Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 5 février 2018, MmeF..., représentée par Me B..., demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Nîmes du 12 décembre 2017 ;
2°) d'enjoindre la commune de Clarensac et à la communauté d'agglomération Nîmes Métropole de mettre un terme à l'emprise irrégulière et de remettre les lieux en état, dans le mois suivant la notification de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 500 euros par jour de retard ;
3°) de mettre à la charge de la commune de Clarensac et de la communauté d'agglomération Nîmes Métropole la somme de 3 000 euros chacune au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- l'emprise est irrégulière ;
- il n'existe pas de possibilité de régularisation ;
- le déplacement hors de sa propriété doit être enjoint au regard du bilan entre les inconvénients très importants existant pour ses intérêts privés et la possibilité d'un tel déplacement sans coût excessif pour la collectivité.
Par un mémoire en défense, enregistré le 20 décembre 2018, la communauté d'agglomération Nîmes Métropole (CANM), représentée par le cabinet Maillot Avocats Associés, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 1 500 euros soit mise à la charge de Mme F... au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que les moyens soulevés par Mme F...ne sont pas fondés.
Par un mémoire en défense, enregistré le 25 avril 2019, la commune de Clarensac, représentée par MeD..., conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 1 500 euros soit mise à la charge de Mme F...au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que les moyens soulevés par Mme F...ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code rural et de la pêche maritime ;
- le code de la santé publique ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Jorda-Lecroq,
- les conclusions de M. Argoud, rapporteur public,
- et les observations de MeG..., représentant MmeF..., de MeC..., représentant la commune de Clarensac et MeA..., représentant la communauté d'agglomération de Nîmes Métropole.
Une note en délibéré présentée pour Mme F...a été enregistrée le 14 juin 2019.
Considérant ce qui suit :
Sur l'emprise :
1. L'implantation d'une canalisation du réseau public d'évacuation des eaux usées dans le sous-sol d'une parcelle appartenant à une personne privée, opération dépossédant les propriétaires de cette parcelle d'un élément de leur droit de propriété, ne peut être régulièrement mise à exécution qu'après l'accomplissement d'une procédure d'expropriation pour cause d'utilité publique, l'institution de servitudes dans les conditions prévues par les dispositions des articles L. 152-1 et R. 152-1 et suivants du code rural et de la pêche maritime, ou l'intervention d'un accord amiable avec les propriétaires intéressés.
2. Ni l'attestation établie par l'ex-époux de Mme F...le 31 janvier 2013 produite par la commune de Clarensac devant le tribunal, selon laquelle " lors de la construction du tout à l'égout j'ai donné l'autorisation de traverser notre terrain pour permettre la pose des tuyaux, permettant l'évacuation des eaux usées (...) ", attestation dont le contenu a au demeurant été remis en cause par son auteur par lettre du 25 mars 2019, ni le courrier adressé le 30 septembre 2011 par la requérante à la commune concernant les désagréments subis du fait de la présence d'une canalisation du réseau public d'évacuation des eaux usées en tréfonds de sa propriété ne suffisent à établir l'existence d'un accord amiable de Mme F...à l'implantation de cette canalisation sur la parcelle cadastrée section C n° 279, devenue les parcelles cadastrées section C n° 2645 et n° 2646. Les circonstances que le permis de construire l'habitation a été délivré sous condition de raccordement au réseau de tout à l'égout et que l'acte d'acquisition du terrain mentionne l'existence d'une servitude de passage au bénéfice des acquéreurs en bordure de propriété du terrain voisin, permettant en amont le passage en souterrain des canalisations d'eau et de tout à l'égout ne sont pas susceptibles d'établir l'existence d'un tel accord. Par ailleurs, il ne résulte pas de l'instruction qu'une servitude dans les conditions prévues par les dispositions des articles L. 152-1 et R. 152-1 et suivants du code rural et de la pêche maritime a été établie. Dès lors, la commune de Clarensac, puis la communauté d'agglomération de Nîmes Métropole (CANM), à laquelle la compétence en matière d'assainissement a été transférée depuis 2005, doivent être regardées comme ne disposant d'aucun titre les autorisant à instaurer une servitude portant atteinte au droit de propriété de la requérante. Par suite, c'est à tort que les premiers juges ont retenu que la présence sur la parcelle cadastrée section C n° 279 appartenant à Mme F... de la canalisation litigieuse ne revêtait pas le caractère d'une emprise irrégulière.
