Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 18 décembre 2019, M. E... représenté par Me B..., demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nice du 12 novembre 2019 ;
2°) d'annuler, à titre principal, l'arrêté du préfet des Alpes-Maritimes du 12 septembre 2019 ;
3°) à titre subsidiaire, de suspendre l'exécution de l'obligation de quitter le territoire national ;
4°) d'enjoindre au préfet des Alpes-Maritimes de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour " et/ou " de renouveler son attestation de demandeur d'asile ;
5°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- l'arrêté en litige a été pris en méconnaissance du droit d'être entendu garanti par l'article 41 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ; le premier juge a entaché son jugement d'une erreur de motivation sur ce point ;
- il bénéficie du droit au maintien sur le territoire français prévu par l'article L. 743-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le préfet des Alpes-Maritimes n'était pas compétent pour refuser l'admission au séjour au titre de l'asile, et le premier juge a commis une erreur de motivation, sinon une erreur de droit, sur ce point ;
- le premier juge a entaché son jugement d'une erreur de motivation quant à l'application de l'article L. 313-11 11° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- l'arrêté en litige méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le premier juge a considéré à tort qu'il ne se prévalait d'aucun élément sérieux de nature à justifier la suspension de l'exécution de la mesure d'éloignement.
La requête a été communiquée au préfet des Alpes-Maritimes qui n'a pas produit de mémoire en défense.
M. E... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision en date du 26 juin 2019.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- la directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 relative aux normes et procédures communes applicables dans les Etats membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme D... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. E..., de nationalité géorgienne né le 20 juillet 1961, a présenté une demande d'asile auprès de la préfecture des Alpes-Maritimes le 9 janvier 2019. L'Office français de protection des réfugiés et apatrides a rejeté cette demande par une décision du 12 août 2019 notifiée le 27 août 2019. M. E... relève appel du jugement du 12 novembre 2019 du tribunal administratif de Nice qui a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 12 septembre 2019 par lequel le préfet des Alpes-Maritimes a rejeté sa demande de titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement.
Sur la régularité du jugement contesté :
2. Il appartient au juge d'appel non d'apprécier le bien-fondé des motifs par lesquels le juge de première instance s'est prononcé sur les moyens qui lui étaient soumis mais de se prononcer directement sur les moyens invoqués dont il est saisi dans le cadre de l'effet dévolutif de l'appel. Pour demander l'annulation du jugement attaqué, M. E... ne peut donc utilement se prévaloir des erreurs de droit ou de motivation que le premier juge aurait commises dans l'application de certaines dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ou du droit de l'Union.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
3. En premier lieu, il résulte de la jurisprudence de la Cour de Justice de l'Union européenne que le droit d'être entendu fait partie intégrante du respect des droits de la défense, principe général du droit de l'Union. Il appartient aux Etats membres, dans le cadre de leur autonomie procédurale, de déterminer les conditions dans lesquelles le respect de ce droit est assuré. Ce droit se définit comme celui de toute personne de faire connaître, de manière utile et effective, son point de vue au cours d'une procédure administrative avant l'adoption de toute décision susceptible d'affecter de manière défavorable ses intérêts. Il ne saurait cependant être interprété en ce sens que l'autorité nationale compétente est tenue, dans tous les cas, d'entendre l'intéressé lorsque celui-ci a déjà eu la possibilité de présenter, de manière utile et effective, son point de vue sur la décision en cause. Le droit d'être entendu préalablement à l'adoption d'une décision de retour implique que l'autorité administrative mette le ressortissant étranger en situation irrégulière à même de présenter, de manière utile et effective, son point de vue sur l'irrégularité de son séjour et les motifs qui seraient susceptibles de justifier que l'autorité s'abstienne de prendre à son égard une décision de retour. Il n'implique toutefois pas que l'administration ait l'obligation de mettre l'intéressé à même de présenter ses observations de façon spécifique sur la décision l'obligeant à quitter le territoire français, dès lors qu'il a pu être entendu sur l'irrégularité du séjour ou la perspective de l'éloignement. Il ressort des pièces du dossier que M. E... ne fait état d'aucun élément d'information ou argument qu'il n'aurait pu porter à la connaissance de l'administration avant l'édiction de la décision en litige. Le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 41 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne doit donc être écarté.
4. En deuxième lieu, d'une part, aux termes du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne, d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse et qui n'est pas membre de la famille d'un tel ressortissant au sens des 4° et 5° de l'article L. 121-1, lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : (...) / 6° Si (...) l'étranger ne bénéficie plus du droit de se maintenir sur le territoire français en application des articles L. 743-1 et L. 743-2 , à moins qu'il ne soit titulaire d'un titre de séjour en cours de validité (...) ".
