Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 12 décembre 2013, la SARL L'Acapulco, représentée par Me Mallet, demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du 15 octobre 2013 du tribunal administratif de Marseille ;
2°) de prononcer la décharge demandée.
Elle soutient que :
- s'agissant du rejet de sa comptabilité, le vérificateur n'a pas usé de son droit de communication auprès des fournisseurs lui permettant ainsi d'obtenir le double des factures ; en outre, l'expert comptable détenait un extrait de compte présentant l'exhaustivité des factures émises et tenait un listing des factures non parvenues et provisionnées ; en conséquence, les achats comptabilisés représentaient bien, en dépit de l'absence de présentation des factures, l'exhaustivité des achats réalisés ; l'administration ne peut faire valoir l'absence de justificatifs de recettes pour toute la période puisque les tickets de caisse ont servi de base à la reconstitution elle-même ; en dépit de quelques erreurs qui n'ont pas influé sur les résultats déclarés, la comptabilité était sincère et régulière ;
- la reconstitution de recettes est sommaire voire irrégulière ; la méthode des boissons n'est pas représentative puisque les boissons habituellement vendues les mois d'été, mois importants pour l'entreprise, sont les cafés et les thés mais également les jus de fruits frais ou en bouteilles qui ont été écartés ; l'administration a, par ailleurs, estimé à tort que les boissons achetées faisaient partie du chiffre d'affaires de boissons alors que ces boissons, notamment le lait, les sirops et les jus de fruits peuvent intervenir dans la composition des glaces et dans divers plats en cuisine ;
- s'agissant de l'amende prévue par l'article 1759 du code général des impôts, un courrier émanant du cabinet de Me Mallet en date du 14 octobre 2009 a indiqué l'identité exacte et complète des bénéficiaires des revenus regardés comme distribués et la répartition entre les bénéficiaires à savoir un tiers chacun ; ce courrier doit être regardé comme valable.
Par un mémoire en défense, enregistré le 17 avril 2014, le ministre de l'économie et des finances conclut au rejet de la requête.
Il soutient que :
- la comptabilité de la requérante présentait un caractère irrégulier et non probant ;
- il appartient à la requérante, en application de l'article L. 192 du livre des procédures fiscales, d'apporter la preuve de l'exagération des bases d'imposition établies conformément à l'avis de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires ;
- la méthode dite des glaces n'a pas été retenue par le service ; si la requérante indique que le service n'a pas tenu compte de son activité de restauration, il n'est pas nécessaire de reconstituer l'ensemble des secteurs d'activité pour évaluer correctement les recettes omises ; la reconstitution n'est pas non plus fondée nécessairement sur le secteur d'activité le plus important ; la méthode des boissons mise en oeuvre en l'espèce a été validée ; la reconstitution du chiffre d'affaires de l'activité de boissons a été effectuée à partir du dépouillement intégral des factures d'achats de boissons sur l'exercice 2006 ; l'extrapolation sur l'exercice 2007 du coefficient de marge brute issu de la reconstitution opérée au titre de l'exercice 2006 a été nécessaire du fait de l'absence de présentation d'un grand nombre de factures d'achats sur l'exercice 2007 ; la méthode de reconstitution utilisée par le service n'est, par suite, pas sommaire ; la requérante n'apporte pas la preuve de l'exagération des bases reconstituées ;
- s'agissant de l'amende prévue à l'article 1759 du code général des impôts, et si la requérante a répondu dans les délais impartis, sa réponse initiale était incomplète et la seconde réponse, apportant les précisions réclamées, étant sans valeur juridique.
Vu :
- les autres pièces du dossier ;
- la loi du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques ;
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Markarian,
- les conclusions de M. Maury, rapporteur public,
- en présence de M. A..., gérant de la SARL L'Acapulco.
