Par un jugement n° 1501401 du 25 avril 2017, le tribunal administratif de Nice a rejeté ces demandes.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 13 juillet 2017, M.B..., représenté par Me D..., demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Nice du 25 avril 2017 en tant qu'il a rejeté sa demande ;
2°) de condamner le CHRU de Nice à lui verser la somme totale de 47 691 euros avec intérêts au taux légal à compter du 24 décembre 2014 ;
3°) de mettre à la charge du CHRU de Nice la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- une faute de retard de diagnostic et de traitement a été commise ;
- les préjudices subis sont directement imputables à cette faute ;
- à défaut, cette faute lui a fait perdre une chance d'échapper à l'aggravation de son état de santé ;
- il a subi des préjudices relatifs à la perte de gains professionnels actuels, à un déficit fonctionnel temporaire partiel et aux souffrances endurées.
Par deux mémoires enregistrés le 25 août 2017 et le 15 février 2019, la caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) du Var, agissant au nom et pour le compte de la CPAM des Alpes-Maritimes, représentée par MeF..., demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Nice du 25 avril 2017 en tant qu'il a rejeté sa demande ;
2°) de condamner le CHRU de Nice à lui payer la somme de 10 001,50 euros au titre des débours et les intérêts au taux légal à compter du jour de la demande et la somme de 1 080 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion ;
3°) de mettre à la charge du CHRU de Nice la somme de 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que le montant des débours est établi par le relevé définitif de prestations et l'attestation d'imputabilité produits.
Par un mémoire en défense enregistré le 1er mars 2019, le CHRU de Nice, représenté par MeC..., demande à la Cour de rejeter la requête de M. B...et les conclusions de la CPAM du Var.
Il soutient que les moyens soulevés par M. B...et la CPAM du Var ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de la santé publique ;
- le code de la sécurité sociale ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Jorda-Lecroq,
- les conclusions de M. Argoud, rapporteur public,
- et les observations de MeD..., représentant M.B..., et de Me E..., substituant MeF..., représentant la CPAM du Var.
Considérant ce qui suit :
1. M. B...fait appel du jugement du tribunal administratif de Nice du 25 avril 2017 ayant rejeté sa demande tendant à la condamnation du CHRU de Nice à lui verser la somme totale de 47 691 euros avec intérêts au taux légal à compter du 24 décembre 2014 en réparation des préjudices qu'il estime avoir subis du fait de sa prise en charge par cet établissement. La CPAM du Var, agissant au nom et pour le compte de la CPAM des Alpes-Maritimes, fait également appel de ce jugement et demande la condamnation du CHRU de Nice à lui payer la somme de 10 001,50 euros au titre des débours et les intérêts au taux légal à compter du jour de la demande ainsi que la somme de 1 080 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion.
Sur le bien-fondé du jugement :
2. Aux termes de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique : " I. Hors le cas où leur responsabilité est encourue en raison d'un défaut d'un produit de santé, les professionnels de santé mentionnés à la quatrième partie du présent code, ainsi que tout établissement, service ou organisme dans lesquels sont réalisés des actes individuels de prévention, de diagnostic ou de soins ne sont responsables des conséquences dommageables d'actes de prévention, de diagnostic ou de soins qu'en cas de faute (...) ". Ouvre droit à réparation le dommage corporel résultant de manière directe et certaine de la faute commise par le service public hospitalier. Dans le cas où celle-ci a compromis les chances d'un patient d'éviter l'aggravation de son état, le préjudice en résultant directement et qui doit être intégralement réparé n'est pas le dommage corporel constaté, mais la perte de chance d'éviter la survenue de ce dommage. La réparation qui incombe à l'hôpital doit alors être évaluée à une fraction du dommage corporel déterminée en fonction de l'ampleur de la chance perdue.