5. D'autre part aux termes de l'article L. 743-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Le demandeur d'asile dont l'examen de la demande relève de la compétence de la France et qui a introduit sa demande auprès de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides bénéficie du droit de se maintenir sur le territoire français jusqu'à la notification de la décision de l'office ou, si un recours a été formé, dans le délai prévu à l'article L. 731-2 contre une décision de rejet de l'office, soit jusqu'à la date de la lecture en audience publique de la décision de la Cour nationale du droit d'asile, soit, s'il est statué par ordonnance, jusqu'à la date de la notification de celle-ci (...) ". L'article L. 743-2 du même code dispose que : " Par dérogation à l'article L. 743-1, (...), le droit de se maintenir sur le territoire français prend fin et l'attestation de demande d'asile peut être refusée, retirée ou son renouvellement refusé lorsque : (...) / 7° L'office a pris une décision de rejet dans les cas prévus au I et au 5° du III de l'article L. 723-2 (...) ". Selon le I de l'article L. 723-2 auquel il est ainsi renvoyé : " L'office statue en procédure accélérée lorsque : / 1° Le demandeur provient d'un pays considéré comme un pays d'origine sûr en application de l'article L. 722-1 (...) ". Enfin, le premier alinéa de l'article L. 743-3 de ce code prévoit que : " L'étranger (...) qui ne bénéficie plus du droit de se maintenir sur le territoire français en application de l'article L. 743-2 et qui ne peut être autorisé à demeurer sur le territoire à un autre titre doit quitter le territoire français, sous peine de faire l'objet d'une mesure d'éloignement prévue au titre Ier du livre V (...) ".
6. Il ressort des pièces du dossier que la demande d'asile déposée par M. E..., ressortissant géorgien, a été rejetée par une décision du directeur général de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du 12 août 2019 statuant en procédure accélérée sur le fondement du 1° du I de l'article L. 723-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Il est constant que cette décision a été notifiée à l'intéressé le 27 août 2019. Il résulte des dispositions citées aux points 2 et 3 que M. E..., ressortissant d'un pays d'origine sûr dont la situation entrait dans le champ des dispositions du 7° de l'article L. 743-2 du même code, ne disposait plus du droit de se maintenir sur le territoire français et pouvait faire l'objet d'un rejet de sa demande de titre de séjour ainsi que d'une mesure d'éloignement, quand bien même il avait déposé une demande d'aide juridictionnelle auprès du bureau d'aide juridictionnelle de la Cour nationale du droit d'asile. Par suite, les moyens tirés de la méconnaissance de l'article L. 743-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de l'incompétence du préfet pour rejeter sa demande de titre de séjour doivent être écartés.
7. En troisième lieu, M. E... soutient avoir adressé au préfet des Alpes-Maritimes une demande de titre de séjour en qualité d'étranger malade, il n'a toutefois produit aucune pièce attestant du dépôt d'une telle demande. Par suite, il ne peut utilement se prévaloir de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 313-11 11° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
8. En quatrième lieu, aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ".
9. M. E..., en se bornant à soutenir qu'il encourt des risques en cas de retour en Géorgie du fait de son état de santé, sans apporter aucun élément que ceux produits devant l'office français de protection des réfugiés et apatrides, n'établit pas l'existence d'un risque actuel et personnel d'être exposé à des traitements inhumains ou dégradants en cas de retour dans son pays d'origine. Le moyen tiré d'une méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit dès lors être rejeté.
10. En cinquième lieu, aux termes du second alinéa de l'article L. 743-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Dans le cas où le droit de se maintenir sur le territoire a pris fin en application des 4° bis ou 7° de l'article L. 743-2, l'étranger peut demander au président du tribunal administratif ou au magistrat désigné statuant sur le recours formé en application de l'article L. 512-1 contre l'obligation de quitter le territoire français de suspendre l'exécution de la mesure d'éloignement jusqu'à l'expiration du délai de recours devant la Cour nationale du droit d'asile ou, si celle-ci est saisie, soit jusqu'à la date de la lecture en audience publique de la décision de la cour, soit, s'il est statué par ordonnance, jusqu'à la date de la notification de celle-ci. Le président du tribunal administratif ou le magistrat désigné à cette fin fait droit à la demande de l'étranger lorsque celui-ci présente des éléments sérieux de nature à justifier, au titre de sa demande d'asile, son maintien sur le territoire durant l'examen de son recours par la cour ".
11. M. E... ne faisant état d'aucun élément sérieux de nature à justifier son maintien en France durant l'examen de son recours par la Cour nationale du droit d'asile, ses conclusions tendant à la suspension de l'exécution de la mesure d'éloignement prise à son encontre ne pouvaient qu'être rejetées.
12. Il résulte de tout ce qui précède que M. E... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 12 septembre 2019 par lequel le préfet des Alpes-Maritimes a rejeté sa demande de titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement. Il y a lieu, par voie de conséquence, de rejeter ses conclusions aux fins d'injonction ainsi que celles tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de M. E... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... E..., à Me B... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet des Alpes-Maritimes.
Délibéré après l'audience du 5 novembre 2020, à laquelle siégeaient :
- M. Lascar, président,
- Mme D... et Mme C..., premiers conseillers.
Lu en audience publique, le 19 novembre 2020.
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N° 19MA05742
mtr