Sur les conclusions à fin d'injonction sous astreinte :
3. Lorsque le juge administratif est saisi de conclusions aux fins de démolition d'un ouvrage public implanté de façon irrégulière, il lui appartient, pour déterminer, en fonction de la situation de droit et de fait existant à la date à laquelle il statue, si sa décision implique qu'il ordonne la démolition de cet ouvrage, de rechercher, d'abord, si, eu égard notamment aux motifs de la décision, une régularisation appropriée est possible. Dans la négative, il lui revient ensuite de prendre en considération, d'une part, les inconvénients que la présence de l'ouvrage entraîne pour les divers intérêts publics ou privés en présence et notamment, le cas échéant, pour le propriétaire du terrain d'assiette de l'ouvrage, d'autre part, les conséquences de la démolition pour l'intérêt général, et d'apprécier, en rapprochant ces éléments, si la démolition n'entraîne pas une atteinte excessive à l'intérêt général.
4. Il résulte de l'instruction qu'une régularisation de l'implantation de l'ouvrage semble possible si Mme F...consent à conclure une convention de servitude d'aqueduc, ainsi que cela lui a été proposé par la CANM avec engagement de celle-ci de réalisation de travaux sur le réseau d'assainissement dans sa propriété, d'un état des lieux contradictoire avant et après travaux, de remise en état des lieux, de prise en charge des frais d'acte de servitude et de procédure et d'indemnisation de la servitude conformément à la valeur fixée par France Domaine. Une régularisation est également possible par la mise en oeuvre d'une procédure d'expropriation.
5. En tout état de cause, en l'absence d'un tel accord et, à la supposer établie, de possibilité de régularisation, il résulte de l'instruction que, si Mme F...subit des inconvénients relatifs à l'existence de nuisances olfactives liées à la présence de la canalisation litigieuse et à l'atteinte portée au libre exercice de son droit de propriété, la démolition de cette canalisation, qui permet la desserte de plusieurs propriétés, impliquerait la réalisation de travaux coûteux de déplacement avec mise en place de plusieurs servitudes sur les propriétés voisines ou l'installation de postes de relevage privés sur la propriété de Mme F... et sur celle de plusieurs de ses voisins afin de modifier le sens d'évacuation des eaux. Elle entraînerait ainsi une atteinte excessive à l'intérêt général attaché au service public d'assainissement, dont la requérante bénéficie par ailleurs.
6. Dans ces conditions, et dans la mesure où une régularisation appropriée reste possible ainsi que cela a été exposé au point 4, il y a seulement lieu d'enjoindre à la CANM de procéder à une telle régularisation dans un délai de six mois à compter de la notification du présent arrêt. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'assortir cette injonction d'une astreinte.
7. Il résulte de ce qui précède que Mme F...est fondée à demander l'annulation du jugement du tribunal administratif de Nîmes du 12 décembre 2017 et le prononcé d'une injonction dans les conditions exposées au point 6. En application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la CANM une somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par Mme F... et non compris dans les dépens. En revanche, les conclusions présentées en application des mêmes dispositions par la CANM et par la commune de Clarensac doivent être rejetées.
D É C I D E :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Nîmes du 12 décembre 2017 est annulé.
Article 2 : Il est enjoint à la CANM de procéder à la régularisation de l'emprise irrégulière sur la propriété de Mme F...par la signature avec celle-ci d'une convention de servitude d'aqueduc ou par la mise en oeuvre d'une procédure d'expropriation dans un délai de six mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 3 : La CANM versera à Mme F...une somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 5 : Les conclusions de la CANM et de la commune de Clarensac présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à Mme E...F..., à la commune de Clarensac et à la communauté d'agglomération Nîmes Métropole.
Délibéré après l'audience du 13 juin 2019, où siégeaient :
- M. Vanhullebus, président de chambre,
- Mme Jorda-Lecroq, présidente assesseure,
- MmeH..., première conseillère.
Lu en audience publique, le 4 juillet 2019.
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N° 18MA00490