Par un jugement n° 1604331 du 8 janvier 2019, le tribunal administratif de Nice a condamné solidairement le CHU de Nice et la SHAM à verser à la succession de Mme E... B... la somme de 700 euros au titre de la réparation des préjudices propres de celle-ci, sous déduction de la provision versée, à M. I...-C... B..., en son nom propre et en qualité de représentant légal de son fils mineur M. C... B..., les sommes respectives de 61 437,43 euros et de 47 918,90 euros, à Mme A... B... la somme de 18 723,14 euros et à la caisse des dépôts et consignations la somme de 101 004,34 euros assortie des intérêts au taux légal à compter de la date de ce jugement, et sous déduction de la provision versée.
Procédure devant la cour :
Par une requête et des mémoires enregistrés les 15 mars, 15 avril, 20 novembre et 2 décembre 2019, le CHU de Nice et la SHAM, représentés par Me F..., demandent à la Cour, dans le dernier état de leurs écritures :
1°) de réformer le jugement du tribunal administratif de Nice du 8 janvier 2019 en ce que ce jugement les a solidairement condamnés à verser des indemnités aux ayants droit de Mme E... B... au titre du préjudice économique du foyer ;
2°) de rejeter les conclusions présentées par les consorts B... à ce titre devant le tribunal ainsi que leurs conclusions incidentes.
Ils soutiennent que :
- le jugement est insuffisamment motivé ;
- M. C... B... devenu majeur ne peut plus être représenté par son père ;
- l'appel incident concernant les préjudices propres de Mme E... B... est irrecevable en ce qu'il soulève un litige distinct ;
- l'indication de l'intervention chirurgicale n'était pas fautive ;
- les ayants droit de Mme E... B... n'ont pas subi de préjudice économique ;
- les conclusions incidentes ne sont pas fondées ;
- à titre subsidiaire, les premiers juges ont statué ultra petita en ce qui concerne les préjudices économiques de Mme A... B... et de M. C... B... ;
- très subsidiairement, il appartenait aux premiers juges de faire usage de leurs pouvoirs d'instruction et de demander aux requérants de justifier qu'aucun capital décès n'avait été versé aux enfants de Mme E... B....
Par des mémoires en défense enregistrés les 15 mai et 27 novembre 2019, M. G... B..., agissant en son nom propre et en qualité de représentant légal de son fils mineur M. C... B... et Mme A... B..., représentés par Me D..., demandent à la cour, dans le dernier état de leurs écritures :
1°) de rejeter la requête ;
2°) de réformer le jugement du tribunal administratif de Nice du 8 janvier 2019 en ce qu'il a limité la condamnation solidaire du CHU de Nice et de la SHAM à la somme de 700 euros au titre de la réparation des préjudices propres de Mme E... B... et de porter cette condamnation à la somme de 10 350 euros ;
3°) de réformer le même jugement en tant qu'il a fixé à 61 437,43 euros le préjudice économique de M. I...-C... B..., et de fixer le montant de cette indemnité à 54 666,87 euros ;
4°) par la voie de l'appel incident, de réformer ce jugement en tant qu'il a limité l'indemnité à laquelle le CHU de Nice et la SHAM ont été solidairement condamnés au titre du préjudice économique de Mme A... B... à la somme de 18 723,14 euros et de porter le montant de cette indemnité à 19 590,25 euros ;
5°) de mettre à la charge solidaire du CHU de Nice et de la SHAM une somme de 2 500 euros à verser à chacun d'entre eux, soit une somme totale de 7 500 euros, au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
6°) de déclarer commun l'arrêt à intervenir à la caisse nationale de retraite des agents des collectivités territoriales et à la caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) du Var.
