Par une requête enregistrée le 26 février 2016, MmeA..., représentée par Me D..., demande à la Cour :
1°) de réformer le jugement du 29 décembre 2015 par lequel le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande d'expertise et a limité à la somme de 1 000 euros l'indemnité au versement de laquelle il a condamné le centre hospitalier des Portes de Camargue en réparation du préjudice subi ;
2°) à titre principal, d'ordonner une expertise et à titre subsidiaire, de porter à la somme de 3 000 euros le montant de l'indemnité due par les deux établissements de santé au titre des souffrances endurées, ainsi que les intérêts au taux légal ;
3°) de mettre à la charge des centres hospitaliers la somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le principe du contradictoire impose que lui soit communiqué le dossier médical de sa mère ;
- une nouvelle expertise est utile ;
- les souffrances endurées par sa mère ont été insuffisamment réparées.
Par un mémoire en défense, enregistré le 18 janvier 2017, le centre hospitalier des Portes de Camargue conclut :
1°) au rejet de la requête ;
2°) demande par la voie de l'appel incident :
- d'annuler le jugement du tribunal administratif de Nîmes en tant qu'il l'a condamné à verser à Mme A...la somme de 1 000 euros ;
- de rejeter la demande présentée par Mme A...devant le tribunal administratif ;
3°) à ce que la somme de 2 000 euros soit mise à la charge de Mme A...en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- la requérante ne précise pas les motifs de sa demande de communication du dossier médical de sa mère ;
- l'expert a fondé son analyse sur le dossier médical de la patiente, dont les éléments ont été débattus de façon contradictoire ;
- l'infection dont a souffert la patiente n'a pas de caractère nosocomial ;
- une nouvelle expertise serait inutile ;
- la demande indemnitaire est injustifiée.
Par un mémoire en défense, enregistré le 13 septembre 2017, le centre hospitalier d'Avignon conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que :
- les motifs du jugement par lesquels les premiers juges n'ont pas engagé sa responsabilité ne sont pas contestés ;
- les conclusions à fin d'injonction de communication du dossier médical, qui n'étaient dirigées en première instance que contre le centre hospitalier des Portes de Camargue, sont nouvelles en appel et par suite irrecevables ;
- le dossier médical a été communiqué à MmeA... ;
- une nouvelle expertise n'est pas utile.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de la santé publique ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Duran-Gottschalk, rapporteure,
- les conclusions de Mme Chamot, rapporteure publique,
- et les observations de Me B...pour MmeA.....
1. Considérant que Jeanne Thevenet, âgée de quatre-vingt-quatre ans, a chuté à son domicile le 23 septembre 2008 ; qu'elle a subi notamment un traumatisme crânien avec hématome intracérébral ; qu'elle a été admise le jour même aux urgences du centre hospitalier d'Avignon puis le 24 septembre dans le service d'orthopédie de ce même établissement ; qu'elle a ensuite été transférée le 20 novembre 2008 au centre hospitalier des Portes de Camargue jusqu'au 19 décembre 2008 ; qu'elle est décédée le 21 février 2010 au centre hospitalier de Pont Saint-Esprit ; que sa fille, MmeA..., estimant que la prise en charge médicale de sa mère avait été défaillante, a saisi la commission régionale de conciliation et d'indemnisation des accidents médicaux (CRCI), qui a rendu un avis défavorable à sa demande d'indemnisation, puis le tribunal administratif de Nîmes, qui a condamné le centre hospitalier des Portes de Camargue à lui payer la somme de 1 000 euros en réparation des souffrances physiques endurées en raison de la survenue d'une infection nosocomiale et a rejeté sa demande de condamnation du centre hospitalier d'Avignon et sa demande d'expertise ;
Sur la responsabilité :
2. Considérant que Mme A...ne conteste pas les motifs retenus par les premiers juges pour écarter la responsabilité des deux établissements de santé en ce qui concerne la conformité des soins donnés aux règles de l'art médical, ni la responsabilité du centre hospitalier d'Avignon dans la survenance de l'infection contractée par sa mère ; que seule la responsabilité du centre hospitalier des Portes de Camargue au titre de cette infection doit ainsi être examinée ;
En ce qui concerne la survenue de l'infection :
3. Considérant qu'aux termes du I de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique : " Hors le cas où leur responsabilité est encourue en raison d'un défaut d'un produit de santé, les professionnels de santé mentionnés à la quatrième partie du présent code, ainsi que tout établissement, service ou organisme dans lesquels sont réalisés des actes individuels de prévention, de diagnostic ou de soins ne sont responsables des conséquences dommageables d'actes de prévention, de diagnostic ou de soins qu'en cas de faute. / Les établissements, services et organismes susmentionnés sont responsables des dommages résultant d'infections nosocomiales, sauf s'ils rapportent la preuve d'une cause étrangère " ; que doit être regardée, au sens de ces dispositions, comme présentant un caractère nosocomial une infection survenant au cours ou au décours de la prise en charge d'un patient et qui n'était ni présente, ni en incubation au début de celle-ci, sauf s'il est établi qu'elle a une autre origine que la prise en charge ;
4. Considérant qu'il résulte de l'instruction que Jeanne Thévenet, qui a été hospitalisée à compter du 20 novembre 2008 au centre hospitalier des Portes de Camargue, a présenté le 24 novembre 2008 un épisode de diarrhées ; qu'une infection à clostridium difficile a alors été diagnostiquée et traitée par antibiothérapie ; qu'il résulte de l'instruction, notamment du rapport de l'expertise ordonnée par la CRCI, que l'infection en cause, qui est apparue à la faveur d'un déséquilibre de la flore intestinale et qui est directement en lien avec l'état antérieur de la patiente et l'évolution prévisible de celui-ci, serait survenue même à domicile ; que dans ces conditions, il doit être regardé comme établi que l'infection a une autre origine que la prise en charge hospitalière ;
5. Considérant qu'il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de prescrire une expertise ni de faire produire, compte tenu de l'étendue du litige, la communication du dossier médical de Jeanne Thévenet, que Mme A... n'est pas fondée à demander la réformation du jugement par lequel le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande d'expertise et a limité à la somme de 1 000 euros l'indemnité au versement de laquelle il a condamné le centre hospitalier des Portes de Camargue ; que le centre hospitalier des Portes de Camargue est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif l'a condamné à verser à Mme A...la somme de 1 000 euros ;
Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
6. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge des centres hospitaliers d'Avignon et des Portes de Camargue, qui ne sont pas les parties perdantes dans la présente instance, la somme que Mme A...demande au titre des frais, non compris dans les dépens, qu'elle a exposés ; que dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions du centre hospitalier des Portes de Camargue présentées sur le fondement des mêmes dispositions ;
D É C I D E :
Article 1er : La requête de Mme A...est rejetée.
Article 2 : Les articles 1 à 3 du jugement du 29 décembre 2015 du tribunal administratif de Nîmes sont annulés.
Article 3 : La demande présentée par Mme A...à l'encontre du centre hospitalier des Portes de Camargue devant le tribunal administratif de Nîmes est rejetée.
Article 4 : Les conclusions du centre hospitalier des Portes de Camargue tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C...A..., au centre hospitalier d'Avignon, au centre hospitalier des Portes de Camargue et à la caisse primaire d'assurance maladie de Vaucluse.
Délibéré après l'audience du 29 mars 2018, où siégeaient :
- M. Vanhullebus, président de chambre,
- M. Barthez, président assesseur,
- Mme Duran-Gottschalk, première conseillère.
Lu en audience publique, le 12 avril 2018.
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N° 16MA00752
kp