Par un jugement n° 1901198 en date du 18 juin 2019, le tribunal administratif de Marseille a rejeté cette demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 15 novembre 2019, Mme B... épouse F... représentée par Me A..., demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Marseille du 18 juin 2019 ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet des Bouches-du-Rhône du 23 mai 2018 ;
3°) d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône, à titre principal, de lui délivrer un certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " dans le délai de quinze jours à compter de la date de notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, à titre subsidiaire, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour et de procéder au réexamen de sa situation dans le délai d'un mois à compter de la date de notification de l'arrêt à intervenir ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
S'agissant de la décision portant refus de séjour :
- l'avis émis par le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration est irrégulier en ce que le collège s'est abstenu de préciser si elle avait été convoquée, si des examens complémentaires avaient été demandés et si elle avait été conduite à justifier son identité ;
- cette décision méconnaît les dispositions de l'article 6-1, alinéa 7 de l'accord franco-algérien ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation quant à ses conséquences sur sa situation personnelle ;
S'agissant de la décision portant obligation de quitter le territoire français :
- elle est illégale en raison de l'illégalité de la décision de refus de titre de séjour ;
- elle est contraire aux dispositions du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation quant à ses conséquences sur sa situation personnelle ;
S'agissant de la décision fixant le pays de destination :
- elle est illégale en raison de l'illégalité des décisions portant refus de séjour et obligation de quitter le territoire français.
La requête a été communiquée au préfet des Bouches-du-Rhône qui n'a pas produit de mémoire en défense.
Mme B... épouse F... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 6 septembre 2019.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;
- l'arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles R. 313-22, R. 313-23 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme D... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme B... épouse F..., de nationalité algérienne, née le 20 octobre 1971, relève appel du jugement du 18 juin 2019 du tribunal administratif de Marseille qui a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 23 mai 2018 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône a refusé le renouvellement de son titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
En ce qui concerne la légalité de la décision portant refus de séjour :
2. En premier lieu, aux termes de l'article R. 313-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Pour l'application du 11° de l'article L. 313-11, le préfet délivre la carte au vu d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. / L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé (...) ". Selon l'article R. 313-23 du code précité : " Le rapport médical visé à l'article R. 313-22 est établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration à partir d'un certificat médical établi par le médecin qui le suit habituellement ou par un médecin praticien hospitalier inscrits au tableau de l'ordre, dans les conditions prévues par l'arrêté mentionné au deuxième alinéa de l'article R. 313-22. Le médecin de l'office peut solliciter, le cas échéant, le médecin qui suit habituellement le demandeur ou le médecin praticien hospitalier. Il en informe le demandeur. Il peut également convoquer le demandeur pour l'examiner et faire procéder aux examens estimés nécessaires. (...) L'avis est rendu par le collège dans un délai de trois mois à compter de la transmission par le demandeur des éléments médicaux conformément à la première phrase du premier alinéa. Lorsque le demandeur n'a pas présenté au médecin de l'office ou au collège les documents justifiant son identité, n'a pas produit les examens complémentaires qui lui ont été demandés ou n'a pas répondu à la convocation du médecin de l'office ou du collège qui lui a été adressée, l'avis le constate. L'avis est transmis au préfet territorialement compétent, sous couvert du directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. ".
