M. et Mme I... et M. E... I...ont également demandé au tribunal administratif de Marseille de condamner le centre hospitalier de Digne-les-Bains au versement d'une provision de 450 000 euros.
Par un jugement nos 1204503 - 1500191 du 12 octobre 2015, le tribunal administratif de Marseille a condamné le centre hospitalier de Digne-les-Bains à verser à M. E... I...la somme de 718 330,96 euros et une rente de 300 euros par jour, due au prorata des nuits passées au domicile familial et sur justification des frais exposés par la caisse primaire des Hautes-Alpes, la somme de 15 000 euros chacun à M. et Mme F...I..., la somme de 6 000 euros à M. A... I..., et la somme de 4 000 euros à M. G... I.... Il a en outre condamné le centre hospitalier à verser la somme de 675 848,39 euros à la caisse primaire d'assurance maladie des Hautes-Alpes. Le tribunal a enfin prononcé un non-lieu à statuer sur la demande tendant au versement d'une provision.
Procédure devant la cour :
I. Par une requête et des mémoires, enregistrés le 17 décembre 2015, le 18 août 2017 et le 20 mars 2019 sous le n° 15MA04865, M. et Mme I... et MM. E..., A...etG... I..., représentés par Me K..., demandent à la cour :
1°) d'annuler le jugement du 12 octobre 2015 en tant que le tribunal administratif de Marseille a limité le montant de l'indemnisation accordée ;
2°) de porter à la somme de 2 256 330,19 euros assortie d'une rente de 16 000 euros par mois le montant de l'indemnité due à M. E... I...et à la somme de 30 000 euros chacun le montant de celle due aux autres requérants, et de condamner le centre hospitalier à verser la somme de 1 227 000 euros à M. E... I...et à M. et Mme I..., les sommes étant assorties du paiement des intérêts au taux légal et de leur capitalisation ;
3°) de mettre à la charge du centre hospitalier la somme de 10 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ainsi que les dépens.
Ils soutiennent que :
- le jugement du tribunal administratif de Marseille du 15 février 2001 n'a pas statué de façon définitive sur l'indemnisation des préjudices temporaires ;
- le montant des indemnités doit être majoré.
Par des mémoires en défense, enregistrés le 9 décembre 2016, le 21 août et le 24 novembre 2017, le 22 février et le 28 mars 2019, le centre hospitalier de Digne-les-Bains et la Société hospitalière d'assurances mutuelles, représentés par Me J..., demandent à la cour :
1°) de rejeter la requête présentée par les consortsI... ;
2°) par la voie de l'appel incident, de réformer le jugement du 12 octobre 2015 du tribunal administratif de Marseille et de réduire le montant de l'indemnité due à M. E... I....
Ils soutiennent que :
- la demande d'indemnisation des frais exposés par M. et Mme I... pour l'adaptation de leur logement sont irrecevables car nouvelles en appel ;
- le tribunal ne pouvait pas convertir en capital les frais de véhicule futur, dès lors que le centre hospitalier s'y était opposé ;
- les montants des préjudices scolaire et professionnel de M. E... I...et du taux horaire de l'assistance à tierce personne, doivent être minorés ;
- l'autorité de la chose jugée qui s'attache au jugement n° 96-6895 du 14 février 2001 du tribunal administratif de Marseille fait obstacle à l'indemnisation des préjudices subis par M. E... I...jusqu'à sa majorité ;
- les moyens soulevés par les consorts I...ne sont pas fondés.
Des observations ont été enregistrées le 8 avril 2016 pour la caisse primaire d'assurance maladie des Alpes-de-Haute-Provence, représentée par Me H....
Par des observations, enregistrées le 22 décembre 2017, la caisse primaire d'assurance maladie des Hautes-Alpes, agissant pour le compte de la caisse primaire d'assurance maladie des Alpes-de-Haute-Provence, représentée par Me C..., demande à la cour :
1°) de réformer le jugement du 12 octobre 2015 en tant que le tribunal administratif de Marseille a condamné le centre hospitalier de Digne-les-Bains à verser à la caisse primaire d'assurance maladie des Alpes-de-Haute-Provence la somme de 675 848,39 euros et de porter celle-ci à 1 037 841,53 euros, assortie des intérêts au taux légal ;
2°) de mettre à la charge du centre hospitalier de Digne-les-Bains la somme de 1 055 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion prévue à l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale et celle de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que la majoration des prétentions est justifiée par l'aggravation des préjudices.
