Procédure contentieuse devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 30 octobre 2014, MmeD..., représentée par Me A..., demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1401272 du 12 juin 2014 du tribunal administratif de Montpellier ;
2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté du 6 janvier 2014 du préfet de l'Hérault ;
3°) d'enjoindre au préfet, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour portant mention "vie privée et familiale" sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de la notification du présent arrêt, à titre subsidiaire, d'enjoindre au préfet de réexaminer sa demande dans un délai de deux mois sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, qui sera versée à Me A...en cas d'obtention de l'aide juridictionnelle en contrepartie de sa renonciation à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à la mission d'aide juridictionnelle.
Mme D...soutient que :
le jugement est irrégulier pour ne pas mentionner son mémoire du 25 avril 2014 qui développait deux moyens nouveaux ;
Sur le refus de titre de séjour :
ce refus méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article L. 313-11 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
elle remplit les conditions de l'article L. 313-11 7° pour se voir délivrer un titre de séjour "vie privée et familiale" ;
son mari ne pouvait pas demander le bénéfice du regroupement familial à son profit eu égard à la modicité de ses ressources ;
elle remplit aussi les conditions de la circulaire du 28 novembre 2012 du ministre de l'intérieur pour obtenir une admission exceptionnelle au séjour ;
le préfet, à défaut d'examiner sa situation au regard des critères de cette circulaire, n'a pas procédé à un examen sérieux de sa demande ;
elle justifie de motifs exceptionnels au sens de l'article L. 313-14 du même code ;
la commission du titre de séjour aurait dû être préalablement saisie ;
Sur l'obligation de quitter le territoire français :
le préfet s'est cru à tort tenu d'assortir son refus de titre de séjour d'une mesure d'éloignement ;
il s'est cru tenu de fixer le délai de départ volontaire à un mois.
Par un mémoire enregistré le 16 juillet 2015, le préfet de l'Hérault conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que les moyens de la requérante ne sont pas fondés.
Mme D...a été admise à l'aide juridictionnelle totale par décision du 30 septembre 2014.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- la circulaire NOR INTK1229185C du ministre de l'intérieur du 28 novembre 2012 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
A été entendu, au cours de l'audience publique :
- le rapport de MmeB..., première conseillère,
- et les observations de Me C...substituant Me A...pour MmeD....
Une note en délibéré présentée par Mme D...a été enregistrée le 8 janvier 2016.
1. Considérant que MmeD..., de nationalité tunisienne, a demandé au préfet de l'Hérault une carte de séjour au titre de sa vie privée et familiale ; qu'elle relève appel du jugement n° 1401272 du 12 juin 2014 par lequel le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 6 janvier 2014 par lequel le préfet l'Hérault a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français et a fixé le pays de destination ;
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Considérant que le jugement attaqué vise, contrairement à ce que soutient la requérante, son mémoire complémentaire enregistré le 25 avril 2014 au greffe du tribunal administratif ; que ce jugement répond aux deux moyens soulevés dans ce mémoire, à savoir dans son point 3 le défaut de motivation de la décision litigieuse et dans son point 5 l'état de santé de Mme D...; que, par suite, les premiers juges n'ont pas entaché leur jugement d'une omission de répondre à un moyen ; que dès lors, la requérante n'est pas fondée à soutenir que le jugement serait irrégulier pour ce motif ;
Sur les conclusions aux fins d'annulation :
En ce qui concerne le refus de titre de séjour :
3. Considérant en premier lieu qu'aux termes de l'article 7 quater de l'accord franco-tunisien : " Sans préjudice des dispositions du b et du d de l'article 7 ter, les ressortissants tunisiens bénéficient, dans les conditions prévues par la législation française, de la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale. " " ; qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 411-1 du même code : " Le ressortissant étranger qui séjourne régulièrement en France depuis au moins dix-huit mois, sous couvert d'un des titres d'une durée de validité d'au moins un an prévus par le présent code ou par des conventions internationales, peut demander à bénéficier de son droit à être rejoint, au titre du regroupement familial, par son conjoint, si ce dernier est âgé d'au moins dix-huit ans, et les enfants du couple mineurs de dix-huit ans. " ;
4. Considérant que Mme D...entre dans l'une des catégories susceptibles d'être admises au séjour au titre du regroupement familial en sa qualité de conjoint d'un ressortissant étranger séjournant régulièrement au moins depuis dix huit mois en France, dès lors que son mari est titulaire d'une carte de résident délivrée le 13 mars 2005 et valable jusqu'au 12 mars 2015 ; que, par suite, la requérante qui ne peut utilement faire valoir la modicité des ressources de son époux, n'est pas fondée à invoquer les dispositions précitées de l'article L. 313-11 7° pour se voir attribuer un titre de séjour sur ce fondement ;
5. Considérant en deuxième lieu qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui " ; qu'il appartient au préfet, saisi d'une demande de titre de séjour par un étranger en vue de régulariser sa situation, de vérifier que la décision de refus qu'il envisage de prendre ne comporte pas de conséquences d'une gravité exceptionnelle sur la situation personnelle de l'intéressé et n'est pas ainsi entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
