2°) de rejeter la demande présentée par M. C...devant le tribunal administratif de Montpellier ;
3°) de rejeter les conclusions présentées par M. C...par la voie de l'appel incident ;
4°) de mettre à la charge de M. C...la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le jugement est irrégulier en l'absence de réponse à un moyen de défense ;
- le tribunal était incompétent pour statuer sur une demande d'indemnité d'occupation relevant de l'office du juge judiciaire ;
- les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte sont irrecevables en l'absence de liaison du contentieux ;
- la demande de première instance est irrecevable en raison de sa tardiveté ;
- M. C...n'a pas intérêt à agir seul en tant que propriétaire indivis ;
- l'emprise est régulière ;
- la commune est propriétaire du terrain d'assiette de l'ouvrage par prescription acquisitive ;
- les conclusions tendant à la démolition de l'ouvrage public, à la remise en état de la parcelle et indemnitaires sont prescrites ;
- il n'est pas établi que la parcelle était plantée de chênes lièges ;
- la somme demandée au titre du préjudice de jouissance est surévaluée.
Par un mémoire en défense, enregistré le 9 mai 2019, M.C..., représenté par MeD..., demande à la cour :
1°) de rejeter la requête ;
2°) par la voie de l'appel incident :
- d'annuler le jugement du 25 octobre 2018 du tribunal administratif de Montpellier en tant qu'il a rejeté ses conclusions indemnitaires ainsi que celles présentées aux fins d'injonction et d'astreinte ;
- d'enjoindre à la commune de Vives de démolir le réservoir d'eau potable implanté irrégulièrement sur sa propriété et de remettre le terrain en l'état en y plantant 15 chênes lièges sous astreinte de 50 euros par jour de retard ;
- de condamner la commune de Vives à lui verser en réparation de ses préjudices les sommes de 19 250 euros à parfaire s'agissant de l'atteinte portée à son droit de propriété et de 1 000 euros au titre de la destruction des chênes lièges ;
3°) de mettre à la charge de la commune de Vives la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- la juridiction administrative est compétente pour connaître d'une demande relative à une emprise irrégulière ;
- la prescription acquisitive et la prescription quadriennale ne sont pas établies ;
- la demande de première instance n'est pas tardive ;
- la demande d'injonction est recevable ;
- l'implantation du réservoir sur sa parcelle n'a pas été autorisée ;
- il doit être intégralement indemnisé des préjudices subis.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code civil ;
- la loi n° 68-1250 du 31 décembre 1968 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
La présidente de la Cour a désigné Mme Jorda-Lecroq, présidente-assesseure de la 2ème chambre, pour présider, en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative, la formation de jugement.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Bourjade-Mascarenhas,
- les conclusions de M. Argoud, rapporteur public,
- et les observations de MeA..., représentant la commune de Vives.
Considérant ce qui suit :
1. M. C...est propriétaire indivis de la parcelle cadastrée section B n° 844 située sur le territoire de la commune de Vives sur laquelle a été édifié par celle-ci un réservoir d'eau potable. Par un jugement du 25 octobre 2018, le tribunal administratif de Montpellier a enjoint à la commune de régulariser l'ouvrage public, au besoin en engageant une procédure d'expropriation dans le délai de six mois à compter de la notification du jugement et a rejeté les conclusions indemnitaires présentées par M. C...ainsi que ses conclusions tendant à la démolition de l'ouvrage et à la remise en état des lieux. La commune de Vives relève appel de ce jugement en demandant son annulation et le rejet des demandes présentées par M. C...en première instance et par la voie de l'appel incident tendant à la réformation du jugement en ce qu'il a rejeté ses conclusions indemnitaires ainsi que celles présentées aux fins d'injonction et d'astreinte.