1. Considérant que la SARL L'Acapulco, qui exploite un commerce de débit de boissons, glacier et restauration rapide sur le port de Carry-le-Rouet, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur les années 2006 et 2007 ; qu'après avoir estimé que la comptabilité de l'établissement n'était pas probante et procédé à la reconstitution des recettes de son activité commerciale, l'administration fiscale lui a notifié des rectifications, selon la procédure contradictoire prévue par les articles L. 55 et suivants du livre des procédures fiscales, en matière d'impôt sur les sociétés et de taxe sur la valeur ajoutée ; que la SARL L'Acapulco, qui a contesté ces rectifications, a saisi la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires, laquelle, dans son avis du 10 mai 2010, a confirmé le rejet de la comptabilité et a validé la méthode de reconstitution des boissons mise en oeuvre par le service ; que la SARL L'Acapulco a sollicité du tribunal administratif de Marseille la décharge des impositions litigieuses et des pénalités correspondantes ; qu'elle relève appel du jugement du 15 octobre 2013 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande en décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos le 31 décembre des années 2006 et 2007 et des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge pour la période du 1er janvier 2006 au 31 décembre 2007, ainsi que des pénalités correspondantes ;
Sur le bien-fondé des impositions :
En ce qui concerne le rejet de la comptabilité :
2. Considérant que la SARL L'Acapulco n'a pas présenté au service, lors des opérations de contrôle, la totalité des bandes de caisse enregistreuse journalières dites tickets Z, contrairement à ce qu'elle soutient ; que le procès-verbal établi par le service le 2 juillet 2009, qui a été signé et remis au gérant de la société, relève ainsi vingt tickets Z manquants sur l'année 2006 et dix pour l'année 2007 ; que la SARL L'Acapulco n'a pas non plus présenté les doubles des notes clients ou les bandes de la caisse enregistreuse ou tout document permettant de vérifier la réalité des ventes, ni les inventaires détaillés des stocks ; que les tickets Z qui ont été présentés font apparaître des ventes de produits pour lesquels aucune facture d'achat n'a été comptabilisée et, inversement, différents achats ont été comptabilisés sans que des factures justificatives n'aient été produites ; que, par ailleurs, les tickets Z qui ont été présentés font apparaître, au titre des exercices 2006 et 2007, des ventes de cidre, de bières et de boissons Ice Tea alors que les factures des achats dépouillées par le service n'en font pas mention ; qu'outre certaines anomalies relevées par le service dans leur chronologie, les tickets Z font apparaître la totalité des ventes comme étant encaissées en espèces alors qu'une partie de ces ventes l'a été sous forme de chèques et tickets restaurant ; qu'eu égard à la nature de l'activité exercée, ces irrégularités faisaient obstacle à la vérification de concordance des ventes avec les achats comptabilisés ; que le service vérificateur, qui a exercé son droit de communication auprès des fournisseurs afin de mener à bien son contrôle, contrairement à ce que soutient la requérante, a pu, à bon droit, tenir la comptabilité de la SARL L'Acapulco pour non probante et procéder à la reconstitution extra-comptable de ses recettes et, par suite, de son bénéfice ;
En ce qui concerne l'exagération des bases d'imposition :
3. Considérant qu'aux termes de l'article L. 192 du livre des procédures fiscales : " Lorsque l'une des commissions visées à l'article L. 59 est saisie d'un litige ou d'une rectification, l'administration supporte la charge de la preuve en cas de réclamation, quel que soit l'avis rendu par la commission. / Toutefois, la charge de la preuve incombe au contribuable lorsque la comptabilité comporte de graves irrégularités et que l'imposition a été établie conformément à l'avis de la commission. La charge de la preuve des graves irrégularités invoquées par l'administration incombe, en tout état de cause, à cette dernière lorsque le litige ou la rectification est soumis au juge " ; que, dès lors que la comptabilité comporte de graves irrégularités et que les rehaussements proposés ont été établis conformément à l'avis émis le 10 mai 2010 par la commission départementale des impôts directs et taxes sur le chiffre d'affaires, il incombe à la SARL L'Acapulco d'établir l'exagération des impositions et rappels litigieux ;