La requête a été communiquée à la Mutuelle générale de l'éducation nationale (MGEN) et à la caisse primaire centrale d'assurance maladie des Bouches-du-Rhône, qui n'ont pas produit d'observations
II. Par une requête et deux mémoires, enregistrés le 21 décembre 2015, le 25 janvier 2016 et le 20 décembre 2017 sous le n° 15MA04901, le centre hospitalier de Digne-les-Bains et la Société hospitalière d'assurances mutuelles, représentés par Me J..., demandent à la cour :
1°) de réformer le jugement du 12 octobre 2015 en tant que le tribunal administratif de Marseille a condamné le centre hospitalier de Digne-les-Bains à verser la somme de 675 848,39 euros à la caisse primaire d'assurance maladie des Hautes-Alpes ;
2°) de limiter l'indemnité accordée à la caisse sous forme d'une rente due au prorata des nuits passées dans un établissement spécialisé.
Ils soutiennent que :
- le jugement attaqué est insuffisamment motivé ;
- l'appel de la caisse primaire d'assurance maladie des Hautes-Alpes est irrecevable en tant qu'il porte sur une somme excédant celle demandée en première instance ;
- l'autorité de chose jugée qui s'attache au jugement n° 96-6895 du tribunal administratif de Marseille du 15 février 2001 et à l'arrêt n° 01MA00864 du 18 novembre 2004 de la cour fait obstacle à la demande de la caisse pour la période comprise entre 2000 et 2010 ;
- la demande de la caisse pour la période comprise entre 2000 et 2010 est trop imprécise pour être retenue ;
- l'indemnisation de la caisse à la fraction des trois quarts de la réparation de l'intégrité physique de la victime, prévue par le jugement du 15 février 2001 devait être appliquée à la créance de la caisse ;
- le tribunal administratif ne pouvait pas capitaliser les dépenses futures dès lors que le centre hospitalier s'y était opposé.
Par un mémoire en défense, enregistré le 8 avril 2016, la caisse primaire d'assurance maladie des Alpes-de-Haute-Provence, représentée par Me H..., demande à la cour de rejeter la requête présentée par le centre hospitalier de Digne-les-Bains et la Société hospitalière d'assurances mutuelles.
Elle soutient que ses demandes présentées en première instance étaient fondées.
Par des mémoires en défense, enregistrés les 16 janvier, 9 février et 26 avril 2018 et le 26 février 2019, la caisse primaire d'assurance maladie des Hautes-Alpes, agissant pour le compte de la caisse primaire d'assurance maladie des Alpes-de-Haute-Provence, représentée par Me C..., demande à la cour, dans le dernier état de ses écritures :
1°) de rejeter la requête présentée par le centre hospitalier de Digne-les-Bains et la Société hospitalière d'assurances mutuelles ;
2°) par la voie de l'appel incident, de réformer le jugement du 12 octobre 2015 en tant que le tribunal administratif de Marseille a condamné le centre hospitalier de Digne-les-Bains à lui verser la somme de 675 848,39 euros et de porter celle-ci à 1 611 191,61 euros ;
3°) de mettre à la charge du centre hospitalier de Digne-les-Bains la somme de 1 080 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion prévue à l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale et celle de 5 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que la majoration des prétentions est justifiée par l'aggravation des préjudices.
Des mémoires ont été enregistrés le 21 mars 2016, le 18 août 2017 et le 20 mars 2019 pour les consorts I...qui tendent aux mêmes fins que leurs écritures enregistrées sous le numéro 15MA04865 par les mêmes moyens.
La requête a été communiquée à la Mutuelle générale de l'éducation nationale (MGEN) et à la caisse primaire centrale d'assurance maladie des Bouches-du-Rhône, qui n'ont pas produit d'observations.
Vu les autres pièces des dossiers.
Vu :
- le code de la santé publique ;
- le code de la sécurité sociale ;
- le code de justice administrative.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Merenne,
- les conclusions de M. Argoud, rapporteur public,
- et les observations de Me K..., représentant les consorts I..., et de Me L..., représentant le centre hospitalier de Digne-les-Bains et la Société hospitalière d'assurances mutuelles.
