Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 7 juin 2019 et le 3 août 2020, l'ONIAM, représenté par la SELARL De La Grange et Fitoussi Avocats, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Marseille du 8 avril2019 ;
2°) de condamner solidairement le centre hospitalier d'Aix-en-Provence et la SHAM à lui verser les sommes :
- de 95 469,47 euros en remboursement des indemnités versées à Mme E... ainsi que les intérêts au taux légal à compter du 2 février 2012 sur la somme de 12 811 euros et à compter du 22 octobre 2013 sur la somme de 82 658,47 euros ;
- de 14 320,42 euros au titre de la pénalité prévue par les dispositions de l'article L. 1142-15 du code de la santé publique ;
- de 700 euros correspondant aux frais d'expertise ;
3°) de mettre à la charge du centre hospitalier d'Aix-en-Provence et de la SHAM la somme de 5 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- la responsabilité du centre hospitalier d'Aix-en-Provence est engagée pour faute en raison d'un étirement du plexus brachial lors d'une mauvaise position ou d'une manipulation au cours de l'intervention ;
- la faute est révélée par la seule constatation du déficit neurologique en l'absence d'autre cause ;
- il appartient à l'établissement de soins d'établir que le patient présentait une prédisposition anatomique rendant inévitable la survenance de l'atteinte neurologique ;
- il est fondé à engager un recours subrogatoire en application de l'article L. 1142-15 du code de la santé publique.
Par des mémoires en défense, enregistrés le 5 février 2020 et le 16 juillet 2020, le centre hospitalier d'Aix-en-Provence et la SHAM, représentés par Me C..., concluent au rejet de la requête et des conclusions présentées par la CPAM de Vaucluse.
Ils soutiennent que :
- l'intervention pratiquée ne relève pas des actes médicaux courants et bénins pour lesquels il est admis qu'une faute peut être révélée par l'anormalité ou la disproportion des conséquences de l'acte chirurgical ;
- toutes les précautions ont été prises pour éviter d'éventuelles complications nerveuses ;
- l'intervention s'est déroulée dans les règles de l'art ;
- la pénalité fixée par l'article L. 1142-15 du code de la santé publique n'est pas justifiée ;
- à défaut, les indemnités demandées par l'ONIAM doivent être ramenées à de plus justes proportions ;
- les frais de rééducation dont le remboursement est demandé par la CPAM de Vaucluse sont en lien avec la pathologie initiale.
Par un mémoire en défense, enregistré le 4 mars 2020, la CPAM de Vaucluse, représenté par Me A..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Marseille du 8 avril 2019 ;
2°) de condamner le centre hospitalier d'Aix-en-Provence à lui verser les sommes de 38 286,72 euros au titre des débours ainsi que les intérêts au taux légal à compter du 27 juin 2017 et de 1 091 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion ;
3°) de mettre à la charge du centre hospitalier d'Aix-en-Provence la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- l'établissement de soins a commis une faute en raison d'une compression nerveuse en lien avec une mauvaise position ou une mauvaise manipulation au cours de l'intervention susceptible d'engager sa responsabilité ;
- la patiente n'avait pas d'antécédent neurologique pouvant favoriser une atteinte du plexus brachial ni de déficit du membre supérieur gauche ;
- elle est fondée à demander le remboursement des dépenses de santé versées pour le compte de son assurée sociale.
La requête a été communiquée à la section MNH de sécurité sociale de Vaucluse, au centre hospitalier intercommunal de Cavaillon-Lauris et à la Caisse des dépôts et consignations qui n'ont pas produit de mémoire.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de la santé publique ;
- le code de la sécurité sociale ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme H...,
- les conclusions de M. Gautron, rapporteur public,
- et les observations de Me F... substituant Me C..., représentant le centre hospitalier d'Aix-en-Provence et la SHAM.
Considérant ce qui suit :
1. Estimant que l'atteinte du plexus brachial gauche dont a été victime Mme E... est imputable à une faute commise lors de l'intervention chirurgicale qu'elle a subie le 21 juillet 2006 au centre hospitalier d'Aix-en-Provence, l'ONIAM a demandé à cet établissement de soins de lui rembourser la somme de 95 469,47 euros qu'il a versée à l'intéressée sur le fondement des dispositions de l'article L. 1142-15 du code de la santé publique. Il relève appel du jugement du 8 avril 2019 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à la condamnation du centre hospitalier et de son assureur, la SHAM, à lui payer cette somme ainsi que les sommes de 14 320,42 euros au titre de la pénalité de 15 % prévue par les dispositions de l'article L. 1142-15 du code de la santé publique et de 700 euros au titre des frais d'expertise. La CPAM de Vaucluse relève également appel de ce jugement en tant que par celui-ci le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à la condamnation de l'établissement de soins à lui verser les sommes de 38 286,72 euros au titre des débours et de 1 066 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion.