Sur la régularité du jugement :
2. Sauf dispositions législatives contraires, la responsabilité qui peut incomber aux personnes morales de droit public ou aux personnes privées gestionnaires d'ouvrages publics en raison des dommages imputés à ces ouvrages est soumise à un régime de droit public et relève en conséquence de la juridiction administrative. Cette compétence ne vaut toutefois que sous réserve des matières dévolues à l'autorité judiciaire par des règles ou principes à valeur constitutionnelle. Dans le cas de l'implantation d'un ouvrage public portant atteinte à une propriété privée, implantation qui ne peut être regardée comme procédant d'un acte manifestement insusceptible de se rattacher à un pouvoir dont dispose le gestionnaire de l'ouvrage, le juge administratif, compétent pour statuer sur le recours en annulation de la décision d'implanter un ouvrage public et, le cas échéant, pour adresser des injonctions au gestionnaire tendant notamment au déplacement d'un tel ouvrage, l'est également pour connaître de conclusions tendant à la réparation des conséquences dommageables de son implantation sans titre, hormis le cas où elle aurait pour effet l'extinction du droit de propriété.
3. Les règles qui gouvernent les concessions de service public imposent que les biens nécessaires au fonctionnement du service public appartiennent à la collectivité concédante dès l'origine. La commune de Vives est maître d'ouvrage du réservoir en litige qui constitue un ouvrage public. Contrairement à ce qu'elle allègue, elle n'établit pas plus en appel qu'en première instance par les quelques documents qu'elle produit identiques à ceux communiqués devant le tribunal que l'ouvrage public a été construit en 1974 ou au plus tard que sa présence est avérée depuis 1979 et ne justifie pas avoir ainsi acquis par prescription la propriété du terrain sur lequel il est implanté. Par ailleurs, la commune ne justifie pas davantage s'être comportée comme le propriétaire du terrain depuis plus de trente ans. Par suite, l'installation de cet ouvrage porte atteinte, sans toutefois provoquer son extinction, au droit de propriété de M.C.... En l'absence d'intervention d'un accord amiable avec ce dernier ou encore de l'accomplissement d'une procédure d'expropriation pour cause d'utilité publique, le tribunal administratif était compétent pour connaître des conclusions tendant à la réparation des conséquences dommageables de cette situation, même si la distribution d'eau potable a été concédée à une société de droit privé, dès lors que le litige est sans lien avec l'entretien du réservoir en cause. Par suite, c'est à bon droit que les premiers juges ont écarté l'exception d'incompétence opposée par la commune de Vives, répondant ainsi au moyen en défense qu'elle avait soulevé.
Sur la recevabilité de la demande de première instance :
4. L'auteur d'un recours indemnitaire tendant à la réparation de préjudices imputables à l'implantation irrégulière d'un ouvrage public peut assortir ses conclusions indemnitaires de conclusions tendant à qu'il soit enjoint à la personne publique en cause de mettre fin à cette implantation irrégulière sans qu'il soit nécessaire pour lui de la saisir d'une demande préalable à cette fin, non plus que de présenter des conclusions tendant à l'annulation pour excès de pouvoir de la décision administrative née suite à une telle demande. Il suit de là que la commune de Vives n'est pas fondée à soutenir que la demande de première instance serait irrecevable en l'absence de demande d'annulation de la décision de refus de déplacer l'ouvrage public irrégulièrement implanté et de liaison du contentieux. En l'absence d'obligation de lier le contentieux, la commune n'est pas davantage fondée à se prévaloir de la tardiveté de la requête.
5. Les dispositions de l'article 815-2 du code civil s'opposent à ce qu'un indivisaire agisse au nom de l'indivision s'il ne justifie pas de l'accord des autres co-indivisaires et s'il n'y a pas atteinte à la conservation du bien qui en fait l'objet. Toutefois, M.C..., qui sollicite en son nom propre la démolition d'un ouvrage public irrégulièrement implanté sur une parcelle dont il est propriétaire indivis, la remise en état des lieux et l'indemnisation des préjudices qu'il estime subir, justifie en cette qualité d'un intérêt à agir. Par suite, c'est à bon droit que le tribunal a écarté la fin de non-recevoir opposée par la commune tirée du défaut d'intérêt à agir de l'intéressé.
