Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 13 juin 2019, et un mémoire en réplique enregistré le 3 août 2020, M. E..., représenté par Me D..., demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Marseille en tant qu'il a rejeté le surplus de sa demande en son article 3 ;
2°) de prononcer la décharge des impositions restant en litige ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- il n'a pas bénéficié d'un débat oral et contradictoire suffisant, faute notamment de transmission des relevés bancaires avant les entretiens réalisés avec le vérificateur ; les copies de chèques sollicitées n'ont été transmises que quelques semaines avant la mise en recouvrement ; l'examen de sa situation fiscale personnelle s'est irrégulièrement poursuivi après l'envoi de la proposition de rectification, du fait de la réalisation de traitements sur des crédits bancaires d'origine inconnue pour un montant de 202 733,18 euros ; le service a également tenu compte, pour qualifier les sommes en litige de bénéfices non commerciaux, d'un procès-verbal du 9 décembre 2014 obtenu auprès de l'autorité judiciaire le 11 décembre 2014 ; il a été privé de la possibilité effective de saisir les organes de conciliation à la lumière de ces nouveaux éléments, en méconnaissance des droits à la défense ;
- la réponse aux observations du contribuable n'était pas suffisamment motivée, faute d'expliquer pour quelle raison l'administration écartait son argumentation tenant à l'existence de retraits en espèces pour remise à des tiers ; l'administration doit, en conséquence, être regardée comme ayant accepté tacitement ses observations, justifiant une réduction en base des rappels à hauteur de 94 038,12 euros ;
- en l'absence de contrepartie, les sommes en litige n'entrent pas dans le champ d'application de l'article 92 du code général des impôts ; en effet, aucun élément ne permet de caractériser un lien direct entre les encaissements et des relations sexuelles ; en tout état de cause, si ces sommes étaient regardées comme la contrepartie d'un travail, elles relèveraient de la catégorie des traitements et salaires.
Par un mémoire en défense, enregistré le 4 novembre 2019, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par M. E... ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme B...,
- les conclusions de Mme Courbon, rapporteur public,
- et les observations de Me D..., représentant M. E....
Considérant ce qui suit :
1. M. E... a fait l'objet d'un examen contradictoire de sa situation fiscale personnelle pour les années 2011, 2012 et 2013, à l'issue duquel l'administration lui a notifié, par proposition de rectification du 12 décembre 2014 selon la procédure contradictoire, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu, de contributions sociales et de contribution exceptionnelle sur les hauts revenus au titre de l'année 2011. M. E... a saisi le tribunal administratif de Marseille d'une demande en décharge de ces impositions supplémentaires à laquelle ce tribunal, par un jugement du 10 avril 2019, a partiellement fait droit en réduisant la base de l'impôt sur le revenu qui lui a été assigné au titre de l'année 2011 d'une somme de 8 400 euros. M. E... fait appel de ce jugement en tant qu'il a rejeté le surplus de sa demande.
Sur la régularité de la procédure d'imposition :
2. En premier lieu, le caractère contradictoire que doit revêtir l'examen de la situation fiscale personnelle d'un contribuable au regard de l'impôt sur le revenu en vertu des articles L. 47 à L. 50 du livre des procédures fiscales interdit au vérificateur d'adresser la notification de redressement qui, selon l'article L. 48, marque l'achèvement de cet examen, sans avoir au préalable engagé un dialogue contradictoire avec le contribuable sur les points qu'il envisage de retenir. Cette obligation n'implique cependant pas que l'administration soumette au débat l'ensemble des éléments qu'elle avait rassemblés à cet effet.
3. M. E... soutient qu'il a été privé d'un débat oral et contradictoire avant la notification de la proposition de rectification du 12 décembre 2014. Il résulte de l'instruction qu'avant l'envoi de cette proposition de rectification, le vérificateur a rencontré M. E..., en présence de son conseil, le 24 octobre 2014 puis uniquement son conseil, à la demande de l'intéressé, le 9 décembre 2014. Il résulte notamment du compte rendu du premier entretien, établi le 7 novembre 2014 et non démenti sur ce point par le courrier de réponse du conseil de M. E... du 5 décembre 2014, qu'ont été évoqués, à cette occasion, les comptes bancaires identifiés par l'administration au nom de M. E..., l'exercice du droit de communication réalisé auprès des établissements bancaires concernés, la possibilité pour l'intéressé de demander communication des pièces obtenues en application de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales, le montant total des crédits en litige ainsi que leur provenance en lien, directement ou indirectement, avec M. B. Par courrier du 18 novembre 2014, qui comportait en annexe le détail par banque des crédits relevés au cours de l'année 2011 pour un montant total de 94 635,73 euros auprès de l'établissement LCL, 52 772 euros auprès de l'établissement La Banque Postale et 250 107,62 euros auprès de l'établissement Caisse d'Epargne, M. E... était convoqué en vue d'un nouvel entretien le 9 décembre 2014. Il ressort de la proposition de rectification, non utilement contredite sur ce point, qu'à l'occasion de ce second entretien, ont été évoqués non seulement les crédits portés aux comptes de M. E... et leur origine, mais également leur qualification fiscale. Il ressort également de la proposition de rectification que les copies des relevés bancaires LCL et Banque Postale ont alors été remises à son conseil qui en avait sollicité la communication dans des courriers du 27 octobre 2014 et du 5 décembre 2014. L'intéressé ne peut utilement soutenir que ces documents, compte tenu du nombre de crédits bancaires concernés, les copies de chèques et son procès-verbal d'audition par le SRPJ de Marseille auraient dû être portés à sa connaissance dans le cadre de nouveaux échanges avec le vérificateur dès lors que les deux rencontres effectuées et les courriers transmis, à l'occasion desquels des pièces justificatives du contrôle ont été produites, lui permettaient de faire valoir utilement ses observations devant l'administration. Par suite, M. E... n'est pas fondé à soutenir qu'il aurait été privé de la possibilité d'engager utilement avec le vérificateur un dialogue contradictoire, qui au demeurant ne devait pas nécessairement revêtir un caractère oral.