3. Il résulte de l'instruction, et notamment du rapport de l'expertise ordonnée par le juge des référés du tribunal administratif de Nice, que M. B...a présenté, dans la soirée du 27 juin 2013, un tableau lombaire douloureux particulièrement invalidant s'accompagnant d'une gêne fonctionnelle importante, dans les suites de lombalgies d'installation progressive depuis une quinzaine de jours. Il a alors été vu à domicile par son médecin traitant puis pris en charge à la clinique du Parc Impérial à Nice, d'où il est sorti le lendemain, après la réalisation, du fait d'une suspicion de colique néphrétique, d'un examen tomodensitométrique abdomino-pelvien s'étant révélé normal. A la suite de la dégradation brutale de son état empêchant tout déplacement et favorisant les chutes, et d'une nouvelle visite à domicile de son médecin traitant dans la nuit du 28 au 29 juin 2013, il a été immédiatement adressé par celui-ci au service des urgences de l'hôpital Saint-Roch (CHRU de Nice) avec une demande de réalisation urgente d'une imagerie par résonance magnétique (IRM) lombaire. M. B...a alors subi dans cet établissement deux examens neurologiques, mais aucun examen par IRM ni aucun examen tomodensitométrique n'a été effectué sur place. Le requérant a été renvoyé à son domicile le 29 juin en début d'après-midi avec l'indication de faire procéder à un tel examen tomodensitométrique en ville. Devant la persistance des douleurs lombaires, l'intéressé a été hospitalisé le 30 juin 2013 à la clinique Saint-Georges à Nice, au sein de laquelle il a subi un examen tomodensitométrique qui a mis en évidence une volumineuse hernie discale L2/L3 médiane sur un canal modérément étroit. Il a été, dès lors, transféré au service des urgences de l'hôpital Saint-Roch le 30 juin 2013 à minuit, puis le 1er juillet 2013 au service de neurologie de l'hôpital Pasteur, où la réalisation d'un bilan neurologique complet, avec un électromyogramme et un examen par IRM dorso-lombaire, a confirmé l'existence d'une très volumineuse hernie discale L2/L3 sans compression médullaire, d'une souffrance radiculaire aiguë sévère des racines L5/S1 bilatérales, avec une parésie tant de l'extension des deux jambes que de la dorsiflexion des deux pieds et une irradiation radiculaire de type crural bilatéral mais sans troubles des sensibilités profondes ni troubles sphinctériens. M. B...y a subi une intervention chirurgicale de résection de sa hernie discale le 2 juillet 2013 au soir seulement, en raison de l'indisponibilité du bloc opératoire. Cette intervention a été réalisée dans les règles de l'art et ses suites ont été satisfaisantes. Le requérant est resté hospitalisé à l'hôpital Pasteur jusqu'au 8 juillet 2013, avant d'être admis au centre héliomarin de Vallauris pour la convalescence et la rééducation, en séjour à temps complet jusqu'au 27 septembre 2013 puis en hôpital de jour jusqu'au 9 novembre 2013. Son état de santé est estimé consolidé par l'expert judiciaire à la date du 3 février 2014.
4. Il résulte encore de l'instruction, et notamment du rapport d'expertise, que le tableau clinique neurologique de M. B...à son arrivée aux urgences de l'hôpital Saint-Roch le 29 juin 2013 présentait, dans un contexte hyperalgique, une diminution de la force motrice du membre inférieur gauche, un déficit des releveurs du pied, une contracture para-vertébrale et une impossibilité de se tenir debout. Compte tenu d'un tel tableau, un examen par IRM aurait dû être réalisé et aurait permis de poser plus rapidement le diagnostic de volumineuse hernie discale L2/L3 médiane et de conduire, dès lors, à une prise en charge plus rapide de celle-ci. Par suite, ainsi que l'ont retenu à bon droit les premiers juges, ce retard de diagnostic, qui n'est au demeurant pas contesté par le CHRU de Nice, est constitutif d'une faute de nature à engager la responsabilité du centre hospitalier. M. B...ne soulève par ailleurs l'existence d'aucune autre faute du fait de sa prise en charge par le CHRU de Nice entre le 29 juin et le 8 juillet 2013.
