Procédure contentieuse devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 10 décembre 2014, M.C..., représenté par Me A..., demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1401700 du 24 juillet 2014 du tribunal administratif de Nice ;
2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté du 9 avril 2014 du préfet des Alpes-Maritimes ;
3°) d'enjoindre au préfet, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour portant mention "vie privée et familiale" et dans l'attente, un récépissé l'autorisant à travailler, à titre subsidiaire, d'enjoindre au préfet de réexaminer sa demande et de lui délivrer dans l'attente un récépissé ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 2 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, qui sera versée à Me A...en cas d'obtention de l'aide juridictionnelle en contrepartie de sa renonciation à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à la mission d'aide juridictionnelle.
Il soutient que :
le jugement est irrégulier dès lors que les premiers juges n'ont pas suffisamment motivé le rejet de son moyen tiré de ce que le préfet ne pouvait pas subordonner la délivrance du titre de séjour "étranger malade" à son entrée régulière en France ;
le préfet s'est cru à tort lié par le simple avis du médecin de l'agence régionale de santé du 13 février 2014 mentionnant que son état de santé ne nécessitait pas une prise en charge médicale, au lieu d'exercer son pouvoir d'appréciation sur son état de santé ;
c'est à tort que les premiers juges ont estimé que le préfet n'avait pas commis d'erreur de droit pour ce motif ;
le préfet ne pouvait pas subordonner la délivrance du titre de séjour "étranger malade" à son entrée régulière en France ;
le préfet ne pouvait pas exiger qu'il démontre l'impossibilité de recevoir des soins appropriés dans son pays d'origine ;
il devait aussi apprécier si le fait que sa demande d'asile, rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides mais faisant l'objet d'un recours devant la Cour nationale du droit d'asile, constituait une circonstance humanitaire exceptionnelle au sens de l'article L. 313-11 11° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
le préfet n'a pas motivé suffisamment sa décision sur ce point et il n'a pas pris en compte ce fait lors de l'examen de sa demande de titre ;
il ne peut regagner son pays d'origine où son intégrité physique serait menacée ;
* le préfet a commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de son refus sur sa situation personnelle.
M. C...a été admis à l'aide juridictionnelle totale par décision du 3 novembre 2014.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
A été entendu, au cours de l'audience publique, le rapport de MmeB..., première conseillère.
1. Considérant que M.C..., de nationalité arménienne, a demandé un titre de séjour en qualité d'étranger malade au préfet des Alpes-Maritimes ; qu'il relève appel du jugement du 24 juillet 2014 par lequel le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 9 avril 2014 par lequel le préfet des Alpes-Maritimes a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français et a fixé le pays de destination ;
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Considérant que les premiers juges, pour écarter le moyen tiré de ce que le préfet ne pouvait pas subordonner la délivrance du titre de séjour "étranger malade" à une entrée régulière en France, ont mentionné que le préfet s'était borné dans le refus litigieux à rappeler les conditions irrégulières de l'entrée en France du requérant sans en tirer la "moindre conséquence" sur la délivrance du titre sollicité ; qu'ils ont suffisamment motivé leur jugement sur ce point ; que, par suite, contrairement à ce que soutient le requérant, le jugement attaqué n'est pas entaché d'irrégularité pour ce motif ;
Sur la légalité du refus de titre de séjour :
3. Considérant qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays dont il est originaire, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle appréciée par l'autorité administrative après avis du directeur général de l'agence régionale de santé, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative, après avis du médecin de l'agence régionale de santé de la région de résidence de l'intéressé, désigné par le directeur général de l'agence (...) " ; qu'aux termes de l'article R. 313-22 du même code : " Pour l'application du 11° de l'article L. 313-11, le préfet délivre la carte de séjour temporaire au vu d'un avis émis par le médecin de l'agence régionale de santé compétente au regard du lieu de résidence de l'intéressé, désigné par le directeur général. (...) L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin agréé ou un médecin praticien hospitalier et, d'autre part, des informations disponibles sur l'existence d'un traitement dans le pays d'origine de l'intéressé. (...) Le préfet peut, après avis du directeur général de l'agence régionale de santé, prendre en considération une circonstance humanitaire exceptionnelle pour délivrer la carte de séjour temporaire même s'il existe un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé. " ;
