Par une requête et un mémoire, enregistrés le 16 février 2018 et le 16 janvier 2019, M. B..., représenté par MeC..., demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du magistrat désigné du tribunal administratif de Nîmes du 17 janvier 2018 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 3 janvier 2018 du préfet de Vaucluse portant obligation de quitter le territoire français sans délai et fixation du pays de destination ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- la compétence du signataire de l'acte n'est pas établie ;
- l'arrêté contesté est insuffisamment motivé en droit ;
- il est intervenu en violation des droits de la défense, de l'article 24 de la loi du 12 avril 2000 et du droit d'être entendu consacré par l'article 41 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, en l'absence de possibilité de formuler des observations orales sur le délai de départ volontaire ;
- il viole l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dès lors qu'il était mineur à sa date d'édiction ;
- il est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- il porte atteinte à l'intérêt supérieur de l'enfant ;
- il contrevient aux stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
La requête a été communiquée au préfet de Vaucluse qui n'a pas produit de mémoire.
M. B...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du 20 avril 2018.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code civil ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le décret n° 2015-1740 du 24 décembre 2015 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Jorda-Lecroq a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M.B..., de nationalité ivoirienne, fait appel du jugement du magistrat désigné du tribunal administratif de Nîmes du 17 janvier 2018 ayant rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 3 janvier 2018 par lequel le préfet de Vaucluse l'a obligé à quitter le territoire français sans un délai et a fixé le pays de destination.
Sur le bien-fondé du jugement :
2. Aux termes de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : / 1° L'étranger mineur de dix-huit ans (...) ". Le premier alinéa de l'article L. 111-6 de ce code prévoit que : " La vérification de tout acte d'état civil étranger est effectuée dans les conditions définies par l'article 47 du code civil. ". Selon l'article 47 du code civil : " Tout acte de l'état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité. ". Enfin, aux termes de l'article 1er du décret du 24 décembre 2015 relatif aux modalités de vérification d'un acte de l'état civil étranger : " Lorsque, en cas de doute sur l'authenticité ou l'exactitude d'un acte de l'état civil étranger, l'autorité administrative saisie d'une demande d'établissement ou de délivrance d'un acte ou de titre procède ou fait procéder, en application de l'article 47 du code civil, aux vérifications utiles auprès de l'autorité étrangère compétente, le silence gardé pendant huit mois vaut décision de rejet. (...) ".
3. Il résulte de la combinaison de ces dispositions qu'en cas de doute sur l'authenticité ou l'exactitude d'un acte de l'état civil étranger et pour écarter la présomption d'authenticité dont bénéficie un tel acte, l'autorité administrative procède aux vérifications utiles ou y fait procéder auprès de l'autorité étrangère compétente. L'article 47 du code civil précité posant une présomption de validité des actes d'état civil établis par une autorité étrangère dans les formes usitées dans ce pays, il incombe à l'administration de renverser cette présomption en apportant la preuve du caractère irrégulier, falsifié ou non conforme à la réalité des actes en question. En cas de contestation par l'administration de la valeur probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger, il appartient au juge administratif de former sa conviction au vu de l'ensemble des éléments produits par les parties. Pour juger qu'un acte d'état civil produit devant lui est dépourvu de force probante, qu'il soit irrégulier, falsifié ou inexact, le juge doit en conséquence se fonder sur tous les éléments versés au dossier dans le cadre de l'instruction du litige qui lui est soumis.
4. Il ressort des pièces du dossier, et en particulier de l'enquête des experts en fraude documentaire de la police de l'air et des frontières, que l'extrait du registre des actes de l'état-civil ivoirien du 16 août 2017 produit par M. B... comportait des signes de falsification, tels que des alignements douteux du texte, des techniques d'impression non-conformes et des différences de taille de police de caractère. La fouille de M. B...a fait en outre apparaître que celui-ci était en possession d'un certificat de nationalité ivoirienne et d'une attestation d'identité ivoirienne, établis à son nom. Si ces documents ont été estimés authentiques par les analystes de la police aux frontières, ceux-ci ont toutefois relevé que la photographie apposée sur l'attestation d'identité ne correspondait pas à l'intéressé. En revanche, l'examen osseux réalisé le 30 octobre 2017 à la demande du procureur de la République, indiquant que le requérant était âgé de dix-neuf ans avec une marge d'erreur d'un an, n'est pas de nature à remettre en cause les mentions des actes d'état civil produits mentionnant une date de naissance le 27 décembre 2001. Les autorités ivoiriennes, interrogées sur l'authenticité des documents avant l'édiction de l'arrêté litigieux, ont fait savoir qu'elles ne répondaient pas aux demandes d'authentification de documents ivoiriens.
5. M. B... produit en appel le passeport, dont l'original a été présenté à la Cour, qui lui a été délivré le 31 octobre 2018 par les autorités ivoiriennes, ainsi qu'un certificat d'autorisation parentale du 28 mars 2018 accompagné de la carte nationale d'identité de sa mère. Ces documents, dont le préfet de Vaucluse ne conteste au demeurant pas l'authenticité, n'apparaissent ni irréguliers ni falsifiés. S'ils sont postérieurs à l'arrêté contesté, les faits qui y sont déclarés, en l'occurrence la date de naissance de M. B..., sont antérieurs à cet arrêté. Il ressort de ces documents, en particulier des mentions du passeport du requérant, que celui-ci est né le 27 décembre 2001 et était donc mineur à la date de l'arrêté. M. B...est, dès lors, fondé à soutenir que celui-ci méconnaît l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
6. Il résulte de ce qui précède que, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, M. B...est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné du tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande, et à demander l'annulation de ce jugement ainsi que de l'arrêté contesté.
Sur les frais liés à l'instance :
7. Il résulte des dispositions combinées de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative que l'avocat du bénéficiaire de l'aide juridictionnelle peut demander au juge de condamner la partie perdante à lui verser la somme correspondant à celle qu'il aurait réclamée à son client, si ce dernier n'avait pas eu l'aide juridictionnelle, à charge pour l'avocat qui poursuit, en cas de condamnation, le recouvrement de la somme qui lui a été allouée par le juge, de renoncer à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à la mission d'aide juridictionnelle qui lui a été confiée.
8. M. B... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale. Son avocat ne demande pas que soit mise à la charge de l'Etat à son profit la somme correspondant à celle qu'il aurait réclamée à son client, si ce dernier n'avait pas eu l'aide juridictionnelle. Les conclusions de M. B...présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent donc être rejetées.
D É C I D E :
Article 1er : Le jugement du 17 janvier 2018 du tribunal administratif de Nîmes et l'arrêté du 3 janvier 2018 du préfet de Vaucluse sont annulés.
Article 2 : Les conclusions de M. B...présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A...B...et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de Vaucluse.
Délibéré après l'audience du 16 mai 2019, où siégeaient :
- M. Vanhullebus, président,
- Mme Jorda-Lecroq, présidente-assesseure,
- MmeD..., première conseillère.
Lu en audience publique, le 29 mai 2019.
2
N° 18MA00787