3. Aux termes de l'article 4 de l'arrêté du 27 décembre 2016 : " Pour l'établissement de son rapport médical, le médecin de l'office peut demander, dans le respect du secret médical, tout complément d'information auprès du médecin ayant renseigné le certificat médical et faire procéder à des examens complémentaires. / Le médecin de l'office, s'il décide, pour l'établissement du rapport médical, de solliciter un complément d'information auprès du médecin qui a renseigné le certificat médical, en informe le demandeur. / Il peut convoquer, le cas échéant, le demandeur auprès du service médical de la délégation territoriale compétente. (...) ". L'article 6 de cet arrêté dispose que : " Au vu du rapport médical mentionné à l'article 3, un collège de médecins désigné pour chaque dossier dans les conditions prévues à l'article 5 émet un avis, conformément au modèle figurant à l'annexe C du présent arrêté, précisant : a) si l'état de santé de l'étranger nécessite ou non une prise en charge médicale ; b) si le défaut de cette prise en charge peut ou non entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur son état de santé ; c) si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont le ressortissant étranger est originaire, il pourrait ou non y bénéficier effectivement d'un traitement approprié ; d) la durée prévisible du traitement. Dans le cas où le ressortissant étranger pourrait bénéficier effectivement d'un traitement approprié, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, le collège indique, au vu des éléments du dossier du demandeur, si l'état de santé de ce dernier lui permet de voyager sans risque vers ce pays. Le collège peut délibérer au moyen d'une conférence téléphonique ou audiovisuelle. L'avis émis à l'issue de la délibération est signé par chacun des trois médecins membres du collège ".
4. Il résulte des dispositions précitées aux points 6 et 7, qu'il appartient à l'autorité administrative, lorsqu'elle envisage de refuser la délivrance d'un titre de séjour en qualité d'étranger malade, de vérifier, au vu de l'avis émis par le collège des médecins de l'OFII, que cette décision ne peut avoir de conséquences d'une exceptionnelle gravité sur l'état de santé de l'intéressé et, en particulier, d'apprécier, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, la nature et la gravité des risques qu'entraînerait un défaut de prise en charge médicale dans le pays dont l'étranger est originaire. Lorsque le défaut de prise en charge risque d'avoir des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur la santé de l'intéressé, l'autorité administrative ne peut légalement refuser le titre de séjour sollicité que s'il existe des possibilités de traitement approprié de l'affection en cause dans son pays d'origine. Si de telles possibilités existent mais que l'étranger fait valoir qu'il ne peut en bénéficier, soit parce qu'elles ne sont pas accessibles à la généralité de la population, eu égard notamment aux coûts du traitement ou à l'absence de modes de prise en charge adaptés, soit parce qu'en dépit de leur accessibilité, des circonstances exceptionnelles tirées des particularités de sa situation personnelle l'empêcheraient d'y accéder effectivement, il appartient à cette même autorité, au vu de l'ensemble des informations dont elle dispose, d'apprécier si l'intéressé peut ou non bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans son pays d'origine.
5. Si Mme B... épouse F... soutient que l'avis du 28 mars 2018 du collège des médecins de l'OFII est incomplet et, par suite, irrégulier, dès lors que les précisions relatives aux investigations complémentaires menées au cours de l'instruction par les services de l'OFII, qualifiées " d'éléments de procédure " par les dispositions précitées de l'article 6 de l'arrêté du 27 décembre 2016, ne sont pas renseignées sur ce document, il résulte toutefois des dispositions précitées du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de l'arrêté du 27 décembre 2016, et notamment de son article 4, que la faculté pour l'auteur du rapport médical préalable ou pour les membres du collège de procéder à des vérifications complémentaires ne présente pas un caractère obligatoire. Dès lors, si le médecin instructeur ou le collège ne font pas usage de cette faculté, l'avis du collège n'a pas à comporter d'indication relative à de telles vérifications complémentaires. Il ne ressort pas des pièces du dossier que le médecin rapporteur de l'OFII aurait, au stade de l'élaboration de son rapport, fait convoquer Mme B... épouse F... pour examen ou fait procéder à une justification de son identité. Par ailleurs, il ne ressort pas des pièces du dossier que d'autres vérifications complémentaires, effectivement sollicitées, auraient été conduites sans pour autant être mentionnées sur cet avis. Ce moyen doit, par suite, être écarté.
6. Aux termes de l'article 6-1, 7) de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 : " Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : (...) 7) au ressortissant algérien, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse pas effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans son pays. ".