Sur le bien fondé du jugement attaqué :
En ce qui concerne l'emprise de l'ouvrage public :
6. Il n'est pas contesté qu'ainsi que l'a relevé le tribunal administratif, le réservoir d'eau potable de la commune de Vives a été irrégulièrement implanté sur la propriété de M. C.... Aucune convention de servitude autorisant cet ouvrage n'a été conclue, et la commune ne justifie d'aucun autre titre l'autorisant à instaurer une servitude portant atteinte au droit de propriété du requérant.
7. Il résulte de ce qui a été exposé au point 3 et de ce qui précède que c'est à bon droit que les premiers juges ont retenu que la présence du réservoir d'eau potable sur la parcelle cadastrée section B n° 844 appartenant à M. C...revêt le caractère d'une emprise irrégulière.
En ce qui concerne l'injonction et l'astreinte :
8. Lorsque le juge administratif est saisi de conclusions aux fins de démolition d'un ouvrage public implanté de façon irrégulière, il lui appartient, pour déterminer, en fonction de la situation de droit et de fait existant à la date à laquelle il statue, si sa décision implique qu'il ordonne la démolition de cet ouvrage, de rechercher, d'abord, si, eu égard notamment aux motifs de la décision, une régularisation appropriée est possible. Dans la négative, il lui revient ensuite de prendre en considération, d'une part, les inconvénients que la présence de l'ouvrage entraîne pour les divers intérêts publics ou privés en présence et notamment, le cas échéant, pour le propriétaire du terrain d'assiette de l'ouvrage, d'autre part, les conséquences de la démolition pour l'intérêt général, et d'apprécier, en rapprochant ces éléments, si la démolition n'entraîne pas une atteinte excessive à l'intérêt général.
9. Il résulte de l'instruction, et notamment du courrier du notaire de M. C...du 12 février 2013 et de celui adressé le 21 septembre 2015 par la commune à l'avocat de celui-ci, qu'une régularisation de l'ouvrage est possible soit par la voie amiable soit par le biais d'une procédure d'expropriation pour cause d'utilité publique. Compte tenu des délais inhérents à la mise en oeuvre éventuelle d'une procédure d'expropriation, c'est à bon droit que le tribunal a enjoint à la commune de parvenir à une solution amiable avec M. C...ou de réaliser toutes les démarches nécessaires à l'accomplissement de la procédure d'expropriation. En revanche, comme l'a estimé à juste titre le tribunal, M. C...n'établissant pas la destruction de chênes lièges, il n'y a pas lieu d'enjoindre une remise en état des lieux par la replantation de tels arbres.
10. En l'absence de tout commencement d'exécution du jugement attaqué dans le délai de six mois prévu à son article 2, soit par une acquisition amiable du terrain d'emprise soit par la mise en place d'une procédure d'expropriation, il y a lieu d'enjoindre à la commune, à défaut de parvenir à un accord avec l'indivision propriétaire du terrain, de transmettre dans un délai de trois mois le dossier de demande d'expropriation au préfet et d'en justifier à la cour, sous astreinte passé ce délai de 50 euros par jour de retard.
En ce qui concerne les conclusions à fin d'indemnisation :
S'agissant de l'exception de prescription quadriennale :
11. Aux termes de l'article 1er de la loi du 31 décembre 1968 relative à la prescription des créances sur l'Etat, les départements, les communes et les établissements publics : " Sont prescrites, au profit de l'Etat, des départements et des communes, sans préjudice des déchéances particulières édictées par la loi, et sous réserve des dispositions de la présente loi, toutes créances qui n'ont pas été payées dans un délai de quatre ans à partir du premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle les droits ont été acquis ". La prescription quadriennale n'est qu'un mode d'extinction des dettes des collectivités publiques et ne peut, par suite, être opposée qu'aux créances que les intéressés entendent faire valoir contre ces collectivités.