2. Il résulte des dispositions de l'article L. 1142-15 du code de la santé publique que lorsque l'ONIAM s'est substitué à la personne responsable du dommage et que la victime a accepté son offre d'indemnisation, l'office est subrogé dans les droits de la victime à concurrence des sommes versées et est ainsi investi, dans cette limite, de tous les droits et actions que le subrogeant pouvait exercer. Si l'offre ainsi acceptée vaut transaction opposable au responsable du dommage ou à son assureur, ces derniers disposent de la faculté de contester devant le juge tant le principe que le montant des indemnités allouées à la victime. Il incombe au juge, saisi d'une action de l'ONIAM subrogé, à l'issue d'une transaction, dans les droits d'une victime à concurrence des sommes qu'il lui a versées, de déterminer si la responsabilité du professionnel ou de l'établissement de santé est engagée et, dans l'affirmative, d'évaluer les préjudices subis afin de fixer le montant des indemnités dues à l'office. Lorsqu'il procède à cette évaluation, le juge n'est pas lié par le contenu de la transaction intervenue entre l'ONIAM et la victime.
3. Le I de l'article L. 11421 du code de la santé publique prévoit que la responsabilité de tout établissement, service ou organisme dans lesquels sont réalisés des actes individuels de prévention, de diagnostic ou de soins peut être engagée en cas de faute.
4. Il résulte de l'instruction, et notamment du rapport de l'expertise diligentée par la commission régionale de conciliation et d'indemnisation des accidents médicaux Provence Alpes Côte-d'Azur, que malgré la mise en place de toutes les précautions afin d'éviter une compression nerveuse, Mme E... a présenté à la suite de l'intervention pratiquée au centre hospitalier d'Aix-en-Provence une paralysie partielle du plexus brachial gauche.
5. L'expert, dont les conclusions à cet égard ne sont pas utilement contredites par la production par l'ONIAM d'un article de littérature médicale non daté, précise seulement que la paralysie a été vraisemblablement causée par un étirement du plexus brachial lors d'une mauvaise position ou d'une manipulation au cours de l'opération compte tenu de la position de la patiente installée en décubitus dorsal avec le bras droit à 90 degrés et le bras gauche à 45 degrés, sans toutefois retenir de faute dans la conduite de l'intervention chirurgicale, dont il a expressément relevé qu'elle avait été effectuée selon les règles de l'art et que toutes les précautions avaient été prises pour éviter une éventuelle compression nerveuse.
6. Si, comme le soutient l'ONIAM, l'apparition du déficit neurologique dans les suites immédiates de l'intervention permet d'admettre que ces troubles présentent un lien avec cette intervention, une telle circonstance ne peut toutefois, à elle seule, suffire à démontrer qu'une faute est à l'origine de ce déficit dès lors que, contrairement à ce qui semble être soutenu, un régime de présomption de faute n'est pas applicable en l'espèce. Il y a lieu, dans ces conditions, d'admettre, ainsi que le tribunal l'a retenu à bon droit, qu'aucune faute médicale de nature à engager sa responsabilité ne peut être retenue à l'encontre du centre hospitalier d'Aix-en-Provence.
7. Il résulte de tout ce qui précède que l'ONIAM et la CPAM de Vaucluse ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté leurs demandes.
8. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge du centre hospitalier d'Aix-en-Provence et de la SHAM, qui ne sont pas, dans la présente instance, les parties perdantes, les sommes que l'ONIAM et la CPAM de Vaucluse demandent au titre des frais non compris dans les dépens qu'il a exposés.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de l'ONIAM et les conclusions de la CPAM de Vaucluse, y compris celles présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, sont rejetées.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales, au centre hospitalier d'Aix-en-Provence, à la société hospitalière d'assurances mutuelles, à la section MNH de sécurité sociale de Vaucluse, à la caisse primaire d'assurance maladie de Vaucluse, au centre hospitalier intercommunal de Cavaillon-Lauris et à la caisse des dépôts et consignations.
Délibéré après l'audience du 22 octobre 2020 où siégeaient :
- M. Alfonsi, président de chambre,
- Mme G..., présidente-assesseure,
- Mme H..., première conseillère.
Lu en audience publique, le 12 novembre 2020.
La rapporteure,
signé
A. H...Le président,
signé
J.-F. ALFONSI
La greffière,
signé
M. D...
La République mande et ordonne au ministre des solidarités et de la santé en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition,
La greffière,
6
N° 19MA02590
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