Considérant ce qui suit :
1. Les requêtes des consorts I...et du centre hospitalier de Digne-les-Bains sont dirigées contre le même jugement. Il y a lieu de les joindre pour y statuer par le présent arrêt.
Sur la régularité du jugement :
2. Le moyen tiré de l'insuffisance de motivation du jugement attaqué soulevé par le centre hospitalier de Digne-les-Bains et la Société hospitalière d'assurances mutuelles dans leur requête initiale n'est pas assorti des précisions permettant d'en apprécier le bien-fondé.
Sur l'autorité de la chose jugée :
3. Par un jugement n° 96-6895 du 15 février 2001, le tribunal administratif de Marseille a condamné le centre hospitalier de Digne-les-Bains à verser à M. E... I..., une rente annuelle de 220 000 francs jusqu'à sa majorité en réparation de l'ensemble des préjudices subis par l'intéressé jusqu'à sa majorité, à M. F... et Mme D...I..., la somme de 110 000 francs chacun, et enfin à la caisse primaire d'assurance maladie des Hautes-Alpes la somme de 515 788,15 francs en réparation des frais exposés pour la prise en charge d'E... I...dans un centre d'éducation spécialisé et les frais que la caisse aura exposés à partir du 1er juillet 1998 jusqu'à la majorité de l'intéressé, sur présentation des justificatifs. Par un arrêt n° 01MA00864 du 18 novembre 2004, la présente cour a porté à 94 632,39 euros l'indemnité versée au profit de la caisse. Contrairement à ce qui est soutenu par les consorts I...et par la caisse primaire d'assurance maladie des Hautes-Alpes, ces condamnations n'ont pas été prononcées à titre provisionnel.
4. L'autorité de la chose jugée qui s'attache à ces décisions fait obstacle à l'indemnisation des préjudices subis par M. I... jusqu'à l'âge de sa majorité, y compris ceux qui ont été pris en charge par des prestations versées par la caisse de sécurité sociale, qui portent sur la même assiette, et ce alors même que la caisse n'aurait pas cru bon de demander au centre hospitalier, en exécution du jugement du 15 février 2001, le remboursement des frais qu'elle a exposés.
5. Il suit de là, d'une part, que M. I... n'est pas fondé à demander l'indemnisation du déficit fonctionnel temporaire, des souffrances endurées et des frais d'assistance par une tierce personne jusqu'à la date de sa majorité, le 10 octobre 2010, et, d'autre part, que c'est à tort que le tribunal administratif a condamné le centre hospitalier à verser la somme de 396 151,23 euros correspondant aux frais médicaux, d'hospitalisation et d'appareillage exposés jusqu'à la majorité de M. I....
Sur les prestations versées par les caisses de sécurité sociale :
6. Il ressort de pièces nouvelles produites en appel que M. I..., après avoir élu domicile à l'adresse de l'établissement spécialisé qui l'accueillait à Marseille, a été affilié à compter du 16 juillet 2013 à la caisse primaire centrale d'assurance maladie des Bouches-du-Rhône.
7. La caisse primaire d'assurance maladie des Hautes-Alpes ne fait pas valoir, en réponse au moyen du centre hospitalier sur ce point, qu'elle, ou la caisse primaire d'assurance maladie des Alpes-de-Haute-Provence pour le compte de laquelle elle agit, auraient été amenées à prendre en charge les prestations d'un assuré social affilié à une troisième caisse de sécurité sociale. Elle n'expose pas non plus de raisons pour lesquelles l'une ou l'autre serait conduite à les prendre en charge à l'avenir. A supposer qu'en versant au dossier la convention de mutualisation conclue le 20 décembre 2013 entre la Caisse nationale de l'assurance maladie des travailleurs salariés et les caisses primaires des Hautes-Alpes et des Bouches-du-Rhône sur le fondement des dispositions des articles L. 221-3-1 et L. 216-2-1 du code de la sécurité sociale dans leur rédaction alors en vigueur, la caisse des Hautes-Alpes ait entendu faire valoir qu'elle agit également pour le compte de la caisse des Bouches-du-Rhône dans le cadre de la présente instance, cette convention ne confie à la caisse des Hautes-Alpes la mission d'exercer, pour le compte de la caisse des Bouches-du-Rhône, qu'une partie des recours exercés sur le fondement des dispositions de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale, pour les " dossiers dont les assurés appartiennent aux mois de naissance 4, 5 et 6 ", ce qui désigne les mois d'avril, mai et juin. M. I..., né au mois d'octobre, n'entre pas dans le champ de cette convention. Il suit de là que la caisse primaire d'assurance maladie des Hautes-Alpes n'est pas fondée demander le remboursement pour son compte des prestations versées par la caisse primaire centrale d'assurance maladie des Bouches-du-Rhône à compter du 16 juillet 2013. Celle-ci, bien que régulièrement mise en cause, n'a pas produit dans la présente instance. Il en va de même s'agissant des frais futurs en l'absence de perspective d'affiliation de M. I... dans les Hautes-Alpes.