4. Considérant que, pour reconstituer le chiffre d'affaires de la SARL L'Acapulco, le service vérificateur a mis en oeuvre deux méthodes à partir des boissons et à partir des glaces et a finalement fondé ses rectifications sur la méthode dite des boissons dès lors que la méthode dite des glaces, bien que corroborant la précédente, aboutissait à déterminer un chiffre d'affaires un peu supérieur à celui résultant de la mise en oeuvre de la méthode des boissons ; que le service a, au vu des tickets Z qui lui ont été présentés, et pour les mois de février, mai, juillet et octobre des années 2006 et 2007, estimé que les ventes de boissons représentaient respectivement 38,16 % et 39,28 % du chiffre d'affaires global déclaré en 2006 et 2007 ; qu'à partir du dépouillement des achats de boissons sur l'année 2006, hormis les jus de fruits naturels pour lesquels les factures d'achats auprès du fournisseur " Citron vert " n'ont pas permis d'identifier les fruits servant à la confection des jus et cocktails, le service a ensuite reconstitué le chiffre d'affaires de l'activité " boissons " à partir du dépouillement des factures d'achats présentées pour l'année 2006, des doses indiquées sur les cartes proposées en 2009 et d'après les éléments fournis par le gérant lors des entretiens avec le service et en appliquant, contrairement à ce que soutient la requérante, les tarifs de vente de l'année 2006 ; que le service a par ailleurs, à défaut d'éléments apportés par la requérante, appliqué des réfactions à raison des pertes, casses, coulages et prélèvements selon les usages de la profession, qui ne sont pas contestés utilement par la société ;
5. Considérant que la circonstance que la comptabilité de la SARL L'Acapulco a été regardée comme non probante ne faisait pas obstacle à ce que certains éléments tirés de cette comptabilité soient retenus par l'administration pour fonder les redressements ; que si la requérante fait valoir que la méthode de reconstitution mise en oeuvre ne peut refléter son activité de vente, à parts égales selon elle, de boissons, de glaces et de petite restauration, l'administration fiscale, qui a au demeurant mis en oeuvre deux méthodes, n'avait pas l'obligation de reconstituer les recettes afférentes aux trois activités de la société, constituées par le restaurant, le bar et les glaces, dès lors que, pour déterminer les recettes globales, elle pouvait procéder à une reconstitution d'une partie du chiffre d'affaires et reconstituer à proportion le chiffre d'affaires global compte tenu, en l'espèce, de l'absence de nombreuses pièces justificatives de recettes ; que la requérante n'est pas fondée à soutenir que la méthode ferait double emploi du fait de l'utilisation de boissons pour la confection des glaces dès lors qu'elle n'a fourni aucune précision chiffrée sur les volumes de boissons utilisées pour la confection des glaces et que le lait entrant dans la composition des milk-shakes, qui représentent 20 % des glaces, n'a pas en tout état de cause été retenu dans la reconstitution des boissons ; que le service n'ayant pu procéder, compte tenu de l'absence d'un grand nombre de factures d'achats pour l'année 2007, à une reconstitution matières, a, en l'absence de modification particulière dans les conditions d'exercice de l'exploitation en 2007 de cet établissement, qui a fermé pour travaux le 19 novembre 2007, le nombre de salariés étant par ailleurs identique à l'année 2006, extrapolé sur 2007 le coefficient de marge brute retenu pour 2006 ; que la société requérante, qui fait valoir que l'administration ne pouvait se borner à transposer à cet exercice 2007 le coefficient de marge brute retenu pour l'exercice 2006, n'établit pas que des changements seraient survenus dans ses conditions d'exploitation, qui auraient eu pour effet de modifier, d'un exercice sur l'autre, son coefficient de marge brute ; qu'elle ne démontre pas davantage qu'en retenant les mois de février, mai, juillet et octobre des années 2006 et 2007, la méthode du vérificateur serait sommaire ou viciée dans son principe ; que le contribuable n'apporte ainsi aucun élément probant permettant d'établir que le chiffre d'affaires reconstitué serait incohérent et ne propose d'ailleurs aucune méthode alternative ; qu'il suit de là que la SARL L'Acapulco n'apporte pas la preuve qui lui incombe du caractère excessif du chiffre d'affaires reconstitué pour les périodes litigieuses ;
