Procédure devant la cour :
Par une requête et deux mémoires, enregistrés le 30 janvier et le 6 décembre 2018 et le 31 janvier 2019, M. C..., représenté par Me B..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du 20 novembre 2017 du tribunal administratif de Marseille ;
2°) de mettre à la charge de l'ONIAM le versement de la somme de 47 150 euros ;
3°) de mettre à la charge de l'ONIAM la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- il remplit les conditions pour être indemnisé au titre de la solidarité nationale sur le fondement du II de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique ;
- les préjudices dont il demande l'indemnisation sont établis.
Par des mémoires en défense, enregistrés le 5 décembre 2018, le 10 janvier, le 14 mars et le 9 avril 2019, l'ONIAM, représenté par la SELARL de la Grange et Fitoussi, demande à la cour :
1°) à titre principal, de rejeter la requête présentée par M.C... ;
2°) à titre subsidiaire, d'ordonner une expertise médicale ;
3°) à titre très subsidiaire, de réduire le montant de l'indemnité susceptible d'être accordée à M.C....
Il soutient que les moyens soulevés par M. C...ne sont pas fondés.
La requête a été communiquée à la caisse primaire centrale d'assurance maladie des Bouches-du-Rhône, qui n'a pas produit d'observation.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de la santé publique ;
- le code de justice administrative.
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de M. Merenne,
- et les conclusions de M. Argoud, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. M.C..., alors âgé de 37 ans et souffrant d'une maladie de Dupuytren, a été opéré du cinquième doigt de la main droite le 7 juillet 2010 à l'hôpital de la Conception à Marseille. Une reprise chirurgicale a été réalisée le 28 septembre suivant en raison de la récidive de la rétractation du doigt. Il a ensuite été opéré les 10 et 24 novembre suivant pour la mise en place d'un lambeau cutané suite à la mise à nu du système fléchisseur. Malgré la rééducation fonctionnelle débutée le 18 janvier 2011, M.C..., atteint d'algodystrophie, présente désormais des douleurs invalidantes au niveau du cinquième doigt et des raideurs significatives au niveau des troisième et quatrième doigts.
2. M. C...fait appel du jugement du 20 novembre 2017 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à la condamnation de l'ONIAM à l'indemniser des préjudices subis au titre de la solidarité nationale.
3. Le II de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique prévoit que : " Lorsque la responsabilité d'un professionnel, d'un établissement, service ou organisme mentionné au I ou d'un producteur de produits n'est pas engagée, un accident médical, une affection iatrogène ou une infection nosocomiale ouvre droit à la réparation des préjudices du patient, et, en cas de décès, de ses ayants droit au titre de la solidarité nationale, lorsqu'ils sont directement imputables à des actes de prévention, de diagnostic ou de soins et qu'ils ont eu pour le patient des conséquences anormales au regard de son état de santé comme de l'évolution prévisible de celui-ci et présentent un caractère de gravité, fixé par décret, apprécié au regard de la perte de capacités fonctionnelles et des conséquences sur la vie privée et professionnelle mesurées en tenant notamment compte du taux d'atteinte permanente à l'intégrité physique ou psychique, de la durée de l'arrêt temporaire des activités professionnelles ou de celle du déficit fonctionnel temporaire. "
4. Il résulte de ces dispositions que l'ONIAM doit assurer, au titre de la solidarité nationale, la réparation de dommages résultant directement d'actes de prévention, de diagnostic ou de soins à la condition qu'ils présentent un caractère d'anormalité au regard de l'état de santé du patient comme de l'évolution prévisible de cet état. La condition d'anormalité du dommage prévue par ces dispositions doit toujours être regardée comme remplie lorsque l'acte médical a entraîné des conséquences notablement plus graves que celles auxquelles le patient était exposé de manière suffisamment probable en l'absence de traitement. Lorsque les conséquences de l'acte médical ne sont pas notablement plus graves que celles auxquelles le patient était exposé par sa pathologie en l'absence de traitement, elles ne peuvent être regardées comme anormales sauf si, dans les conditions où l'acte a été accompli, la survenance du dommage présentait une probabilité faible. Ainsi, elles ne peuvent être regardées comme anormales au regard de l'état du patient lorsque la gravité de cet état a conduit à pratiquer un acte comportant des risques élevés dont la réalisation est à l'origine du dommage.
5. En premier lieu, la récidive rapide de la bride, avec une rétractation du doigt, constitue une évolution de l'état de santé du patient après la première intervention qui n'est pas directement imputable à un acte de prévention, de diagnostic ou de soins.
6. En deuxième lieu, si l'expert nommé par la commission de conciliation et d'indemnisation de la région Provence-Alpes-Côte d'Azur n'a pas apporté d'éléments sur le risque d'algodystrophie, il ressort de ceux produits par l'ONIAM en défense, qui ne sont pas contredits par M.C..., que l'algodystrophie est une complication imprévisible qui peut survenir après n'importe quelle intervention chirurgicale de la main, même mineure, et dont la fréquence après une intervention pour la maladie de Dupuytren est estimée à 10 % pour les hommes et 30 % pour les femmes. La survenance de cette pathologie, qui n'entraîne pas de conséquences notablement plus graves que celles auxquelles M. C...était exposé en l'absence de traitement de la maladie de Dupuytren, ne présentait pas une probabilité faible. Elle ne constitue donc pas une conséquence anormale au regard de son état de santé et de l'évolution prévisible de celui-ci au sens des dispositions du II de l'article L. 1142-1 citées au point 3.
7. En troisième lieu, la mise à nu progressive du tendon fléchisseur résulte d'un échec de la cicatrisation dirigée après l'intervention du 28 septembre 2010, qui a conduit à une intervention de reprise les 10 et 24 novembre 2010 par un parage et une couverture cutanée par lambeau. Elle n'est pas directement imputable à un acte de prévention, de diagnostic ou de soins. En outre, il ne résulte pas de l'instruction que les séquelles de M. C...en soient la conséquence, alors que celui-ci souffre d'algodystrophie ainsi qu'il a été dit ci-dessus.
8. Il résulte de ce qui précède que les conditions prévues par les dispositions du II de l'article L. 1142-1 citées au point 3 pour une indemnisation au titre de la solidarité nationale ne sont pas remplies. Ainsi, et sans qu'il soit nécessaire pour la cour d'ordonner une nouvelle expertise, M. C... n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.
9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit fait droit aux conclusions présentées par M. C...au titre des frais qu'il a exposés et non compris dans les dépens.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... C..., à l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales et à la caisse primaire centrale d'assurance maladie des Bouches-du-Rhône.
Copie en sera adressée pour information à l'expert nommé par la commission de conciliation et d'indemnisation de la région Provence-Alpes-Côte d'Azur.
Délibéré après l'audience du 13 juin 2019, où siégeaient :
- M. Vanhullebus, président de chambre,
- Mme Jorda-Lecroq, présidente-assesseure,
- M. Merenne, premier conseiller.
Lu en audience publique le 4 juillet 2019.
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N° 18MA00446