8. La caisse primaire d'assurance maladie des Hautes-Alpes est ainsi seulement fondée à demander l'indemnisation des frais exposés du 11 octobre 2010 au 16 juillet 2013, soit la somme de 140 195,50 euros correspondant aux frais d'appareillage et aux frais d'hospitalisation et d'accueil dans un établissement spécialisé du 11 octobre au 16 décembre 2010 et du 1er janvier 2011 au 29 mars 2012, à laquelle s'ajoute celle de 78 335 euros correspondant aux frais d'accueil dans un établissement spécialisé pour le reste de l'année 2012 et celle de 51 040,12 euros correspondant au prorata des mêmes frais pour la période comprise entre le 1er janvier et le 16 juillet 2013.
Sur les autres préjudices patrimoniaux :
En ce qui concerne l'assistance par une tierce personne après la majorité :
9. Il résulte de l'instruction que M. I... n'a pas été pris en charge par un établissement spécialisé durant 21 jours pour l'année 2010, 161 jours pour l'année 2011, 164 jours pour l'année 2012, 188 jours pour l'année 2013, 193 jours pour l'année 2014, 178 jours pour l'année 2015, 168 jours pour l'année 2016, 178 jours pour l'année 2017 et 192 jours pour l'année 2018. Il y a lieu de prendre en outre en compte 90 jours supplémentaires pour l'année 2019 jusqu'à la date du présent arrêt. Il y a lieu d'indemniser les frais d'assistance permanente par une tierce personne, fixés par l'expert à 14 heures de présence active et 10 heures de surveillance par jour, sur la base d'un taux quotidien de 300 euros tous intérêts compris, tenant compte du salaire minimum interprofessionnel de croissance augmenté des cotisations sociales, des majorations de rémunération dues les dimanches et jours fériés ainsi que des congés payés. Ce préjudice doit donc être évalué à la somme totale de 459 900 euros, dont il convient de soustraire celle de 39 997,54 euros versée par le département des Alpes-de-Haute-Provence au titre de la prestation de compensation du handicap et celles de 60 637,80 et 21 321,30 euros versées par la Société hospitalière d'assurances mutuelles pour l'exécution du jugement attaqué. Il doit en conséquence être indemnisé à hauteur de la somme de 337 943,36 euros tout intérêt compris, dont seront déduites le cas échéant les autres sommes susceptibles d'avoir déjà été versées.
10. Le tribunal administratif a indemnisé les frais futurs d'assistance par une tierce personne par des motifs adaptés, figurant au point 12 du jugement attaqué, qu'il y a lieu d'adopter en appel.
En ce qui concerne les frais d'adaptation du véhicule :
11. Les parents de M. E... I...ont justifié de l'achat d'un véhicule d'occasion pour un montant total de 29 396,99 euros, qui, ainsi que l'a retenu le tribunal administratif, correspond au surcoût résultant du handicap de celui-ci. Il résulte cependant de l'instruction que le département des Alpes-de-Haute-Provence a versé à ce titre une aide de 10 626,43 euros. Il convient donc de retenir la somme de 18 770,56 euros. En raison des incertitudes sur le coût des modèles de véhicule adapté, sur les conditions de renouvellement du véhicule et sur les aides susceptibles d'être accordées, il y a lieu de prévoir pour les frais futurs une indemnisation du surcoût résultant de l'achat d'un véhicule adapté au handicap de M. I... par rapport à l'achat d'un véhicule ordinaire de classe intermédiaire sur présentation de justificatifs plutôt que sous la forme d'une rente ou d'un capital.