7. En deuxième lieu, il ressort des pièces du dossier que, par un avis du 28 mars 2018, le collège des médecins de l'OFII a estimé que si l'état de santé de la requérante nécessite une prise en charge médicale, son défaut ne devrait pas entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité. Il ressort également des pièces du dossier que l'appelante souffre d'une poliomyélite au niveau du membre inférieur gauche limitant son périmètre de marche. Elle a subi à l'Hôpital européen de Marseille, le 26 septembre 2016, une opération chirurgicale. S'il ressort du rapport médical transmis par le Dr B. au collège de médecins de l'OFII qu'une opération tendant à la pose d'une prothèse totale de genou ainsi qu'une viscosupplémentation sont susceptibles d'intervenir à l'avenir, aucun élément attestant du caractère imminent de ces actes médicaux n'est versé au dossier. Les diverses pièces médicales produites à l'instance ne permettent pas d'infirmer l'avis du collège de l'OFII dès lors que ces documents ne se prononcent pas précisément sur les conséquences de l'absence de prise en charge médicale sur l'état de santé de l'intéressée. En outre, si l'impossibilité de bénéficier effectivement d'un traitement approprié en Algérie ne peut être utilement invoquée par la requérante au regard des motifs invoqués par le préfet des Bouches-du-Rhône, ce dernier produit au demeurant des éléments permettant d'établir que la requérante pourra être effectivement suivie dans son pays d'origine. Dans ces conditions, et alors même que le préfet avait auparavant délivré à l'intéressée trois autorisations provisoires de séjour valable du 7 juillet 2016 au 13 mars 2018, c'est sans méconnaître les dispositions précitées de l'accord franco-algérien que le préfet des Bouches-du-Rhône a pu légalement refuser à l'intéressée la délivrance d'un certificat de résidence en qualité d'étranger malade.
8. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
9. Il ressort des pièces du dossier que Mme B... épouse F... est entrée en France le 10 août 2015 à l'âge de quarante-trois ans, qu'elle a vécu la plus grande partie de sa vie dans son pays d'origine où demeurent sa mère et l'ensemble de sa fratrie. Célibataire, sans enfant et sans aucune insertion socio-professionnelle à la date de la décision en litige, elle est hébergée par un centre d'hébergement de nuit. Si elle se prévaut de son mariage avec un ressortissant français le 22 juin 2019, cette circonstance est postérieure à la décision en litige. Dès lors, Mme B... épouse F... n'est pas fondée à soutenir que la décision en litige aurait été prise en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Pour les mêmes motifs, la requérante n'est pas fondée à soutenir que le préfet des Bouches-du-Rhône aurait commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de sa décision sur sa situation personnelle.
En ce qui concerne la légalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français :
10. Pour les motifs indiqués aux points 4 à 9, Mme B... épouse F... n'est pas fondée à invoquer par voie d'exception, contre la décision contestée, l'illégalité de la décision portant refus de titre de séjour.
11. Les moyens tirés de la violation des dispositions de l'article L. 511-4-10° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'erreur manifeste d'appréciation doivent être écartés pour les mêmes motifs que ceux exposés aux points 5 à 9.
En ce qui concerne la légalité de la décision fixant le pays de destination :
12. Le moyen tiré de l'exception d'illégalité des décisions portant refus de renouvellement du titre de séjour et obligation de quitter le territoire français, invoqué au soutien de la demande d'annulation de la décision fixant le pays de renvoi, ne peut qu'être écarté dès lors, qu'ainsi qu'il a été dit, ces décisions ne sont pas entachées d'illégalité.
13. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B... épouse F... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 23 mai 2018 du préfet des Bouches-du-Rhône.
Sur les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte :
14. Le présent arrêt qui rejette les conclusions à fin d'annulation présentées par Mme B... épouse F... n'implique aucune mesure d'exécution. Il y a lieu, par suite, de rejeter les conclusions à fin d'injonction et d'astreinte de Mme B... épouse F....
Sur les frais liés au litige :
15. Les dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, tout ou partie de la somme que le conseil de Mme B... épouse F... demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de Mme B... épouse F... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... B... épouse F..., à Me A... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet des Bouches-du-Rhône.
Délibéré après l'audience du 8 octobre 2020, où siégeaient :
- M. Lascar, président,
- Mme E..., présidente assesseure,
- Mme D..., première conseillère.
Lu en audience publique, le 22 octobre 2020.
8
N° 19MA04941
mtr