Procédure devant la Cour :
I. Par une requête, enregistrée sous le n° 20MA04663 le 11 décembre 2020, M. E..., représenté par Me B..., demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du 29 juin 2020 ;
2°) d'annuler l'arrêté préfectoral du 1er mars 2018 ;
3°) d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône de lui délivrer le titre de séjour sollicité dans le délai d'un mois à compter de la décision à intervenir ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 400 euros, en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, à verser à Me B..., qui s'engage dans ce cas à renoncer à percevoir la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle.
Il soutient que :
- les premiers juges ont entaché leur jugement d'erreurs de droit et de fait ainsi que d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- l'arrêté en litige méconnaît les stipulations du 7) de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ;
- il est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle.
Par un mémoire en défense, enregistré le 1er mars 2021, le préfet des Bouches-du-Rhône conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que les moyens soulevés par M. E... ne sont pas fondés.
M. E... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 23 octobre 2020.
II. Par une requête, enregistrée sous le n° 20MA04666 le 11 décembre 2020, M. A... E..., représenté par Me B..., demande à la Cour :
1°) d'ordonner, sur le fondement de l'article R. 811-17 du code de justice administrative, le sursis à exécution du jugement du 29 juin 2020 ;
2°) d'enjoindre à l'autorité préfectorale de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour et de travail dans un délai de quinze jours à compter de la notification de la décision à intervenir ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 400 euros, en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, à verser à Me B..., qui s'engage dans ce cas à renoncer à percevoir la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle.
Il soutient que :
- eu égard en particulier à son état de santé, l'exécution du jugement attaqué aura des conséquences difficilement réparables pour lui-même ;
- les moyens précités de la requête au fond présentent un caractère sérieux.
Par un mémoire en défense, enregistré le 1er mars 2021, le préfet des Bouches-du-Rhône conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que les conditions du sursis à exécution ne sont pas remplies.
M. E... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 23 octobre 2020.
Vu les autres pièces des dossiers.
Vu :
- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- l'arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles R. 313-22, R. 313-23 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la Cour a désigné, par décision du 19 mars 2021, Mme Mylène D..., présidente, pour assurer les fonctions de présidente par intérim de la 3ème chambre à compter du 20 mars 2021, en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme D... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. E..., ressortissant algérien, né le 10 mars 1968, relève appel du jugement du 29 juin 2020 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 1er mars 2018 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour en qualité d'étranger malade et l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours en fixant le pays de destination.
2. Les affaires enregistrées sous les n° 20MA04663 et 20MA04666 sont dirigées contre le même jugement et ont fait l'objet d'une instruction commune. Il y a lieu de les joindre pour statuer par un même arrêt.
Sur la requête n° 20MA04663 :
En ce qui concerne la régularité du jugement :
3. Il appartient au juge d'appel non d'apprécier le bien-fondé des motifs par lesquels le juge de première instance s'est prononcé sur les moyens qui lui étaient soumis mais de se prononcer directement sur les moyens invoqués dont il est saisi dans le cadre de l'effet dévolutif de l'appel. Pour demander l'annulation du jugement attaqué, M. E... ne peut donc utilement se prévaloir des erreurs de droit, de fait ou manifeste d'appréciation que les premiers juges auraient commises en confirmant les décisions contestées.
En ce qui concerne les conclusions aux fins d'annulation :
4. Aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié : " Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : (...) / 7) au ressortissant algérien, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse pas effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans son pays ". Aux termes des dispositions de l'article R. 313-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, applicables aux ressortissants algériens : " Pour l'application du 11° de l'article L. 313-11, le préfet délivre la carte de séjour au vu d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé (...) ". L'article 6 de l'arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles R. 313-22, R. 313-23 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose, en outre : " Au vu du rapport médical mentionné à l'article 3, un collège de médecins désigné pour chaque dossier dans les conditions prévues à l'article 5 émet un avis, conformément au modèle figurant à l'annexe C du présent arrêté, précisant: a) si l'état de santé de l'étranger nécessite ou non une prise en charge médicale ; b) si le défaut de cette prise en charge peut ou non entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur son état de santé ; c) si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont le ressortissant étranger est originaire, il pourrait ou non y bénéficier effectivement d'un traitement approprié ; d) la durée prévisible du traitement. Dans le cas où le ressortissant étranger pourrait bénéficier effectivement d'un traitement approprié, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, le collège indique, au vu des éléments du dossier du demandeur, si l'état de santé de ce dernier lui permet de voyager sans risque vers ce pays (...) ".
5. Il résulte de ces stipulations et dispositions qu'il appartient à l'autorité administrative, lorsqu'elle envisage de refuser la délivrance d'un certificat de résidence à un ressortissant algérien qui en fait la demande au titre des stipulations du 7) de l'article 6 de l'accord franco-algérien, de vérifier, au vu de l'avis émis par le médecin mentionné à l'article R. 313-22 précité, que cette décision ne peut avoir de conséquences d'une exceptionnelle gravité sur l'état de santé de l'intéressé et, en particulier, d'apprécier, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, la nature et la gravité des risques qu'entraînerait un défaut de prise en charge médicale dans le pays dont l'étranger est originaire. Lorsque le défaut de prise en charge risque d'avoir des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur la santé de l'intéressé, l'autorité administrative ne peut légalement refuser le titre de séjour sollicité que s'il existe des possibilités de traitement approprié de l'affection en cause dans son pays d'origine. Si de telles possibilités existent mais que l'étranger fait valoir qu'il ne peut en bénéficier, soit parce qu'elles ne sont pas accessibles à la généralité de la population, eu égard notamment aux coûts du traitement ou à l'absence de modes de prise en charge adaptés, soit parce qu'en dépit de leur accessibilité, des circonstances exceptionnelles tirées des particularités de sa situation personnelle l'empêcheraient d'y accéder effectivement, il appartient à cette même autorité, au vu de l'ensemble des informations dont elle dispose, d'apprécier si l'intéressé peut ou non bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans son pays d'origine.
