Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 13 juillet 2017, le ministre de l'action et des comptes publics demande à la Cour :
1°) d'annuler les articles 1er et 2 de ce jugement du 17 mars 2017 du tribunal administratif de Marseille ;
2°) de remettre à la charge de M. et Mme B...la somme de 3 523 euros au titre de l'impôt sur le revenu de l'année 2013.
Il soutient que :
- la résiliation du bail étant intervenue le 30 novembre 2012, la reprise de la réduction d'impôt d'un total de 17 936 euros, correspondant aux années 2007 à 2011, devait être étalée sur trois ans à compter de 2012, en application du cinquième alinéa de l'article 199 decies E du code général des impôts, soit la somme de 5 979 euros au titre de l'année 2013 ;
- la décharge prononcée par le tribunal administratif, d'un montant de 4 912 euros, correspondant aux deux tiers de la somme de 7 368 euros déclarée par les époux B...procède d'un calcul erroné, puisque le montant total de la reprise est de 17 636 euros et non 7 368 euros ;
- l'imposition des époux B...doit ainsi être rétablie à hauteur de 3 523 euros.
Par un mémoire en défense, enregistré le 5 septembre 2017, M. et MmeB..., représentés par MeC..., concluent au rejet de la requête et demandent à la Cour, par la voie de l'appel incident, de :
1°) à titre principal, de prononcer la réduction de la cotisation d'impôt sur le revenu à laquelle ils ont été assujettis au titre de l'année 2013 à concurrence de la somme de 7 368 euros ;
2°) à titre subsidiaire, de confirmer le jugement du tribunal administratif de Marseille ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- le licenciement de MmeB..., intervenu en 2008 pour raisons de santé, est une cause exonératoire de la reprise de la réduction d'impôt dont ils ont bénéficié en application de la doctrine administrative référencée BOI-IR-RICI-50-10-30 n° 20 ;
- ils peuvent se prévaloir de cette doctrine dès lors qu'ils ont sollicité la dispense de reprise dès leur déclaration de revenus ;
- la volonté de vendre le bien s'est manifestée dès le licenciement de MmeB..., avant les déboires du gestionnaire, même s'ils n'ont pu trouver un acquéreur, ni la loi, ni la doctrine n'imposant un délai maximal entre le licenciement et la rupture de la location ;
- la vacance du logement ne leur est pas imputable ;
- à titre subsidiaire, il convient de valider le calcul de la reprise effectué par le tribunal administratif.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la Cour a désigné Mme Paix, présidente assesseure, pour présider la formation de jugement en cas d'absence ou d'empêchement de Mme Mosser, présidente de la 3ème chambre, en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Courbon,
- les conclusions de M. Ouillon, rapporteur public,
- et les observations de MeC..., représentant M. et MmeB....
Considérant ce qui suit :
1. M. et Mme B...ont spontanément déclaré, au titre de l'impôt sur le revenu l'année 2013, une reprise de réduction d'impôt dont ils avaient antérieurement bénéficié en application des dispositions de l'article 199 decies E du code général des impôts, d'un montant de 7 368 euros, avant d'en solliciter, en vain, la restitution à l'administration fiscale. Le ministre de l'action et des comptes publics relève appel du jugement du 17 mars 2017 par lequel le tribunal administratif de Marseille a prononcé la décharge partielle de cette reprise. Par la voie de l'appel incident, M. et Mme B...demandent la décharge totale de la somme en litige, ou à titre subsidiaire, la confirmation du jugement du tribunal administratif de Marseille.
Sur les conclusions présentées à titre incident par M. et MmeB... concernant le principe de l'imposition :
2. Aux termes de l'article 199 decies E du code général des impôts : " Tout contribuable qui, entre le 1er janvier 1999 et le 31 décembre 2010, acquiert un logement neuf ou en l'état futur d'achèvement faisant partie d'une résidence de tourisme classée dans une zone de revitalisation rurale et qui le destine à une location dont le produit est imposé dans la catégorie des revenus fonciers bénéficie d'une réduction d'impôt sur le revenu. (...) / Le propriétaire doit s'engager à louer le logement nu pendant au moins neuf ans à l'exploitant de la résidence de tourisme. Cette location doit prendre effet dans le mois qui suit la date d'achèvement de l'immeuble ou de son acquisition, si elle est postérieure. (...) En cas de cession du logement, la réduction pratiquée fait l'objet d'une reprise au titre de l'année de la cession. En cas de rupture de l'engagement de location pendant une durée supérieure à douze mois en cas de liquidation judiciaire de l'exploitant, de résiliation ou de cession du bail commercial par l'exploitant, ou de mise en oeuvre par les propriétaires du bénéfice de la clause contractuelle prévoyant la résiliation du contrat à défaut de paiement du loyer par l'exploitant, la réduction d'impôt fait l'objet d'une reprise pour le tiers de son montant au titre de l'année de la rupture de l'engagement de location et de chacune des deux années suivantes. La réduction pratiquée ne fait pas l'objet d'une reprise si les copropriétaires substituent au gestionnaire défaillant de la résidence de tourisme une ou un ensemble d'entreprises qui assurent les mêmes prestations sur la période de location restant à couvrir conformément aux prescriptions légales, dans des conditions fixées par décret. (...) ".