En ce qui concerne les frais d'aménagement du logement :
12. Il résulte de l'instruction que l'état de santé de M. I... requiert également l'adaptation de son logement à son handicap. M. I... a fait l'acquisition d'un tel logement dans l'Hérault le 2 juillet 2018. Le préjudice qui en résulte n'est pas constitué par le coût d'acquisition de celui-ci, mais par le surcoût résultant de l'adaptation du logement au handicap, qu'il y a lieu d'évaluer, compte tenu des éléments figurant au dossier, à la somme de 150 000 euros.
En ce qui concerne les frais de transport :
13. M. I..., qui est recevable à demander en appel l'indemnisation d'un nouveau préjudice dans la limite de ses conclusions de première instance, justifie par des pièces nouvelles de périodes d'absence de l'établissement spécialisé du Mas de Bellevue, à Marseille, qui correspondent pour l'essentiel à des retours au domicile familial, situé dans les Alpes-de-Haute-Provence et distant de 238 kilomètres. Elles ont entraîné quatre allers-retours entre ces deux lieux en 2010 et plusieurs dizaines en 2011, 2012, et 2013. Ces frais de transport ne peuvent être indemnisés sur la base du barème kilométrique fiscal comme le demande M. I..., dès lors, d'une part, que ce barème intègre les coûts d'amortissement du véhicule, lesquels ont déjà été indemnisés au point 11, et, d'autre part, que si M. I... produit plusieurs attestations selon lesquelles ses parents ont réalisé ces allers-retours avec leur véhicule personnel, il ressort au contraire du rapport d'activité réalisé par l'équipe de l'établissement d'accueil que ces trajets sont généralement réalisés en train. Il sera fait une juste indemnisation de ce préjudice en retenant la somme de 12 000 euros tous intérêts compris.
14. Il résulte de l'instruction que pour les périodes comprises entre le 1er janvier 2014 et le 31 décembre 2017, les frais de transport exposés par M. I... ont fait l'objet de deux aides par le département à hauteur de 25 848,27 et 8 400 euros. En se bornant à proposer une évaluation de son préjudice en fonction du barème kilométrique fiscal, M. I... n'établit pas que d'autres sommes seraient restées à sa charge.
15. Enfin, M. I... a pour projet de s'installer de façon indépendante dans le logement qu'il a acquis en bénéficiant de l'aide d'une tierce personne. Les frais de transport entre le domicile et un établissement spécialisé ne présentent dès lors pas, pour la période à venir, un caractère certain.
En ce qui concerne l'incidence scolaire et professionnelle :
16. Contrairement à ce que fait valoir M. I..., l'incidence professionnelle, réparant la perte de chance d'exercer une activité professionnelle, constitue un poste de préjudice distinct de celui relatif à la perte de revenus professionnels, et ne peut être évalué en fonction du salaire que la victime affectée d'un handicap dès sa naissance aurait pu hypothétiquement percevoir à sa majorité. C'est par des motifs appropriés figurant au point 8 du jugement attaqué qu'il y a lieu d'adopter en appel que les premiers juges ont accordé au titre de l'incidence scolaire et professionnelle du dommage la somme de 150 000 euros.
Sur les préjudices extrapatrimoniaux de M. E... I... :
17. En premier lieu, compte tenu du taux du déficit fonctionnel permanent, fixé par l'expert à 92 %, et de l'évaluation du préjudice esthétique par l'expert à 6 sur une échelle de 1 à 7, les premiers juges ont fait une insuffisante appréciation de ces préjudices en retenant les sommes respectives de 380 000 et 22 500 euros, qu'il y a lieu de porter à 450 000 euros et 27 000 euros.
18. En deuxième lieu, l'indemnisation du préjudice d'établissement subi par M. E... I..., dont la capacité de réaliser un projet de vie familiale est réduite, peut être portée à la somme de 150 000 euros.
