Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 29 mai 2018, l'Association Tutélaire de Protection 13, agissant en qualité de tuteur de M.A..., représentée par MeB..., demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Marseille du 6 décembre 2017 ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet des Bouches-du-Rhône du 4 septembre 2015 ;
3°) d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône de lui délivrer un titre de séjour dans un délai de quinze jours à compter de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser à Me B... au titre des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- la décision d'expulsion a été prise par une autorité incompétente ;
- la notification de la décision est irrégulière ;
- l'avis du médecin de santé publique est irrégulier ;
- il ne constitue pas une menace pour l'ordre public ;
- sa situation personnelle n'a pas fait l'objet d'un examen particulier ;
- la décision méconnaît les stipulations des articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Par un mémoire en défense enregistré le 28 juin 2018, le préfet des Bouches-du-Rhône conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par M. A...ne sont pas fondés.
M. A...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 20 avril 2018.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ;
- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Bourjade-Mascarenhas ;
- les conclusions de M. Argoud,
- et les observations de MeB..., représentant M.A....
Considérant ce qui suit :
1. M.A..., ressortissant algérien, relève appel du jugement du 6 décembre 2017 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 4 septembre 2015 du préfet des Bouches-du-Rhône prononçant son expulsion du territoire français.
2. En premier lieu, M. A... reprend en appel les moyens tirés de l'incompétence de l'auteur de la décision contestée, de ce que sa situation personnelle n'a pas fait l'objet d'un examen complet et de l'irrégularité de la notification de l'arrêté prononçant son expulsion. Il y a lieu d'écarter ces moyens, qui ne comportent en appel aucun développement ou élément déterminant nouveau, par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges aux points 4, 5 et 7 de leur jugement.
3. En deuxième lieu, il ressort des pièces du dossier que M. A...n'a pas informé le préfet des Bouches-du-Rhône de son état de santé alors qu'il a été mis à même de présenter ses observations dans le cadre de la procédure d'expulsion. Le médecin de l'agence régionale de santé a été consulté le 17 octobre 2016 postérieurement à l'arrêté contesté, à la suite du recours gracieux du requérant. Il suit de là que le moyen tiré de ce que le médecin de l'agence régionale de santé a rendu un avis sur la base d'un dossier médical incomplet doit, en tout état de cause, être écarté.
4. En troisième lieu, d'une part, aux termes de l'article L. 521-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sous réserve des dispositions des articles L. 521-2, L. 521-3 et L. 521-4, l'expulsion peut être prononcée si la présence en France d'un étranger constitue une menace grave pour l'ordre public. " Il résulte de ces dispositions que les infractions pénales commises par un étranger ne sauraient, à elles seules, justifier légalement une mesure d'expulsion et ne dispensent pas l'autorité compétente d'examiner, d'après l'ensemble des circonstances de l'affaire, si la présence de l'intéressé sur le territoire français est de nature à constituer une menace grave pour l'ordre public.
5. D'autre part, en vertu de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui. "
6. Le juge de l'excès de pouvoir exerce un contrôle entier sur le respect de ces stipulations par l'administration, qui ne doit pas porter au droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte excédant ce qui est nécessaire à la défense de l'ordre public.
7. Il est constant que M. A...a été condamné à des peines de prison ferme de plusieurs mois notamment à raison de vols en dernier lieu en réunion, d'escroquerie, de détention et usage de stupéfiants et de violences commises en réunion. A cet égard, ni ces différentes condamnations, ni ses précédents séjours en prison, ni, contrairement à ce qu'il affirme, la survenance d'un accident de la circulation qui a occasionné un traumatisme crânien le laissant handicapé, n'ont mis un terme à ses activités délictueuses, lesquelles se sont, au contraire, traduites par des atteintes d'une gravité croissante aux personnes. Par ailleurs, il ne justifie pas de perspectives sérieuses de réinsertion. De plus, la seule circonstance que M. A... fait l'objet d'un suivi médical depuis l'accident dont il a été victime et qu'il est placé sous tutelle n'est pas de nature à remettre en cause, à elle seule, la légalité de l'arrêté contesté, eu égard aux multiples infractions pénales commises par le requérant. Dès lors, la présence de l'intéressé sur le territoire national constituait toujours, à la date de l'arrêté contesté, une menace grave pour l'ordre public. Au regard de ce qui précède et alors même que M. A... établit vivre en France depuis plus de huit ans et ne plus conserver d'attaches familiales dans son pays d'origine, le préfet, en ordonnant son expulsion, n'a pas porté une atteinte au droit au respect de sa vie privée et familiale disproportionnée aux buts en vue desquels cette mesure a été décidée ni méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
8. En quatrième lieu, si la qualité de travailleur handicapé a été reconnue à M. A... qui perçoit depuis lors l'allocation adulte handicapé, il n'établit pas, au surplus, que son retour en Algérie l'exposerait à des conséquences d'une exceptionnelle gravité au regard de son état de santé ni que le traitement qu'il suit ne serait pas disponible dans son pays d'origine. Par suite, il n'est pas fondé à soutenir que l'arrêté contesté méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en l'exposant, à ce seul titre, à des traitements prohibés par ces stipulations.
9. Il résulte de tout ce qui précède que M. A...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.
10. Le présent arrêt, qui rejette la requête, n'implique aucune mesure d'exécution. Les conclusions présentées à fin d'injonction et d'astreinte par M. A...ne peuvent qu'être rejetées. Il en est de même de celles présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de M. A...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à l'Association Tutélaire de Protection 13, tuteur de M. C... A..., à Me B...et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet des Bouches-du-Rhône.
Délibéré après l'audience du 28 février 2019 où siégeaient :
- M. Vanhullebus, président de chambre,
- Mme Jorda-Lecroq, présidente-assesseure,
- Mme Bourjade-Mascarenhas, première conseillère.
Lu en audience publique, le 14 mars 2019.
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N° 18MA02585