5. M. B...soutient que ce retard de diagnostic se trouve à l'origine d'une péjoration de son état et des conséquences de sa pathologie. Toutefois, son état neurologique au moment de son hospitalisation en neurochirurgie le 1er juillet 2013 était apparemment stable et toujours essentiellement caractérisé, comme le 29 juin 2013, par une atteinte motrice déficitaire des membres inférieurs sans troubles sphinctériens ni signes manifestes d'atteinte sensitive. L'expert indique que l'évolution habituelle des hernies discales couvre une période de l'ordre de trois mois, mais relève également que les hernies discales lombaires volumineuses telles que celle dont souffrait M. B...laissent des séquelles douloureuses et neurologiques très sévères et peuvent donner lieu à un syndrome de la queue de cheval avec des conséquences motrices et sphinctériennes irréversibles. En outre, si le rapport d'expertise note que le retard de diagnostic a pesé sur l'évolution de M. B...en retardant le traitement et la consolidation, l'existence de conséquences péjoratives du retard de prise en charge consécutif au retard de diagnostic n'est aucunement démontrée. Ainsi, le lien de causalité entre ce retard de diagnostic et la prolongation des suites du traitement de la pathologie de l'intéressé, alors que l'aggravation de l'état de santé de celui-ci entre le 29 et le 30 juin 2013 n'est pas avérée, qu'il n'est pas fait état par l'expert d'une complication des soins à dispenser et que les suites de l'intervention réalisée le 2 juillet 2013 dans les règles de l'art ont été satisfaisantes ainsi que cela a été exposé au point 3, n'est pas établi. Par suite, contrairement à ce que soutient le requérant, il ne résulte pas de l'instruction que le retard de diagnostic d'environ 24 heures entre le 29 et le 30 juin 2013 aurait entrainé une aggravation de son état qui serait à l'origine d'une évolution des suites de son hernie discale plus importante que l'évolution classique d'une telle pathologie et de son traitement et impliquant, en particulier, une prolongation de la période d'invalidité et de convalescence. Le requérant ne conserve pas de séquelles neurologiques et son état actuel relève des conséquences de sa pathologie propre. Les dommages qu'il a subis sont en lien avec sa pathologie de hernie discale et non avec cette faute, à l'exception toutefois d'un supplément de période douloureuse de 24 heures entre le 29 et le 30 juin 2013 directement imputable au retard de diagnostic. Il sera fait une juste appréciation des souffrances ainsi endurées par M. B...en en fixant la réparation à la somme de 500 euros.
6. Il résulte de ce qui précède que M. B...est fondé à demander la réformation du jugement du tribunal administratif de Nice en date du 25 avril 2017 et la condamnation du CHRU de Nice à lui verser la somme de 500 euros. En outre, il y a lieu, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, de mettre à la charge de cet établissement une somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par M. B...et non compris dans les dépens.
7. En revanche, il ne résulte pas de l'instruction que les débours exposés par la CPAM des Alpes-Maritimes seraient en tout ou partie en lien avec la faute commise. Dès lors, les conclusions de la CPAM du Var présentées au titre des débours, de l'indemnité forfaitaire de gestion et des frais d'instance doivent être rejetées.
D É C I D E :
Article 1er : Le CHRU de Nice est condamné à verser à M. B...la somme de 500 euros.
Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Nice du 25 avril 2017 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 3 : Le CHRU de Nice versera à M. B...une somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Les conclusions de la CPAM du Var, y compris celles présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, sont rejetées.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. A...B..., à la caisse primaire d'assurance maladie du Var, à la caisse primaire d'assurance maladie des Alpes-Maritimes et au centre hospitalier régional universitaire de Nice.
Copie en sera adressée à la Mutualité de la fonction publique, à la Caisse des dépôts et consignations et au service départemental et de secours des Alpes-Maritimes.
Délibéré après l'audience du 2 mai 2019, où siégeaient :
- M. Vanhullebus, président de chambre,
- Mme Jorda-Lecroq, présidente assesseure,
- MmeG..., première conseillère.
Lu en audience publique, le 16 mai 2019.
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N° 17MA03079