Procédure devant la Cour :
I - Par une requête, enregistrée le 17 janvier 2018 sous le n° 18MA00298, Mme B..., représentée par Me D..., demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du 6 novembre 2017 du tribunal administratif de Marseille ;
2°) d'annuler l'arrêté du 24 janvier 2017 du préfet des Bouches-du-Rhône ;
3°) d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône de lui délivrer un certificat de résidence algérien d'un an dans un délai d'un mois à compter de la notification de la décision à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard et, à défaut, d'instruire à nouveau sa demande et de prendre une décision dans le mois de la notification de la décision à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard, ladite astreinte courant pendant un délai de trois mois après lequel elle pourra être liquidée et une nouvelle astreinte fixée, et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour durant le temps de l'examen de sa demande ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, ce règlement emportant renonciation à l'indemnité versée au titre de l'aide juridictionnelle.
Elle soutient que :
Sur la décision de refus de titre de séjour :
- le préfet a entaché sa décision d'un défaut d'examen particulier de sa demande ;
- la décision attaquée méconnaît les stipulations de l'article 6 alinéa 1-5 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié et de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ;
- le préfet a commis une erreur manifeste d'appréciation ;
- la décision attaquée méconnaît les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant signée à New York le 26 janvier 1990 ;
Sur l'obligation de quitter le territoire français :
- la décision l'obligeant à quitter le territoire est insuffisamment motivée en tant qu'elle porte refus d'octroi d'un délai de départ volontaire supérieur à trente jours ;
- cette décision est illégale par voie de conséquence de l'illégalité de la décision de refus de séjour ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation des conséquences de sa décision sur sa situation personnelle ;
- l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant a également été méconnu.
Par un mémoire en défense, enregistré le 25 janvier 2018, le préfet des Bouches-du-Rhône se rapporte à son mémoire produit en première instance et conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par Mme B... ne sont pas fondés.
II - Par une requête, enregistrée le 17 janvier 2018 sous le n° 18MA00299, Mme B..., représentée par Me D..., demande à la Cour :
1°) d'ordonner, sur le fondement de l'article R. 811-17 du code de justice administrative, le sursis à exécution du jugement du 6 novembre 2017 du tribunal administratif de Marseille ;
2°) d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour portant droit au travail jusqu'à ce qu'il soit statué sur sa requête au fond dans un délai de huit jours à compter de la notification de la décision à intervenir ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
- l'exécution du jugement attaqué risque d'entraîner des conséquences difficilement réparables ;
- les moyens énoncés dans sa requête présentent un caractère sérieux.
Par un mémoire en défense, enregistré le 25 janvier 2018, le préfet des Bouches-du-Rhône conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par Mme B... ne sont pas fondés.
Mme B... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale dans chaque affaire par une décision du 15 décembre 2017.
Vu les autres pièces des dossiers.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ;
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant signée à New York le 26 janvier 1990 ;
- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée relative à l'aide juridique ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique les rapports de Mme Paix.
Considérant ce qui suit :
1. Les requêtes n° 18MA00298 et n° 18MA00299, présentées pour Mme B..., présentent à juger des questions semblables et ont fait l'objet d'une instruction commune. Il y a lieu de les joindre pour qu'elles fassent l'objet d'un même arrêt.
2. Mme B..., ressortissante algérienne née le 23 juin 1986 et entrée en France le 14 septembre 2015 avec un visa États Schengen valable du 20 août 2015 au 15 février 2016, demande à la Cour, par sa requête enregistrée sous le n° 18MA00298, d'annuler le jugement du 6 novembre 2017 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande d'annulation de l'arrêté du 24 janvier 2017 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour, a assorti ce refus d'une obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours à compter de sa notification et a fixé le pays de destination. Par sa requête enregistrée sous le n° 18MA00299, elle demande le sursis à exécution du même jugement.
Sur les conclusions tendant à l'annulation du jugement :
S'agissant de la légalité de la décision de refus de titre de séjour :
3. En premier lieu, Mme B... soutient que le préfet n'a pas procédé à un examen particulier de sa demande. Mais il ne ressort pas des pièces du dossier et, en particulier, de la décision attaquée, que le préfet ne se serait pas livré à un examen particulier de sa situation personnelle. La circonstance que le rejet qui lui a été opposé est intervenu quatre jours après la réception de sa demande est, à cet égard, sans incidence. Ce moyen doit être écarté.
4. En deuxième lieu, l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié prévoit que : " Les dispositions du présent article ainsi que celles des deux articles suivants, fixent les conditions de délivrance et de renouvellement du certificat de résidence aux ressortissants algériens établis en France ainsi qu'à ceux qui s'y établissent, sous réserve que leur situation matrimoniale soit conforme à la législation française. Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : (...) 5) au ressortissant algérien, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus ;(... )" . Et l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales stipule : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".