Ils soutiennent que :
- M. C... B... est encore mineur ;
- les moyens soulevés par le CHU de Nice et la SHAM ne sont pas fondés ;
- l'indemnisation du déficit fonctionnel temporaire total et du préjudice esthétique de Mme E... B... doit être fixée aux montants respectifs de 350 et 10 000 euros ;
- s'agissant du préjudice économique du foyer, le revenu moyen de Mme E... B... dont il doit être tenu compte est le traitement qu'elle a perçu durant l'année 2010 qui s'élève à la somme de 15145 euros et le taux de dépenses personnelles doit être évalué à 15% ;
- le préjudice économique de M. C... B... tel qu'évalué par le tribunal doit être confirmé, tandis que celui de M. I...-C... B... doit être abaissé et celui de Mme A... B... rehaussé.
Par un mémoire enregistré le 27 août 2019, la caisse des dépôts et consignations, agissant au nom de la caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales, conclut à la confirmation du jugement en toutes ses dispositions la concernant et à la mise à la charge solidaire du CHU de Nice et de la SHAM d'une somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
La requête a été communiquée à la caisse primaire d'assurance maladie du Var qui n'a pas produit de mémoire.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de la santé publique ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme H...,
- et les conclusions de M. Gautron, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. Le CHU de Nice et la SHAM relèvent appel du jugement du tribunal administratif de Nice du 8 janvier 2019 en ce que ce jugement les a solidairement condamnés à verser aux ayants droit de Mme E... B..., décédée le 8 mars 2012, à savoir son mari, M. I...-C... B..., en son nom propre et en qualité de représentant légal de son fils mineur M. C... B... et sa fille, Mme A... B..., des indemnités au titre du préjudice économique du foyer. M. G... B..., agissant en son nom propre et en qualité de représentant légal de son fils M. C... B..., et Mme A... B..., demandent à la cour de porter l'indemnisation du déficit fonctionnel temporaire total et du préjudice esthétique de Mme E... B... aux montants respectifs de 350 et 10 000 euros, de fixer le montant de l'indemnité accordée à M. I...-C... B... en son nom propre au titre du préjudice économique à la somme de 54 666,87 euros et, par la voie de l'appel incident, de porter l'indemnité accordée à Mme A... B... au même titre à la somme de 19 590,25 euros.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Le moyen tiré de l'insuffisante motivation du jugement attaqué n'est pas assorti des précisions permettant d'en apprécier le bien-fondé et doit, dès lors, être écarté.
Sur la fin de non-recevoir opposée par les requérants aux conclusions des consorts B... relatives aux préjudices subis par Mme E... B... :
3. Les conclusions présentées devant la cour par le CHU de Nice et la SHAM sont relatives aux préjudices économiques des ayants droit de Mme B.... Les conclusions présentées par les consorts B... relatives aux préjudices subis par Mme E... B... soulèvent un litige distinct de celui qui fait l'objet de l'appel du CHU de Nice et de la SHAM. Elles ne sont pas constitutives d'un appel incident mais d'un appel principal qui, enregistré après l'expiration du délai d'appel, est tardif et, par suite, irrecevable.
Sur la responsabilité :
4. Il résulte de l'instruction, notamment des éléments de l'expertise diligentée par la commission régionale de conciliation et d'indemnisation des accidents médicaux (CRCI) Provence Alpes Côte-d'Azur, et il n'est au demeurant pas contesté qu'ainsi que l'ont retenu les premiers juges, l'indication de l'intervention chirurgicale de " sleeve gastrectomie itérative ", réalisée sur Mme E... B... le 20 février 2012 au CHU de Nice dans le cadre du traitement de son obésité morbide, n'était pas appropriée compte tenu de ses lourds antécédents d'insuffisance respiratoire chronique pouvant laisser présager d'importantes complications respiratoires des suites d'une telle intervention et a constitué une faute de nature à engager la responsabilité de cet établissement.
