Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire enregistrés le 6 août 2019 et le 16 janvier 2020, M. E..., représenté par Me B..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Montpellier ;
2°) de désigner un expert afin d'établir et d'évaluer les préjudices qui ont résulté de la chute dont il a été victime ;
3°) en toute hypothèse, de condamner le département des Pyrénées-Orientales à lui verser la somme de 58 625 euros, assortie des intérêts au taux légal et de la capitalisation de ces intérêts à compter de la date de sa demande indemnitaire préalable ;
4°) de mettre à la charge du département des Pyrénées-Orientales la somme de 2 000 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- le jugement attaqué est insuffisamment motivé ;
- la voirie était grevée de multiples excavations d'au moins cinq centimètres, caractérisant un défaut d'entretien normal de l'ouvrage ;
- ce défaut d'entretien normal est directement à l'origine de sa chute, de sorte que la responsabilité du département des Pyrénées-Orientales est engagée à son égard ;
- aucune faute de nature à exonérer le département de sa responsabilité ne peut lui être reprochée ;
- son déficit fonctionnel permanent, les souffrances qu'il a endurées et son préjudice esthétique seront justement évaluées aux sommes respectives de 40 625 euros, 10 000 euros et 8 000 euros.
Par un mémoire enregistré le 3 décembre 2019, le département des Pyrénées-Orientales, représenté par Me F..., conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 3 000 euros soit mise à la charge de M. E... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- la preuve de la matérialité des faits n'est pas rapportée ;
- la portion de voirie sur laquelle la victime prétend avoir chuté était normalement entretenue ;
- à titre subsidiaire, l'imprudence de M. E... est constitutive d'une faute l'exonérant d'une partie de sa responsabilité ;
- en tout état de cause, les préjudices invoqués ne sont pas établis ou bien sont surévalués.
Par un mémoire enregistré le 10 décembre 2019, la commune de Canet-en-Roussillon, représentée par Me D..., conclut au rejet des conclusions présentées à son encontre.
Elle soutient que :
- la portion de voie sur laquelle M. E... prétend avoir chuté appartient au département ;
- à titre subsidiaire, la preuve de la matérialité des faits n'est pas rapportée et l'ouvrage a été normalement entretenu ;
- en tout état de cause, la faute de la victime est de nature à exonérer totalement la collectivité responsable.
La requête a été communiquée à la caisse primaire d'assurance maladie de la Haute-Garonne, qui n'a pas produit de mémoire avant l'audience.
M. E... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du 29 novembre 2019.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code général de la propriété des personnes publiques ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. C...,
- les conclusions de M. Gautron, rapporteur public,
- et les observations de Me G..., représentant le département des Pyrénées-Orientales.
Une note en délibéré présentée pour la caisse primaire d'assurance maladie de la Haute-Garonne a été enregistrée le 13 octobre 2020.
Considérant ce qui suit :
1. Le 30 juin 2013, M. E..., qui circulait à vélo à Canet-en-Roussillon, le long de la voie longeant la départementale 617, a chuté alors qu'il s'engageait sur la route en direction de Villelongue-de-la-Salanque. Il relève appel du jugement du 6 juin 2019 par lequel le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande tendant à la condamnation du département des Pyrénées-Orientales à l'indemniser des conséquences dommageables de cet accident.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Les premiers juges, qui n'étaient pas tenus de répondre à l'ensemble des arguments présentés au soutien des moyens soulevés, ont exposé avec suffisamment de précision les raisons pour lesquelles ils ont jugé que l'accident de M. E... n'était imputable qu'à son imprudence. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisante motivation du jugement attaqué doit être écarté.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
3. Il appartient à l'usager, victime d'un dommage survenu sur un ouvrage public, de rapporter la preuve du lien de causalité entre l'ouvrage public et le dommage dont il se plaint. La collectivité en charge de l'ouvrage public doit alors, pour que sa responsabilité ne soit pas retenue, établir que l'ouvrage public faisait l'objet d'un entretien normal ou que le dommage est imputable à la faute de la victime ou à un cas de force majeure.
4. Pour établir qu'il a chuté à cause d'une excavation de la voie qu'il empruntait, M. E... ne produit que le rapport d'intervention des sapeurs-pompiers qui l'ont secouru, qui indique que l'intéressé a été retrouvé à Canet-en-Rousillon sur la route départementale 11, et des clichés photographiques de l'intersection entre la voie longeant la départementale 617 et la jonction vers la départementale 617B. Les attestations qu'il verse à l'instruction, établies par des proches n'ayant pas été témoin de sa chute, ne permettent pas davantage de corroborer ses allégations. Dès lors, M. E... n'apporte pas la preuve, qui lui incombe, que sa chute serait survenue dans les circonstances qu'il expose.
5. En tout état de cause, il résulte des photographies versées à l'instruction par le requérant que si la voie qu'il a empruntée est effectivement grevée de plusieurs excavations, ces défectuosités sont situées pour la plupart sur la bande de circulation voisine de celle sur laquelle l'intéressé allègue avoir circulé. En outre, la trajectoire qu'il prétend avoir suivie nécessitait d'effectuer un virage serré afin de franchir une route fréquentée et d'adopter, en conséquence, une allure réduite. Ainsi, et alors qu'il faisait plein jour, ces excavations pouvaient être évitées sans difficulté par un cycliste normalement attentif et prudent. Dans ces conditions, et en admettant même que l'accident se serait produit dans les circonstances décrites par M. E..., c'est à bon droit que le tribunal a retenu que la chute dont il a été victime devait être regardée comme exclusivement imputable à une faute de sa part.
6. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de désigner un expert, que M. E... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.
Sur les frais liés au litige :
7. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge du département des Pyrénées-Orientales, qui n'est pas la partie tenue aux dépens dans la présente instance, tout ou partie des frais que M. E... a exposés et non compris dans ces dépens. Dans les circonstances de 1'espèce, il n'y a pas lieu de mettre à la charge de celui-ci les sommes que demande le département à ce même titre.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de M. E... est rejetée.
Article 2 : Les conclusions présentées par le département des Pyrénées-Orientales sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... E..., au département des Pyrénées-Orientales, à la commune de Canet-en-Roussillon et à la caisse primaire d'assurance maladie de la Haute-Garonne.
Délibéré après l'audience du 8 octobre 2020 à laquelle siégeaient :
- M. Alfonsi, président,
- Mme H..., première conseillère,
- M. C..., conseiller.
Lu en audience publique, le 22 octobre 2020.
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N° 19MA03722