4. Considérant en premier lieu que le préfet en mentionnant dans la décision litigieuse, dans le cadre du rappel de la situation personnelle du requérant, après ses date et lieu de naissance et sa nationalité, que le requérant ne justifiait pas de la date précise de son entrée en France ni de la régularité de cette entrée, n'a pas subordonné le bénéfice des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 à la justification d'une entrée régulière en France ; que, par suite, le requérant n'est pas fondé à soutenir que le préfet aurait commis une erreur de droit pour ce motif;
5. Considérant en deuxième lieu que, pour refuser le titre de séjour sollicité, le préfet s'est fondé sur l'avis du médecin de l'agence régionale de santé du 13 février 2014 qui affirme que l'état de santé du requérant ne nécessite pas de prise en charge médicale ; que si, après avoir cité cet avis, le préfet a indiqué que le requérant ne pouvait "par conséquent" se prévaloir des dispositions de l'article L. 313-11 11°, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'il se soit, malgré cette formulation maladroite, cru lié à tort par cet avis pour prendre le refus litigieux, dès lors qu'il a, dans le cadre de son pouvoir d'appréciation, examiné si le requérant n'avait pas fait état dans sa demande d'une impossibilité d'accéder à des soins appropriés dans son pays d'origine et s'il ne justifiait pas de circonstances humanitaires exceptionnelles au sens de cet article ; que, dans ces conditions, c'est à bon droit que les premiers juges ont estimé que le préfet, dans le cadre de son pouvoir discrétionnaire, avait porté sa propre appréciation sur l'état de santé du requérant ;
6. Considérant en troisième lieu que le préfet s'est borné dans la décision litigieuse à mentionner que le requérant n'avait fait état dans sa demande d'aucune impossibilité d'accéder à des soins appropriés dans son pays d'origine, sans exiger pour autant que M. C...rapporte la preuve de cette impossibilité ; qu'en tout état de cause, dès lors que le préfet avait déjà estimé que l'état de santé du requérant ne nécessitait pas de prise en charge médicale, l'absence de traitement approprié en Arménie n'aurait pas pu avoir d'incidence sur le refus litigieux ;
7. Considérant en quatrième lieu que la circonstance que le recours de M. C...contre le rejet par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) de la demande d'asile en procédure prioritaire soit actuellement pendant devant la Cour nationale du droit d'asile ne saurait être regardée comme une " circonstance humanitaire exceptionnelle " au sens du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, un tel recours relevant d'une procédure distincte ; que le préfet n'a entaché son refus de délivrance d'un titre de séjour ni d'insuffisance de motivation ni d'erreur de droit en se bornant à mentionner la seule décision de l'OFPRA sans faire état du recours formé devant la Cour nationale du droit d'asile ;
8. Considérant en cinquième lieu que le requérant n'est pas fondé à soutenir que le préfet aurait commis une erreur manifeste dans l'appréciation de son état de santé ou de sa situation personnelle au seul motif que le recours formé contre le rejet de sa demande d'asile n'aurait pas encore été jugé par la Cour nationale du droit d'asile ;
Sur la légalité de la décision fixant le pays de destination :
9. Considérant qu'aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants. " ; que ces dispositions font obstacle à ce que puisse être légalement désigné comme pays de destination d'un étranger faisant l'objet d'une mesure d'éloignement, un Etat pour lequel il existe des motifs sérieux et avérés de croire que l'intéressé s'y trouverait exposé à un risque réel pour sa personne, soit du fait des autorités de cet Etat, soit même du fait de personnes ou groupes de personnes ne relevant pas des autorités publiques, dès lors que, dans ce dernier cas, les autorités de l'Etat de destination ne sont pas en mesure de parer à un tel risque par une protection appropriée ;
10. Considérant qu'en se bornant à soutenir qu'"il ne peut regagner son pays d'origine où il allègue être en danger pour son intégrité physique", sans mentionner les craintes dont il aurait fait part dans son recours devant la Cour nationale du droit d'asile et sans nullement préciser les risques qu'il encourrait en cas de retour en Arménie, le requérant ne met pas à même le juge de se prononcer sur le bien-fondé du moyen tiré de la méconnaissance de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et n'établit pas être exposé personnellement à des risques pour sa vie ou sa liberté en cas de retour en Arménie ;
11. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. C...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont rejeté sa demande ; que doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles qu'il a présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
D E C I D E :
Article 1er : La requête de M. C...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. D...C..., à Me A...et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet des Alpes-Maritimes.
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N° 14MA049402
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