3. M. et Mme B...ont acquis en 2006, dans le cadre d'une vente en l'état futur d'achèvement, un appartement situé dans un ensemble immobilier dénommé " Le domaine des gazelles " à Carjac, dans le département du Lot, éligible au dispositif fiscal prévu par les dispositions précitées, relatif aux investissements dans des résidences de tourisme situées en zone de revitalisation rurale. Il résulte de l'instruction qu'à la suite de l'ouverture, par jugement du 26 mars 2012, d'une procédure de sauvegarde de la société Résitel, locataire exploitant du bien au titre duquel la réduction d'impôt a été appliquée, M. et Mme B...se sont vus proposer, par courrier du 26 mars 2012, un avenant au bail commercial qu'ils avaient conclu avec cette société prévoyant une réduction du loyer initial. Ils ont également été destinataires d'un courrier de l'administrateur judiciaire daté du 22 novembre 2012 les informant qu'à défaut de réponse à cette proposition avant le 30 novembre 2012, le bail commercial serait résilié à cette date en application des articles L. 622-13 et L. 622-14 du code de commerce. Les intéressés ayant présenté une contreproposition le 10 décembre 2012, postérieurement à cette date, la résiliation du bail doit être regardée comme étant intervenue le 30 novembre 2012.
4. M. et Mme B...soutiennent que la rupture de l'engagement locatif résulte d'un évènement antérieur, constitué par le licenciement pour inaptitude physique de Mme B...intervenu en 2008. Toutefois, ils ne démontrent pas avoir vainement tenté de vendre leur bien à cette période en se bornant à produire un mandat de vente d'une agence immobilière, non daté ni signé. Par ailleurs, il est constant que le bail conclu avec la société Résitel a continué à produire ses effets jusqu'au 30 novembre 2012, les intéressés ayant, au cours de cette période, perçu les loyers et bénéficié des réductions d'impôt afférentes au dispositif mis en oeuvre. Dans ces conditions, ils ne sont pas fondés à soutenir que c'est le licenciement de Mme B...qui aurait motivé la rupture de l'engagement de location en litige. Au contraire, il résulte de ce qui a été dit au point 3 ci-dessus que cette rupture n'est intervenue qu'au 30 novembre 2012, et à l'initiative de la société Résitel, gestionnaire du logement. Enfin, et dès lors que M. et Mme B..., qui ont à nouveau mis leur logement en vente au cours de l'année 2013, n'ont pas confié celui-ci à un autre gestionnaire en vue de la poursuite de leur engagement locatif, ni même n'ont tenté de le faire, ils ne sont pas fondés à obtenir, sur le terrain de la loi fiscale, une dispense de reprise des réductions d'impôt dont ils ont antérieurement bénéficié, mais seulement un étalement sur trois années de cette reprise, telle que prévue par les dispositions précitées de l'article 199 decies E du code général des impôts.
5. Aux termes de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales : " Il ne sera procédé à aucun rehaussement d'impositions antérieures si la cause du rehaussement poursuivi par l'administration est un différend sur l'interprétation par le redevable de bonne foi du texte fiscal et s'il est démontré que l'interprétation sur laquelle est fondée la première décision a été, à l'époque, formellement admise par l'administration. / Lorsque le redevable a appliqué un texte fiscal selon l'interprétation que l'administration avait fait connaître par ses instructions ou circulaires publiées et qu'elle n'avait pas rapportée à la date des opérations en cause, elle ne peut poursuivre aucun rehaussement en soutenant une interprétation différente. (...)".