19. Enfin, les premiers juges n'ont pas fait une inexacte appréciation du préjudice d'agrément, compte tenu des activités auxquelles la victime peut participer et des handicaps dont il est affecté, et du préjudice sexuel total, compte tenu de l'indemnisation du préjudice d'établissement qui prend également en compte l'impossibilité de fonder une famille, en les évaluant respectivement aux sommes de 10 000 et 30 000 euros.
Sur les préjudices des proches :
20. Les premiers juges n'ont pas fait une inexacte appréciation du préjudice d'accompagnement et des troubles dans les conditions d'existence des parents d'E... I...et de ses deux frères, nés respectivement en 1996 et en 1999, en accordant à chacun des parents la somme de 15 000 euros, dès lors que les préjudices jusqu'à la majorité avaient été indemnisés à hauteur de 110 000 francs par le jugement du 15 février 2001 cité au point 3, celle de 6 000 euros à M. A... I...et celle de 4 000 euros à M. G... I....
21. Il résulte de l'ensemble de ce qui précède, d'une part, que M. E... I...est fondé à demander que l'indemnité versée à son profit soit portée à 1 335 713,92 euros, dont seule la somme de 985 770,56 euros donnera lieu au paiement des intérêts et à leur capitalisation dans les conditions prévues à l'article 1er du jugement attaqué, et à demander l'indemnisation des frais futurs portant sur l'achat d'un véhicule adapté, d'autre part, que le centre hospitalier de Digne-les-Bains est fondé à demander que l'indemnité versée au profit de la caisse soit réduite à 269 570,62 euros, et enfin, que le surplus des conclusions présentées par les parties doit être rejeté.
Sur les frais liés au litige :
22. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge du centre hospitalier de Digne-les-Bains, sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, le versement de la somme de 3 000 euros à M. E... I...au titre des frais qu'il a exposés et non compris dans les dépens.
23. Les dispositions de cet article font en revanche obstacle à ce qu'il soit fait droit aux conclusions présentées par M. et Mme I... et par MM. A... et G...I...à l'encontre du centre hospitalier, qui n'est pas la partie perdante en ce qui les concerne.
D É C I D E :
Article 1er : La somme de 718 330,96 euros que le centre hospitalier de Digne-les-Bains a été condamné à verser à M. E... I...à l'article 1er du jugement du tribunal administratif de Marseille du 12 octobre 2015 est portée à 985 770,56 euros.
Article 2 : Le centre hospitalier est en outre condamné à verser la somme de 349 943,36 euros à M. E...I..., y compris tous intérêts échus à la date du présent arrêt.
Article 3 : Le centre hospitalier de Digne-les-Bains est condamné à rembourser à M. E... I..., sur présentation des justificatifs, le surcoût exposé pour le renouvellement d'un véhicule adapté à son handicap par rapport à l'achat d'un véhicule ordinaire de classe intermédiaire.
Article 4 : La somme de 675 848,39 euros que le centre hospitalier de Digne-les-Bains a été condamné à verser à la caisse primaire d'assurance maladie des Hautes-Alpes à l'article 2 du jugement du tribunal administratif de Marseille du 12 octobre 2015 est réduite à 269 570,62 euros.
Article 5 : Le jugement du 12 octobre 2015 du tribunal administratif de Marseille est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 6 : Le centre hospitalier de Digne-les-Bains versera à M. E... I...la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 7 : Le surplus des conclusions présentées par les parties est rejeté.
Article 8 : Le présent arrêt sera notifié à M. E... I..., à MM. F..., A...et G...I..., à Mme D...B..., épouseI..., à la caisse primaire d'assurance maladie des Hautes-Alpes, à la caisse primaire d'assurance maladie des Alpes-de-Haute-Provence, à la Mutuelle générale de l'éducation nationale, à la caisse primaire centrale d'assurance maladie des Bouches-du-Rhône, au centre hospitalier de Digne-les-Bains et à la Société hospitalière des assurances mutuelles.
Copie en sera adressée pour information à l'expert judiciaire et au département des Alpes-de-Haute-Provence.
Délibéré après l'audience du 29 mai 2019, où siégeaient :
- M. Vanhullebus, président de chambre,
- Mme Jorda-Lecroq, présidente-assesseure,
- M. Merenne, premier conseiller.
Lu en audience publique le 13 juin 2019.
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Nos 15MA04865 et 15MA04901