12. M. C...sollicite l'indemnisation du trouble de jouissance qu'il subit depuis 2012 du fait de l'emprise irrégulière d'un ouvrage public sur sa parcelle. Il résulte de l'instruction que le délai de prescription prévu par les dispositions de l'article 1er de la loi du 31 décembre 1968 a été interrompu par le courrier de demande d'indemnisation adressé le 23 décembre 2016 par le conseil de l'intéressé à la commune. Par suite, l'exception de prescription opposée par la commune de Vives aux créances nées en 2012 et 2013 doit en tout état de cause être écartée.
S'agissant des préjudices :
13. Le réservoir fait obstacle à ce que M. C...puisse exercer librement ses prérogatives de propriétaire du terrain d'assiette. Il y a ainsi lieu de l'indemniser du préjudice résultant de l'atteinte au libre exercice du droit de propriété. Il sera fait une juste appréciation du trouble de jouissance ainsi que des troubles dans ses conditions d'existence pendant les sept ans où il a été privé de la jouissance de son bien en fixant l'indemnité due à ce titre au requérant à la somme de 500 euros, compte tenu, en particulier, de la valeur du terrain telle qu'estimée à la demande de la commune par France Domaine.
14. M. C...sollicite, en outre, la condamnation de la commune de Vives à lui verser la somme de 1 000 euros en réparation de la destruction d'une quinzaine de chênes lièges lors de la construction de l'ouvrage public. Toutefois, ainsi que cela a été exposé au point 9, il n'est pas établi que de tels arbres auraient été détruits. La demande indemnitaire présentée à ce titre doit, dès lors, être rejetée.
15. Il résulte de tout ce qui précède que la commune de Vives n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier lui a enjoint de procéder à la régularisation de l'ouvrage public dans un délai de six mois. Par ailleurs, M. C...est seulement fondé à demander, par la voie de l'appel incident, à ce qu'il soit prononcé à l'encontre de la commune une injonction sous astreinte dans les conditions prévues au point 10 et que celle-ci soit condamnée à lui verser la somme de 500 euros.
Sur les frais liés au litige :
16. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de M.C..., qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que la commune de Vives demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il y a lieu, en revanche, de mettre à la charge de la commune de Vives une somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par M. C...et non compris dans les dépens.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de la commune de Vives est rejetée.
Article 2 : La commune de Vives est condamnée à verser à M. C...la somme de 500 euros.
Article 3 : Il est enjoint à la commune de Vives, à défaut de parvenir à un accord amiable avec l'indivisionC..., de transmettre au préfet le dossier de demande d'expropriation du terrain dans un délai de trois mois à compter de la notification de l'arrêt sous astreinte de 50 euros par jour de retard passé ce délai. La commune communiquera à la cour copie des actes justifiant des mesures prises pour exécuter le présent arrêt.
Article 4 : Le jugement du tribunal administratif de Montpellier du 25 octobre 2018 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 5 : Le surplus des conclusions présentées par M. C...par la voie de l'appel incident est rejeté.
Article 6 : La commune de Vives versera à M. C...une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 7 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Vives et à M. B...C....
Délibéré après l'audience du 27 juin 2019 où siégeaient :
- Mme Jorda-Lecroq, présidente-assesseure, présidant la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,
- Mme Bourjade-Mascarenhas, première conseillère,
- M. Merenne, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 11 juillet 2019.
La rapporteure,
signé
A. BOURJADE-MASCARENHAS
La présidente,
signé
K. JORDA-LECROQ La greffière,
signé
C. MONTENERO
La République mande et ordonne au préfet des Pyrénées-Orientales en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
La greffière.
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N° 18MA05496