6. M. et Mme B...invoquent, sur le fondement de ces dispositions, la doctrine référencée BOI-IR-RICI-50-10-30 n° 20 aux termes de laquelle : " Par mesure de tempérament, il est également admis de ne pas remettre en cause la réduction d'impôt précédemment accordée lorsque le non-respect de l'engagement résulte de l'un des évènements suivants : (...) / - rupture du contrat de travail à l'initiative de l'employeur. Il s'agit des salariés licenciés ou mis à la retraite. ". Toutefois, d'une part, le présent litige, qui concerne une demande de restitution d'impôt que les contribuables ont acquitté spontanément, ne trouve pas sa source dans un rehaussement d'imposition poursuivi par l'administration. D'autre part, M. et Mme B...ne démontrent pas avoir, dans leur déclaration de revenus de l'année 2013, sollicité l'application de cette doctrine, le courrier qu'ils produisent à cette fin n'étant pas daté et ne comportant aucune mention tendant à démontrer qu'il aurait été joint à cette déclaration. Enfin, et en tout état de cause, ils n'entrent pas dans les prévisions de cette doctrine dès lors qu'ainsi qu'il a été dit aux points 3 et 4 ci-dessus, la rupture de l'engagement de location ne résulte pas du licenciement de MmeB..., mais de la résiliation du bail commercial par l'administrateur judiciaire de la société gestionnaire Résitel.
7. Il résulte de ce qui précède que les conclusions incidentes présentées par M. et Mme B... tant à titre principal qu'à titre subsidiaire et relatives au principe de l'imposition doivent être écartées.
Sur les conclusions présentées à titre principal par le ministre de l'action et des comptes publics concernant le montant de la décharge accordée par le tribunal administratif de Marseille :
8. La résiliation du bail commercial étant intervenue le 30 novembre 2012, il résulte des dispositions précitées de l'article 199 decies E du code général des impôts que la reprise de la réduction d'impôt dont ont bénéficié les époux B...doit être opérée en trois fois, au titre de l'année de rupture de l'engagement de location, soit 2012, et des deux années suivantes. Il résulte de l'instruction, et notamment des écritures du ministre de l'action et des comptes publics, non contestées sur ce point, que les époux B...ont bénéficié d'une réduction d'impôt d'un montant total de 17 936 euros au cours de la période précédant la résiliation du bail, de 2007 à 2011. Ainsi, la reprise applicable au titre de l'année 2013, seule en litige ici, s'élève au tiers de cette somme, soit 5 979 euros. Les contribuables ayant acquitté une somme de 7 368 euros, ils pouvaient prétendre à une décharge de 1 389 euros (7 368 euros - 5 979 euros). Le tribunal administratif de Marseille ayant accordé une décharge de 4 912 euros, il y a lieu de remettre à la charge de M. et Mme B...la différence de 3 523 euros (4 912 euros -1 389 euros).
9. Il résulte de ce qui précède que le ministre de l'action et des comptes publics est seulement fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement contesté, le tribunal administratif de Marseille a prononcé la réduction de la cotisation d'impôt sur le revenu à laquelle M. et Mme B... ont été assujettis au titre de l'année 2013 à concurrence de la somme de 4 912 euros et à solliciter le rétablissement de l'imposition à hauteur de la somme de 3 523 euros.
Sur les frais applicables au litige en première instance et en appel :
10. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. ".
11. Si le ministre de l'action et des comptes publics demande l'annulation de l'article 2 du jugement du 17 mars 2017 par lequel le tribunal administratif a mis à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros en application de ces dispositions, il ne présente, sur ce point, aucune critique de la décision des premiers juges, lesquels n'ont pas commis d'erreur d'appréciation en allouant cette somme aux épouxB..., qui pouvaient bien prétendre à une réduction de l'imposition contestée.
12. En revanche, les dispositions précitées de l'article L. 761 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante. Par suite, les conclusions présentées à ce titre par M. et Mme B...ne peuvent qu'être rejetées.
D E C I D E :
Article 1er : La somme de 3 523 euros est remise à la charge de M. et Mme B...au titre de l'impôt sur le revenu de l'année 2013.
Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Marseille du 17 mars 2017 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête du ministre de l'action et des comptes publics est rejeté.
Article 4 : Les conclusions incidentes présentées par M. et Mme B...sont rejetées.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'action et des comptes publics et à M. et Mme A...B....
Copie en sera adressée à la direction de contrôle fiscal Sud-Est Outre-mer.
Délibéré après l'audience du 28 mars 2019, où siégeaient :
- Mme Paix, présidente assesseure, présidente de la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,
- M. Haïli, premier conseiller,
- Mme Courbon, premier conseiller.
Lu en audience publique le 11 avril 2019.
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N°17MA02992