6. Il ressort des pièces du dossier que, saisi de la demande de titre de séjour de M. E... en qualité d'étranger malade, le préfet des Bouches-du-Rhône s'est notamment fondé sur l'avis rendu le 5 janvier 2018 par le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) lequel a estimé que si l'état de santé de l'intéressé nécessitait une prise en charge médicale dont le défaut pouvait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, son maintien sur le territoire français n'était pas nécessaire dès lors qu'il pouvait bénéficier d'un traitement approprié dans son pays d'origine, l'Algérie, vers lequel il pouvait voyager sans risque.
7. Pour contester l'appréciation sur son état de santé, M. E... fait valoir, comme en première instance, qu'il souffre, depuis l'âge de dix-neuf ans, d'un diabète de type 1 compliqué d'une rétinopathie, d'une insuffisance rénale nécessitant une dialyse trois fois par semaine et d'une neuropathie des membres inférieurs. Toutefois, les pièces médicales produites aux débats, dont de nombreux comptes rendus médicaux, si elles attestent de la pathologie rénale ainsi que des troubles vasculaires, neurologiques, articulaires, endocriniens, ORL et ophtalmologiques dont souffre le requérant, sont insuffisantes pour remettre utilement en cause l'appréciation portée par l'administration sur la disponibilité d'un traitement approprié en Algérie. A cet égard, les certificats médicaux, qui ne précisent pas le type de soins qui pourrait ne pas exister en Algérie, ainsi que les considérations générales sur le système de santé algérien et la prise en charge du diabète dans ce pays, ne sont pas de nature à remettre en cause l'appréciation portée par le collège de médecins de l'OFII et à établir que le requérant ne pourrait poursuivre son traitement en Algérie, où il a vécu jusqu'en mai 2016. Si le requérant se prévaut en particulier d'un certificat médical du 11 février 2020, qui indique que l'intéressé " est en attente depuis 2 ans de régularisation de ses droits sociaux afin de pouvoir bénéficier d'une greffe rénale ", d'un certificat d'un médecin algérien daté du 22 novembre 2018 mentionnant que le requérant n'a pas de " donneur apparenté vivant ", ainsi que de divers documents de presse relevant la difficulté de procéder à des greffes à partir de donneurs cadavériques en Algérie, de telles pièces ne sont pas de nature à établir qu'il ne pourrait subir une greffe dans son pays d'origine, ni que la greffe serait la seule voie de traitement possible. Enfin, en se bornant à faire état de l'éloignement du centre de dialyse qui le suivait avant son arrivée en France et à son indigence en Algérie, M. E... ne démontre pas ne pas pouvoir bénéficier de soins appropriés dans son pays d'origine, notamment en ne produisant aucune pièce sur son impécuniosité alléguée ou sur l'impossibilité pour lui d'accéder au système de sécurité sociale de son pays. Dans ces conditions, M. E... ne remet pas en cause l'appréciation portée par le collège des médecins de l'OFII quant à la disponibilité d'un traitement approprié en Algérie pour soigner sa pathologie. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations précitées du 7) de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié ne peut qu'être écarté.
8. M. E... reprend en appel, sans apporter d'éléments nouveaux, le moyen tiré d'une erreur manifeste d'appréciation des conséquences de l'arrêté contesté sur sa situation personnelle. Il y a lieu de l'écarter par adoption des motifs retenus par les premiers juges au point 7 du jugement attaqué.
9. Il résulte de tout ce qui précède que M. E... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, doivent être rejetées ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles présentées au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 11 juillet 1991.
Sur la requête n° 20MA04666 :
10. Le présent arrêt statuant au fond, les conclusions tendant à ce qu'il soit sursis à l'exécution du jugement contesté présentées par M. E..., dans sa requête enregistrée sous le n° 20MA04666, sont devenues sans objet. Il n'y a, par suite, pas lieu de statuer sur ces conclusions, ainsi que celles tendant à ce qu'il soit fait injonction à l'autorité préfectorale de délivrer au requérant une autorisation provisoire de séjour.
11. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions présentées, également dans cette requête, par M. E... sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 11 juillet 1991.
D E C I D E :
Article 1er : Il n'y a plus lieu de statuer sur les conclusions aux fins de sursis à exécution du jugement contesté, ainsi que celles aux fins d'injonction, présentées par M. E... dans sa requête n° 20MA04666.
Article 2 : La requête n° 20MA04663 de M. E... et ses conclusions présentées dans la requête n° 20MA0466 au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... E..., à Me B... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet des Bouches-du-Rhône.
Délibéré après l'audience du 22 avril 2021, où siégeaient :
- Mme D..., présidente assesseure, présidente de la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,
- Mme C..., première conseillère,
- Mme F..., première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 11 mai 2021.
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N° 20MA04663, 20MA04666
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