont pas fondés.
II°) Par une requête enregistrée le 22 juillet 2019 sous le numéro 19MA03447, Mme C..., représentée par Me E..., demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1703439 du tribunal administratif de Nîmes du 20 juin 2019 ;
2°) d'annuler l'arrêté du maire de Nîmes du 28 septembre 2017 ;
3°) de mettre à la charge de la commune de Nîmes la somme de 4 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que la mesure de suspension constitue une sanction injustifiée en l'absence de caractérisation de faits fautifs.
Par un mémoire en défense enregistré le 15 septembre 2020, la commune de Nîmes, représentée par Me D..., conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge de Mme C... d'une somme de 2 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que les moyens soulevés par Mme C... ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces des dossiers ;
Vu :
- le code général des collectivités territoriales ;
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme F...,
- les conclusions de M. Gautron, rapporteur public,
- et les observations de Me B..., représentant la commune de Nîmes.
Considérant ce qui suit :
1. Les requêtes visées ci-dessus n° 19MA03445 et n° 19MA03447 sont relatives à la situation d'un même agent public et ont fait l'objet d'une instruction commune. Il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt.
2. Mme C..., recrutée en juin 2016 en qualité de fonctionnaire territorial par la commune de Nîmes sur le poste de directrice du conservatoire de musique, danse et art dramatique, a été suspendue de ses fonctions à compter du 3 octobre 2017 par un arrêté du maire du 28 septembre 2017. Par une décision du 1er février 2018, le maire de Nîmes a procédé à la réintégration de Mme C... au sein des effectifs de la commune avec changement d'affectation sur un poste de " chargée de mission pratiques culturelles et nouveau conservatoire " à compter du 3 février 2018. Mme C... relève appel des jugements du 20 juin 2019 par lesquels le tribunal administratif de Nîmes a rejeté ses demandes tendant à l'annulation des décisions des 28 septembre 2017 et 1er février 2018.
Sur la mesure de suspension :
3. Aux termes de l'article 30 de la loi du 13 juillet 1983 : " En cas de faute grave commise par un fonctionnaire, qu'il s'agisse d'un manquement à ses obligations professionnelles ou d'une infraction de droit commun, l'auteur de cette faute peut être suspendu par l'autorité ayant pouvoir disciplinaire qui saisit, sans délai le conseil de discipline. Le fonctionnaire suspendu conserve son traitement, l'indemnité de résidence, le supplément familial de traitement et les prestations familiales obligatoires. Sa situation doit être définitivement réglée dans le délai de quatre mois (...) ". La mesure provisoire de suspension prévue par ces dispositions législatives ne présente pas par elle-même un caractère disciplinaire. Elle est uniquement destinée à écarter temporairement un agent du service, en attendant qu'il soit statué disciplinairement ou pénalement sur sa situation. Elle peut être légalement prise dès lors que l'administration est en mesure d'articuler à l'encontre de l'intéressé des griefs qui ont un caractère de vraisemblance suffisant et qui permettent de présumer que celui-ci a commis une faute grave.
4. Il ressort des termes mêmes de l'arrêté du 28 septembre 2017 que pour prendre la mesure de suspension contestée, le maire de Nîmes s'est fondé, d'une part, sur la détérioration du climat social au sein du conservatoire en raison notamment de relations conflictuelles de Mme C... avec certains enseignants, de la mobilisation des organisations syndicales signalant l'autoritarisme de la direction, et de l'existence d'attestations de parents d'élèves et d'enseignants dénonçant l'attitude et les pratiques et méthodes managériales de la directrice, d'autre part, sur la détérioration de l'image du conservatoire du fait, en particulier, de l'existence de relations conflictuelles également avec l'association des parents d'élèves, d'articles de presse, et de réclamations écrites de parents d'élèves sur les conditions d'admission des enfants et de l'organisation inadaptée du jury d'entrée des jeunes élèves, et enfin sur les relations de travail tendues entre la requérante et sa hiérarchie directe.
5. Il ressort des pièces du dossier, en particulier du rapport de l'enquête administrative de la direction des affaires culturelles de Nîmes réalisée à la fin de l'année 2017 et des différents courriers et attestations produits que, si la prise de poste de Mme C... est intervenue dans un contexte difficile du fait de la préexistence au sein du conservatoire de dysfonctionnements non résolus par les précédentes directions, et que celle-ci a oeuvré pour améliorer le fonctionnement et la gestion de l'institution, elle a toutefois également entretenu des relations très conflictuelles tant avec certains enseignants et agents administratifs qu'avec sa propre hiérarchie et a fait preuve d'un comportement inadapté, ayant été qualifiée par un certain nombre de ses collaborateurs de " colérique ", " lunatique ", " autoritariste " et " intimidante ", et de méthodes et pratiques de management inappropriées, caractérisées par des prises de décisions unilatérales précipitées et une absence récurrente de communication, de dialogue et de concertation. L'ensemble de ces agissements dont la matérialité est établie a, ainsi que l'ont retenu à juste titre les premiers juges, conduit à l'instauration d'un climat de forte tension, voire d'angoisse, au sein du conservatoire, non seulement avec les enseignants mais également avec les personnels administratifs et une partie des parents d'élèves, et à la dégradation du fonctionnement et de l'image de l'établissement. Par suite, ces faits ont présenté un caractère suffisant de vraisemblance et de gravité de nature à justifier la mesure conservatoire de suspension contestée, qui a été prononcée afin de préserver l'intérêt du service et non à titre disciplinaire.