Sur les préjudices économiques des consorts B... :
5. Le préjudice économique subi par une personne du fait du décès de son conjoint est constitué par la perte des revenus de la victime qui étaient consacrés à son entretien, compte tenu, le cas échéant, de ses propres revenus et déduction faite des prestations reçues en compensation. Le préjudice est établi par référence à un pourcentage des revenus de la victime affectés à l'entretien de la famille. En outre, l'indemnité allouée aux enfants de la victime décédée est déterminée en tenant compte de la perte de la fraction des revenus de leur parent décédé qui aurait été consacrée à leur entretien jusqu'à ce qu'ils aient atteint au plus l'âge de 25 ans.
6. Il résulte de l'instruction, notamment des avis d'imposition au titre des revenus des années 2010 et 2011 produits que, si Mme B... a perçu en 2010 15 145 euros, ses revenus annuels s'élevaient, avant son décès, à 12 933 euros et ceux du foyer à 30 032 euros. Il convient donc de retenir ces derniers revenus et d'en déduire, dès lors que le foyer comportait deux enfants mineurs, 20 % pour la part de consommation personnelle de Mme B..., soit un solde de 24 025,60 euros, puis de déduire de ce solde les revenus annuels de M. B..., soit 17 099 euros. La somme restante de 6 926,60 euros constitue la perte patrimoniale annuelle des ayants droit de Mme E... B... à répartir à hauteur d'une part de 20 % pour chacun des deux enfants du couple et de 60 % pour le conjoint survivant.
7. Pour la période allant du 8 mars 2012, date du décès de Mme B..., au 28 janvier 2021, date de lecture du présent arrêt, soit 3 248 jours, la perte de revenus du foyer s'est élevée à la somme de 61 595,06 euros dont 36 957,04 euros pour M. I...-C... B..., et 12 319,01 euros pour chaque enfant.
8. Pour la période postérieure à la date de lecture du présent arrêt, il y a lieu de convertir la perte annuelle de 6 926,20 euros en capital et de lui appliquer, compte tenu de l'âge qu'aurait eu Mme E... B... à cette date, un coefficient de capitalisation de 36,080 en application du barème de la gazette du palais publié en 2020, soit un capital de 249 911,73 euros.
9. Pour cette même période, le préjudice de Mme A... B..., née le 14 avril 1997, correspond à la part de 20 % de perte annuelle, soit 1 385,32 euros convertie en capital jusqu'à son 25ème anniversaire après application, compte tenu de l'âge de l'intéressée à la date de lecture du présent arrêt, d'un coefficient de 1,999 selon le barème de la gazette du palais publié en 2020, soit 2 769,25 euros. Le préjudice de M. C... B..., né le 27 février 2006, et donc toujours mineur à la date du présent arrêt contrairement à ce que soutiennent les requérants, correspond à cette même part de 20 % de perte annuelle, soit 1 385,32 euros convertie en capital jusqu'à son 25ème anniversaire après application, compte tenu de l'âge de l'intéressé à la date de lecture du présent arrêt, d'un coefficient de 10,977 selon le barème de la gazette du palais publié en 2020, soit 15 206,66 euros.
10. Le préjudice économique total de M. I...-C... B..., calculé à partir des sommes de 36 957,04 euros et de 249 911,73 euros mentionnés aux points 7 et 8, soit un total de 286 868,77 euros, est obtenu après soustraction des montants revenant aux enfants pour la période postérieure à la date de lecture du présent arrêt tels que déterminés au point 9, soit 2 769,25 euros et 15 206,66 euros, et du montant de la pension de réversion capitalisée versé à l'intéressé, soit 88 203,45 euros, et s'élève à 180 689,41 euros. Toutefois, le montant de l'indemnité réparant le préjudice économique de M. I...-C... B... ayant été limité, dans le dernier état des écritures des consorts B..., à la somme de 54 666,87 euros, la condamnation solidaire du CHU de Nice et de la SHAM à ce titre doit être limitée à cette dernière somme.
