Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 12 février 2016, Mme F...C..., Mme B...E...et Mme D...C..., représentées par MeA..., demandent à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nîmes du 29 décembre 2015 ;
2°) à titre principal, de condamner le centre hospitalier d'Avignon à payer à Mme F...C...la somme de 103 000 euros et à Mme B...E...et Mme D...C...la somme de 30 000 euros chacune et à titre subsidiaire, d'ordonner une expertise ;
3°) de mettre à la charge du centre hospitalier d'Avignon les dépens et la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elles soutiennent que :
- Mme F...C...a subi un préjudice moral en raison de l'absence de communication par le centre hospitalier d'Avignon de l'entier dossier médical de son époux ;
- le centre hospitalier d'Avignon n'a pas entrepris d'investigations et a commis un défaut de surveillance à l'origine du décès du patient ;
- leur préjudice en lien avec la perte de chance de survie de leur époux et père doit être réparé.
Par des mémoires en défense, enregistrés le 20 mars 2017 et le 12 mai 2017, le centre hospitalier d'Avignon conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que :
- la demande de première instance est irrecevable pour défaut de liaison du contentieux ;
- cette irrecevabilité ne peut pas être régularisée après le jugement de première instance ;
- les documents permettant d'éclairer les ayants droit de Jean C...sur les causes de son décès ont été communiqués aux requérantes ;
- le reste du dossier médical du patient a été débattu de façon contradictoire ;
- il n'a commis aucune faute médicale ;
- le décès du patient est sans lien avec les soins reçus ;
- la perte de chance ne peut qu'être minime ;
- les demandes indemnitaires sont excessives.
Par des mémoires enregistrés le 28 avril 2017 et le 18 mai 2017, Mme C...et autres concluent aux mêmes fins que la requête par les mêmes moyens. Elles soutiennent, en outre, que leur demande est recevable.
La requête a été communiquée à la caisse primaire d'assurance maladie de Vaucluse qui n'a pas produit de mémoire.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de la santé publique ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Duran-Gottschalk,
- les conclusions de Mme Chamot, rapporteure publique.
1. Considérant que JeanC..., né en 1941, insuffisant rénal et cardiaque, a été admis, en raison d'une grande fatigue et de troubles digestifs évoluant depuis 36 heures, au service de néphrologie du centre hospitalier d'Avignon le 30 août 2010 à 23 heures ; qu'après avoir été examiné par le médecin de garde, il a passé la nuit à l'hôpital où il a été retrouvé décédé dans son lit le 31 août 2010 à 7h10 ;
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
En ce qui concerne la faute tirée de l'absence de communication du dossier médical :
2. Considérant qu'aux termes de L. 1110-4 du code de la santé publique dans sa rédaction alors en vigueur : " Le secret médical ne fait pas obstacle à ce que les informations concernant une personne décédée soient délivrées à ses ayants droit, dans la mesure où elles leur sont nécessaires pour leur permettre de connaître les causes de la mort, de défendre la mémoire du défunt ou de faire valoir leurs droits, sauf volonté contraire exprimée par la personne avant son décès " ;
3. Considérant qu'il résulte de l'instruction que suite à la demande de Mme C...de communication du dossier médical de son époux, le centre hospitalier d'Avignon lui a adressé le compte rendu d'hospitalisation, puis le compte rendu infirmier de l'hospitalisation ; qu'en réponse à sa demande de communication des conclusions se rapportant à l'analyse du stimulateur cardiaque que portait son époux, le centre hospitalier d'Avignon lui a répondu ne pas avoir retrouvé d'enregistrement ; qu'il ne résulte pas de l'instruction que les autres pièces composant le dossier médical du patient, qui ont par ailleurs été fournies aux requérantes par l'expert, auraient contenu des informations nécessaires à la réalisation, par les ayants droit de M.C..., de l'un des objectifs mentionnés au dernier alinéa de l'article précité du code de la santé publique ; que dès lors, aucun refus fautif de communication du dossier médical de Jean C...ne peut être reproché à l'établissement de santé ;
En ce qui concerne le défaut d'investigations et de surveillance :
4. Considérant qu'aux termes de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique :
" I. - Hors le cas où leur responsabilité est encourue en raison d'un défaut d'un produit de santé, les professionnels de santé mentionnés à la quatrième partie du présent code, ainsi que tout établissement, service ou organisme dans lesquels sont réalisés des actes individuels de prévention, de diagnostic ou de soins ne sont responsables des conséquences dommageables d'actes de prévention, de diagnostic ou de soins qu'en cas de faute " ;
5. Considérant qu'il résulte de l'instruction qu'à l'arrivée du patient au service de néphrologie du centre hospitalier d'Avignon, un examen clinique a été effectué par le médecin néphrologue de garde ; que cet examen a permis d'écarter de nombreuses pathologies d'expression digestive ainsi que la nécessité d'un transfert du patient en soins continus ; que la réalisation d'un bilan biologique et d'un électrocardiogramme a été prévue pour le lendemain ; que si les résultats de l'examen clinique, et particulièrement la faiblesse de la tension artérielle et l'importance du pouls malgré la prise de bétabloquants, pouvaient rétrospectivement faire penser à une déshydratation extracellulaire, l'expert estime que ceux-ci ne justifiaient pas des soins continus et un bilan biologique immédiat, d'autant que les insuffisants rénaux, comme l'était le patient, sont le plus souvent en surcharge hydro sodée et que la situation en discret déficit extra-cellulaire n'est pas délétère en soi ; que si les requérantes produisent une lettre émanant d'un médecin radiologue, selon lequel la survenue de troubles digestifs aigus chez un individu dialysé prenant des médicaments peut induire d'importants désordres hydro électrolytiques potentiellement mortels et un courrier d'un médecin généraliste, qui indique que les antécédents présentés par Jean C...nécessitaient la réalisation de soins plus attentifs et remet en cause l'appréciation portée par le médecin de garde quant à l'absence de signes de déshydratation présentés par le patient, ces avis ne suffisent pas à remettre en cause les conclusions claires et étayées de l'expert ;
6. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il y ait lieu de prescrire une expertise ni de statuer sur la recevabilité de la demande, que Mme C...et ses filles ne sont pas fondées à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté leur demande ;
Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
7. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge du centre hospitalier d'Avignon, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que Mme C...et ses filles demandent au titre des frais non compris dans les dépens qu'elles ont exposés ;
D É C I D E :
Article 1er : La requête de Mme F...C..., de Mme B...E...et de Mme D...C...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme F...C..., Mme B...E...,
Mme D...C..., au centre hospitalier d'Avignon et à la caisse primaire d'assurance maladie de Vaucluse.
Délibéré après l'audience du 29 mars 2018, où siégeaient :
- M. Vanhullebus, président de chambre,
- M. Barthez, président assesseur,
- Mme Duran-Gottschalk, première conseillère.
Lu en audience publique, le 12 avril 2018.
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N° 16MA00526