6. Considérant que Mme D...est entrée en France le 18 novembre 2011, à l'âge de 69 ans, avec un visa de court séjour délivré par les autorités consulaires à Tunis, qui ne lui donne pas vocation à rester durablement en France ; qu'elle affirme ne plus avoir quitté le territoire national depuis cette date ; que, si elle soutient vivre avec son mari, qu'elle a épousé en 1966, elle ne conteste pas qu'elle a vécu séparée de ce dernier à partir de l'année 2000, date à laquelle son mari est venu travailler en France, jusqu'à sa propre entrée en France en 2011, soit pendant onze ans ; qu'elle ne peut faire valoir que la présence de son mari est indispensable à ses côtés pour effectuer des contrôles de sa glycémie et des injections d'insuline, dès lors qu'elle a suivi le protocole de soins de son diabète insulino-dépendant sans l'aide de ce dernier pendant ces onze années ; qu'elle n'établit pas ni même n'allègue qu'une aggravation brutale de son état de santé exigerait désormais cette présence à ses côtés et que son mari serait le seul à pouvoir lui apporter cette assistance ; que la circonstance que deux de ses quatre enfants majeurs et non à charge vivent régulièrement en France ne permet pas par elle-même d'établir qu'elle a transféré le centre de ses intérêts privés et familiaux en France ; qu'elle ne peut pas être dépourvue d'attache dans son pays d'origine où elle-même a vécu l'essentiel de sa vie jusqu'à l'âge de 69 ans et où vit une de ses filles, et qu'il n'est pas établi que sa fille ne s'occupait pas de sa mère avant son départ en France comme le prétend la requérante ; que Mme D...ne fait valoir aucune insertion dans la société française ; que, dès lors, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, notamment de la brièveté de son séjour en France, le moyen tiré de ce que le préfet aurait méconnu l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en lui refusant un titre de séjour a été écarté à bon droit par les premiers juges ; que, pour les mêmes motifs, le préfet n'a pas entaché sa décision d'erreur manifeste dans l'appréciation de la situation personnelle de la requérante ;
7. Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en tant qu'il est relatif à la délivrance d'un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 (...) peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 311-7 (...) " ; que les dispositions dérogatoires de cet article, qui permettent au préfet de délivrer un titre de séjour au regard d'une appréciation discrétionnaire de la situation de l'étranger même non pourvu d'un visa de long séjour, ne créent aucun droit au profit de l'intéressé ; que MmeD..., qui fait état de la présence en France de son époux et de deux de ses enfants majeurs en situation régulière et de la nécessité de la présence de son époux à ses côtés, n'établit pas par les pièces qu'elle produit que son admission au séjour répondrait à des considérations humanitaires ou se justifierait au regard de motifs exceptionnels au sens des dispositions précitées de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
8. Considérant, en quatrième lieu, que la requérante ne peut utilement invoquer, pour se prévaloir d'une vie privée et familiale suffisamment stable et ancienne, les dispositions de la circulaire du ministre de l'intérieur du 28 novembre 2012, qui ne comporte pas de lignes directrices, mais seulement des orientations générales que le ministre de l'intérieur a pu adresser aux préfets pour les éclairer dans la mise en oeuvre de leur pouvoir de régularisation ; que, par suite, elle n'est pas fondée à soutenir qu'à défaut d'examiner sa situation au regard des critères de cette circulaire, le préfet n'aurait pas procédé à un examen sérieux de sa demande ;
9. Considérant, en cinquième lieu, qu'aux termes de l'article L. 312-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Dans chaque département, est instituée une commission du titre de séjour (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 312-2 de ce même code : " La commission est saisie par l'autorité administrative lorsque celle-ci envisage de refuser de délivrer ou de renouveler une carte de séjour temporaire à un étranger mentionné à l'article L. 313-11 ou de délivrer une carte de résident à un étranger mentionné aux articles L. 314-11 et L. 314-12, ainsi que dans le cas prévu à l'article L. 431-3. " ; qu'il résulte de ces dispositions que le préfet est tenu de saisir la commission du cas des seuls étrangers qui remplissent effectivement les conditions prévues à l'article L. 313-11 et non de celui de tous les étrangers qui se prévalent de ces dispositions ; que Mme D...n'étant pas en situation de bénéficier de plein droit d'un titre de séjour en France, ainsi qu'il a été dit ci-dessus, le préfet n'était pas tenu de saisir la commission du titre de séjour ;
En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :
10. Considérant d'abord qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet, qui a examiné la situation personnelle et familiale de la requérante, se soit cru à tort tenu d'assortir son refus de titre de séjour d'une obligation de quitter le territoire français ;
11. Considérant ensuite qu'aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction applicable à la date de la décision du préfet : " II- Pour satisfaire à l'obligation qui lui a été faite de quitter le territoire français, l'étranger dispose d'un délai de trente jours à compter de sa notification et peut solliciter, à cet effet, un dispositif d'aide au retour dans son pays d'origine. Eu égard à la situation personnelle de l'étranger, l'autorité administrative peut accorder, à titre exceptionnel, un délai de départ volontaire supérieur à trente jours (...)." ; que, si la requérante soutient qu'il appartenait au préfet, eu égard à sa situation particulière familiale, de lui accorder un délai de départ volontaire plus long que celui de trente jours fixé par la décision litigieuse, elle n'a pas fait état d'une situation particulière nécessitant la prolongation de ce délai ; qu'en tout état de cause, son état de santé et sa vie commune avec son mari ne permettent pas par elles-mêmes d'établir que le préfet aurait commis une erreur manifeste en fixant à trente jours le délai de départ volontaire de Mme D... ;
12. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que Mme D...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont rejeté sa demande ; que doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles qu'elle a présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
D E C I D E :
Article 1er : La requête de Mme D...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à MmeE..., à Me A... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de l'Hérault.
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N° 14MA043675
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