11. Le préjudice économique total de Mme A... B..., calculé à partir des sommes de 12 319,01 euros et de 2 769,25 euros mentionnés aux points 7 et 9, soit 15 088,26 euros, est obtenu après soustraction du montant de la pension temporaire d'orphelin capitalisée perçu soit 3 081,98 euros, et s'élève donc à 12 006,29 euros. Le CHU de Nice et la SHAM sont donc fondés à demander que le montant de l'indemnité qu'ils doivent être solidairement condamnés à verser au titre du préjudice économique de Mme A... B... soit ramené à cette somme de 12 006,29 euros, qui n'est pas supérieure au montant sollicité à ce titre par les consorts B... dans le dernier état de leurs écritures. Cette somme sera versée sous déduction éventuelle du montant accordé à Mme A... B... au titre d'un capital décès, dont il appartiendra à l'intéressée de justifier, le cas échéant, auprès du CHU de Nice et de la SHAM.
12. Le préjudice économique total de M. C... B..., calculé à partir des sommes de 12 319,01 euros et de 15 206,66 euros mentionnés aux points 7 et 9, soit 27 525,67 euros, est obtenu après soustraction du montant de la pension temporaire d'orphelin capitalisée perçu soit 9 718,91 euros, et s'élève donc à 17 806,76 euros. Le CHU de Nice et la SHAM sont donc fondés à demander que le montant de l'indemnité qu'ils doivent être solidairement condamnés à verser au titre du préjudice économique de M. C... B... soit ramené à cette somme de 17 806,76 euros, qui n'est pas supérieure au montant sollicité à ce titre par les consorts B..., qui n'ont pas formé d'appel incident sur ce point, devant le tribunal. Cette somme sera versée sous déduction éventuelle du montant accordé à M. C... B... au titre d'un capital décès, dont il appartiendra à lui-même ou à son représentant légal de justifier, le cas échéant, auprès du CHU de Nice et de la SHAM.
13. Il résulte de tout ce qui précède que le CHU de Nice et la SHAM sont seulement fondés à demander que leur condamnation au titre du préjudice économique des consorts B... soit ramenée à la somme de 54 666,87 euros pour M. I...-C... B... en son nom propre, de 17 806,76 euros pour M. I...-C... B... agissant en qualité de représentant légal de son fils mineur M. C... B... et de 12 006,29 euros pour Mme A... B..., sous les réserves énoncées aux points 11 et 12 pour ces deux dernières sommes. Les conclusions des consorts B..., y compris leurs conclusions incidentes ainsi que celles présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, doivent être rejetées. Doivent l'être également les conclusions de la caisse des dépôts et consignations présentées sur le fondement des mêmes dispositions.
D É C I D E :
Article 1er : Les condamnations solidaires du CHU de Nice et de la SHAM au titre des préjudices économiques des consorts B... sont ramenées, pour M. I...-C... B... en son nom propre, à la somme de 54 666,87 euros, et en qualité de représentant légal de son fils mineur M. C... B..., à la somme de 17 806,76 euros, et pour Mme A... B..., à la somme de 12 006,29 euros, sous déduction éventuelle, s'agissant de ces deux dernières sommes, des montants accordés à M. C... B... et à Mme A... B... au titre d'un capital décès, dont il appartiendra aux intéressés de justifier, le cas échéant, auprès du CHU de Nice et de la SHAM.
Article 2 : Les articles 2 et 3 du jugement du tribunal administratif de Nice du 8 janvier 2019 sont réformés en ce qu'ils ont de contraire au présent arrêt.
Article 3 : Les conclusions des consorts B..., y compris celles présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, sont rejetées.
Article 4 : Les conclusions présentées par la caisse des dépôts et consignations présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié au centre hospitalier universitaire de Nice, à la société hospitalière d'assurances mutuelles à M. I...-C... B..., à Mme A... B..., à la caisse des dépôts et consignations, et à la caisse primaire d'assurance maladie du Var.
Délibéré après l'audience du 14 janvier 2021, où siégeaient :
- M. Alfonsi, président de chambre,
- Mme H..., présidente assesseure,
- M. Sanson, conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 28 janvier 2021.
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N° 19MA01189
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