Sur l'amende prévue par l'article 1759 du code général des impôts :
6. Considérant qu'aux termes du 1 de l'article 109 du code général des impôts : " Sont considérés comme revenus distribués : 1° Tous les bénéfices et produits qui ne sont pas mis en réserve ou incorporés au capital (...) " ; qu'aux termes de l'article 117 du même code : " Au cas où la masse des revenus distribués excède le montant total des distributions tel qu'il résulte des déclarations de la personne morale visée à l'article 116, celle-ci est invitée à fournir à l'administration, dans un délai de trente jours, toutes indications complémentaires sur les bénéficiaires de l'excédent de distribution. En cas de refus ou à défaut de réponse dans ce délai, les sommes correspondantes donnent lieu à l'application de la pénalité prévue à l'article 1759 " et qu'aux termes de l'article 1759 du même code : " Les sociétés et les autres personnes morales passibles de l'impôt sur les sociétés qui versent ou distribuent, directement ou par l'intermédiaire de tiers, des revenus à des personnes dont, contrairement aux dispositions des articles 117 et 240, elles ne révèlent pas l'identité, sont soumises à une amende égale à 100 % des sommes versées ou distribuées. Lorsque l'entreprise a spontanément fait figurer dans sa déclaration de résultat le montant des sommes en cause, le taux de l'amende est ramené à 75 % " ;
7. Considérant que la circonstance que l'administration connaîtrait ou serait en mesure de connaître l'identité des bénéficiaires des distributions, ainsi que le soutient la société requérante selon laquelle l'administration disposait de l'extrait K bis et des statuts de la société, ne lui interdisait pas d'adresser à la société la demande de désignation prévue par l'article 117 du code général des impôts et ne faisait pas obstacle à ce qu'elle lui applique, à défaut de réponse de sa part ou en cas de refus de répondre dans le délai imparti à l'invitation qui lui a été adressée, la pénalité prévue, en pareil cas, par l'article 1759 du même code précité ;
8. Considérant qu'il résulte de l'instruction que l'administration a invité la SARL L'Acapulco, dans la proposition de rectification du 28 juillet 2009, à désigner les bénéficiaires des revenus réputés distribués ; que l'avocat de la requérante s'est borné, à l'appui de ses observations adressées, en temps utile, ce qui n'est pas contesté, le 8 septembre 2009, à désigner " sous réserve de vérifications ultérieures, les deux associés et le gérant " ; que cette réponse était insuffisante faute de comporter l'identité exacte de chacun des bénéficiaires et la part des sommes distribuées leur revenant ; que la société ne peut dès lors être regardée comme ayant révélé l'identité des bénéficiaires des distributions ; que cette réponse n'étant pas suffisamment précise, l'administration soutient, sans être contredite, avoir invité la société L'Acapulco à fournir les compléments d'information qu'elle souhaitait obtenir ; que le courrier adressé par télécopie le 14 octobre suivant à l'administration, s'il comportait les noms des bénéficiaires des revenus réputés distribués et le pourcentage de répartition entre eux de ces revenus, a été établi sur un papier à en-tête du cabinet de Me Mallet, avocat à la Cour et représentant de la requérante, qui ne comportait toutefois qu'une signature pour ordre sans qualité ni nom du signataire ; que ce courrier ne peut dès lors être regardé comme ayant été régulièrement signé par l'avocat de la requérante au regard des articles 4 et 6 de la loi du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques ; que l'administration fiscale était, par suite, en droit d'appliquer à la SARL L'Acapulco l'amende prévue à l'article 1759 du code général des impôts ;
9. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la SARL L'Acapulco n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la SARL L'Acapulco est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SARL L'Acapulco et au ministre des finances et des comptes publics.
Copie en sera adressée à la direction de contrôle fiscal Sud-Est.
Délibéré à l'issue de l'audience du 21 janvier 2016, à laquelle siégeaient :
- M. Bédier, président de chambre,
- Mme Paix, président assesseur,
- Mme Markarian, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 11 février 2016.
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N° 13MA04931 2