4. En deuxième lieu, l'intéressé n'est pas fondé à soutenir que le principe du respect des droits de la défense aurait été méconnu, faute de transmission avant l'expiration des délais de saisine des organes de conciliation des copies de chèques, obtenues par l'administration dans l'exercice de son droit de communication et portées à la connaissance de l'intéressé, avant la mise en recouvrement, dans les conditions prévues par l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales.
5. En troisième lieu, il ne résulte pas de l'instruction que les opérations de contrôle se soient poursuivies au-delà de la date de notification de la proposition de rectification, l'exclusion de certains crédits bancaires, à hauteur de 28 306 euros, résultant des observations du contribuable qui avait exprimé son désaccord sur ces rectifications.
6. Enfin, aux termes du dernier alinéa de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales : " Lorsque l'administration rejette les observations du contribuable, sa réponse doit également être motivée ". Il résulte de ces dispositions que l'exigence de motivation de la réponse aux observations du contribuable qui s'impose à l'administration dans ses relations avec le contribuable vérifié s'apprécie au regard de l'argumentation développée par celui-ci dans ses observations.
7. Il résulte de l'instruction que l'administration, qui n'est pas tenue de répondre à tous les arguments du contribuable formulés sur les rectifications notifiées, a répliqué de manière détaillée, dans une lettre de dix pages, à l'essentiel des observations de M. E.... Dans ces conditions, alors même qu'elle n'indique pas pourquoi une partie des sommes en litige n'a pas été regardée comme remise à un tiers, la réponse aux observations du contribuable est suffisamment motivée au regard de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales.
Sur le bien-fondé de l'imposition :
8. Aux termes du 1 de l'article 92 du code général des impôts : " Sont considérés comme provenant de l'exercice d'une profession non commerciale ou comme revenus assimilés aux bénéfices non commerciaux, les bénéfices des professions libérales, des charges et offices dont les titulaires n'ont pas la qualité de commerçants et de toutes occupations, exploitations lucratives et sources de profits ne se rattachant pas à une autre catégorie de bénéfices ou de revenus. (...) ". Ces dispositions ne permettent, dans le cas des personnes dont le train de vie est assuré par des subsides qu'elles reçoivent d'un tiers, de soumettre à l'impôt, comme constituant des revenus, les sommes ainsi perçues que si l'ensemble des circonstances de l'affaire fait ressortir que le versement de ces subsides n'a pas le caractère d'une pure libéralité.
9. Il résulte de l'instruction qu'au cours de l'année 2011, M. E... a encaissé sur ses comptes bancaires de multiples chèques émis directement par M. B. ou indirectement par l'intermédiaire de structures dont il était dirigeant, pour un montant total de 297 086 euros. Si M. E... fait valoir que l'administration n'établirait pas l'existence d'une contrepartie à ces versements, il ressort de son procès-verbal d'audition devant les services de police qu'il a reconnu avoir accepté des relations sexuelles avec M. B. au motif qu'il l'aidait financièrement, que les sommes variaient de 100 euros à 300 euros suivant le bon vouloir de ce dernier et qu'un troisième homme participait parfois à ces rencontres auquel il devait reverser une partie de l'argent. Les sommes en cause n'ont, par suite, pas le caractère de libéralités. En outre, si M. E... conteste également le rattachement des sommes en litige à la catégorie des bénéfices non commerciaux en faisant valoir qu'elles pourraient, tout au plus, être requalifiées en traitements et salaires, il ne verse aucun élément corroborant l'existence d'un lien de subordination entre lui et M. B. Compte tenu de leur importance et de leur régularité, les sommes en litige ont constitué pour M. E... une source de profit ne se rattachant pas à une autre catégorie de revenus et étaient imposables, par suite, dans la catégorie des bénéfices non commerciaux. Dès lors, c'est à bon droit qu'elles ont été soumises à l'impôt sur le revenu sur le fondement des dispositions précitées du 1 de l'article 92 du code général des impôts.
10. Il résulte de tout ce qui précède que M. E... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande. Il y a lieu, par voie de conséquence, de rejeter ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de M. E... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... E... et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.
Copie en sera adressée à la direction de contrôle fiscal Sud-Est Outre-mer.
Délibéré après l'audience du 5 novembre 2020, à laquelle siégeaient :
- M. Lascar, président,
- Mme C... et Mme B..., premiers conseillers.
Lu en audience publique, le 19 novembre 2020.
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N° 19MA02750
mtr