5. Mme B... est entrée sur le territoire français le 14 septembre 2015 sous couvert d'un visa États Schengen valable du 20 août 2015 au 15 février 2016. Elle indique être restée en France depuis lors, afin d'assister son époux titulaire de certificats de résidence algériens délivrés en raison de son état de santé. Mais, d'une part, il ressort des pièces du dossier que ce dernier n'a pas vocation à se maintenir durablement en France. Et, d'autre part, les documents qu'elle produit au soutien de ses affirmations attestent effectivement de sa présence sur le territoire français à certains moments au cours de cette période mais ne suffisent pas, à eux seuls, à établir l'existence d'une résidence habituelle en France depuis cette date. Sa résidence sur le territoire national est récente. Par ailleurs, Mme B... ne conteste pas conserver ses attaches familiales dans son pays d'origine où elle a vécu au moins jusqu'à l'âge de vingt-neuf ans. Elle ne justifie d'aucune insertion particulière en France. Dans ces conditions, le préfet des Bouches-du-Rhône n'a pas porté au droit de la requérante au respect de sa vie privée et familiale une atteinte excessive et disproportionnée par rapport aux buts en vue desquels cette mesure a été décidée et n'a méconnu ni les stipulations de l'article 6 alinéa 1-5 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ni celles de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950. Il n'a pas davantage entaché sa décision d'erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences sur la situation personnelle et familiale de Mme B....
6. En troisième lieu, l'article 3-1 de la convention relative aux droits de l'enfant signée à New York le 26 janvier 1990 prévoit que : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions politiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale. ".
7. M. B..., époux de la requérante, atteint d'une polyarthrite rhumatoïde dégénérative, n'a pas vocation à se maintenir durablement en France. Rien ne s'oppose, eu égard au très jeune âge des enfants nés entre 2011 et 2015, à la reconstitution de la cellule familiale en Algérie. La décision prise à l'encontre de Mme B... ne méconnaît, par suite, pas les stipulations de l'article 3-1 de la convention des droits de l'enfant.
Sur la légalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français :
8. En premier lieu, le délai de départ volontaire de trente jours accordé à un étranger en application de ces dispositions afin qu'il exécute l'obligation qui lui a été faite de quitter le territoire français constitue un délai équivalent au délai de droit commun le plus long susceptible d'être accordé en application des dispositions de l'article 7 de la directive 2008/115/CE du 16 décembre 2008. L'absence d'octroi d'une prolongation de ce délai n'a pas à faire l'objet d'une motivation spécifique, sauf si l'étranger a présenté une demande tendant au bénéfice d'une telle prolongation. En l'espèce, Mme B... ne justifie, ni même n'allègue, avoir présenté une telle demande. Dans ces conditions, le moyen tiré de l'irrégularité de cet arrêté doit être écarté.
9. En deuxième lieu, les conclusions d'annulation dirigées contre la décision de refus de séjour étant rejetées, Mme B... n'est pas fondée à se prévaloir, par la voie de l'exception, de l'illégalité de cette décision pour soutenir que la décision portant obligation de quitter le territoire français serait privée de base légale.
10. En troisième lieu, pour les mêmes motifs que ceux retenus précédemment au point 5, les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'erreur manifeste d'appréciation doivent doit être rejetés.
11. En quatrième lieu, et pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 7, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3-1 de la convention relative aux droits de l'enfant doit être écarté.
12. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.
Sur les conclusions tendant au sursis à exécution du jugement :
13. Le présent arrêt statuant sur la demande d'annulation du jugement du 6 novembre 2017 du tribunal administratif de Marseille, la requête n° 18MA00299 tendant au sursis à exécution de ce jugement est devenue sans objet.
Sur les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte :
14. Le présent arrêt n'implique aucune mesure d'exécution. Les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte présentées par Mme B...ne peuvent qu'être rejetées.
15. Ses conclusions présentées au titre des frais de procédure seront rejetées par voie de conséquence de ce qui précède.
D É C I D E :
Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur la requête n° 18MA00299 de Mme B....
Article 2 : La requête n° 18MA00298 de Mme B... est rejetée.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... A...épouse B...et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet des Bouches-du-Rhône et à MeD....
Délibéré après l'audience du 18 octobre 2018, où siégeaient :
- Mme Mosser, présidente,
- Mme Paix, présidente assesseure,
- M. Haïli, premier conseiller.
Lu en audience publique le 8 novembre 2018.
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N° 18MA00298, 18MA00299