6. Il résulte de ce qui précède que Mme C... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 28 septembre 2017.
Sur le changement d'affectation :
7. Il ressort des pièces du dossier que, par courrier déposé le 26 janvier 2018 dans la boite à lettres du domicile de Mme C... par deux agents de police judiciaire adjoints à la suite du refus de celle-ci de le réceptionner en mains propres, la commune de Nîmes a informé l'intéressée de son intention de procéder, à la suite de l'enquête administrative menée par ses services, à son changement d'affectation dans l'intérêt du service, aux motifs, tels que précédemment détaillés au point 4, de la détérioration du climat social au sein du conservatoire et de l'image de celui-ci et de l'entretien de relations tendues avec sa hiérarchie. Cette lettre a également informé Mme C... de l'intervention d'un avis du comité technique sur le poste sur lequel elle serait affectée le 19 janvier 2018, de la saisine, avec une réunion prévue le 1er février 2018, de la commission administrative paritaire, et de sa convocation le 30 janvier 2018 pour prendre connaissance de son dossier et présenter ses observations en étant assistée le cas échéant d'un défenseur de son choix. Il ressort également des pièces du dossier, et notamment de la fiche des missions confiées à Mme C... à l'occasion de son changement d'affectation sur le poste de chargée de mission pratiques culturelles et nouveau conservatoire, que celle-ci a ainsi été chargée d'assurer la maîtrise d'ouvrage du projet de transfert du conservatoire sur le site des Carmes en intégrant une réflexion sur la fonction de cohésion territoriale, de mener une réflexion sur l'évolution des pratiques culturelles des usagers et des non usagers et d'analyser et suivre ces pratiques culturelles.
8. Un tel changement d'affectation portant modification de la situation, des attributions et responsabilités professionnelles de Mme C... constitue une mesure prise en considération de la personne qui ne pouvait légalement intervenir sans que l'intéressée ait été mise à même de demander la communication de son dossier, ainsi que cela a été fait par le courrier du 26 janvier 2018 ci-dessus mentionné.
9. En premier lieu, le délai de 48 heures laissé à Mme C... entre la mise à disposition de son dossier le 30 janvier 2018 et l'intervention de la décision contestée n'était en lui-même de nature à porter atteinte ni aux droits de la défense, ni au principe du contradictoire, l'intéressée n'apportant, au demeurant, aucune précision ni aucun élément de nature à caractériser l'existence en l'espèce d'une telle atteinte.
10. En deuxième lieu, l'article 52 de la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale dispose que : " L'autorité territoriale procède aux mouvements des fonctionnaires au sein de la collectivité ou de l'établissement ; seules les mutations comportant changement de résidence ou modification de la situation des intéressés sont soumises à l'avis des commissions administratives paritaires (...) ".
11. Il ressort des pièces du dossier, d'une part, que Mme C... a été préalablement informée par le courrier du 26 janvier 2018 de la saisine de la commission administrative paritaire, de la tenue de la réunion de celle-ci le 1er février 2018 et de la possibilité de consulter son dossier le 30 janvier 2018, ainsi que cela a été exposé au point 7, et, d'autre part, que cette commission s'est effectivement réunie le 1er février 2018 et a émis un avis favorable, à la majorité, au changement d'affectation dans l'intérêt du service de l'intéressée. Cet avis, produit dans le cadre de la présente procédure, n'avait pas à être joint à la décision contestée. Dans ces conditions, c'est à bon droit que les premiers juges ont retenu que la requérante n'était pas fondée à soutenir que la décision contestée était intervenue au terme d'une procédure irrégulière en méconnaissance des dispositions précitées de l'article 52 de la loi du 26 janvier 1984.
12. En troisième lieu, le moyen tiré de l'existence d'un vice de procédure relatif à la création du poste de chargé de mission sur lequel Mme C... a été affectée doit être écarté par adoption des motifs retenus à bon droit par le tribunal aux points 8 et 9 de son jugement, dès lors que la requérante reprend, sans apporter d'élément nouveau ou déterminant, l'argumentation soumise aux premiers juges qui y ont exactement répondu.
13. En quatrième lieu, il ressort des pièces du dossier que la décision portant changement d'affectation de Mme C..., bien que prise en considération de son comportement et ayant entraîné une modification de sa situation professionnelle, n'a pas procédé de la volonté de la sanctionner mais, eu égard à la situation qui a été rappelée au point 5, a été prise dans le but de mettre un terme aux graves dysfonctionnements constatés dans le service. En outre, cette modification des attributions professionnelles de Mme C... n'était pas de nature à entraver sa carrière. Par suite, c'est à bon droit que les premiers juges ont retenu que Mme C... n'était pas fondée à soutenir que la décision en litige présenterait le caractère d'une sanction déguisée.
14. Enfin, le moyen tiré de la violation du principe non bis in idem doit en tout état de cause être écarté en l'absence de sanction infligée à Mme C..., eu égard à ce qui a été exposé aux points 5 et 13.
15. Il résulte de tout ce qui précède que, sans qu'il soit besoin d'examiner la fin de non-recevoir opposée par la commune à la demande présentée devant le tribunal, Mme C... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Nîmes a également rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 1er février 2018. Par voie de conséquence, ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être également rejetées. Il y a lieu, en revanche, de mettre à sa charge une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par la commune de Nîmes et non compris dans les dépens.
D É C I D E :
Article 1er : Les requêtes de Mme C... sont rejetées.
Article 2 : Mme C... versera à la commune de Nîmes une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... C... et à la commune de Nîmes.
Délibéré après l'audience du 26 novembre 2020, où siégeaient :
- M. Alfonsi, président de chambre,
- Mme F..., présidente assesseure,
- Mme G..., première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le, le 10 décembre 2020.
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N° 19MA03445 et 19MA03447