Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 19 octobre 2017, la SAS Murtoli, représentée par Me A..., demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du 7 septembre 2017 du tribunal administratif de Bastia ;
2°) prononcer la restitution de la somme de 32 454 euros au titre d'un crédit constitué pour l'exercice clos en 2015.
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
La société requérante soutient :
- le jugement est irrégulier en ce qu'il mentionne par erreur le nom de la partie adverse, direction des finances publiques de Haute Corse, au lieu de Corse du Sud ;
- l'ensemble des investissements liés à la spécificité de l'établissement hôtelier en cause et rejetés par l'administration est éligible au crédit d'impôt prévu par les dispositions de l'article 244 quater E du code général des impôts et aux termes des prévisions de l'instruction administrative référencée BOI-BIC-AMT-20-20-20-10 paragraphe 320 du 12 septembre 2012.
Par un mémoire en défense, enregistré 5 mars 2018, le ministre chargé du budget conclut au rejet de la requête.
Il soutient qu'aucun des moyens soulevés par la société requérante n'est fondé.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la Cour a désigné Mme Paix, présidente assesseure, pour présider la formation de jugement en cas d'absence ou d'empêchement de Mme Mosser, présidente de la 3ème chambre, en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Haïli,
- et les conclusions de M. Ouillon, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. La SAS Murtoli, qui exploite un établissement hôtelier sur la commune de Sartène, a demandé à l'administration fiscale, sur le fondement de l'article 244 quater E du code général des impôts, le remboursement d'une somme de 637 455 euros au titre d'un crédit d'impôt pour investissement en Corse au titre de l'exercice clos en 2015. Par décision du 17 août 2016, l'administration fiscale a partiellement rejeté sa demande, à hauteur de 32 454 euros, en estimant que certains investissements ne répondaient pas à la définition d'équipement amortissable selon le mode dégressif. La SAS Murtoli relève appel du jugement n° 1601011 du 7 septembre 2017 par lequel le tribunal administratif de Bastia a rejeté sa demande de remboursement de ladite somme.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Aux termes de l'article R. 741-2 du code de justice administrative, le jugement " contient le nom des parties, l'analyse des conclusions et mémoires ainsi que les visas des dispositions législatives ou réglementaires dont elle fait application (...)".
3. Si c'est à tort que le tribunal administratif de Bastia a considéré que le mémoire en défense du 31 mars 2017 émanait de la direction départementale des finances publiques de Haute Corse, cette erreur de plume est sans incidence sur la régularité du jugement. Par ailleurs, contrairement à ce que soutient la requérante, les premiers juges ont régulièrement notifié et visé les actes de procédure postérieurement au 1er septembre 2016 au directeur départemental des finances publiques de Haute Corse qui était devenu compétent pour représenter l'Etat dans cette instance en vertu de l'article R. 200-4 du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction issue du décret n° 2016-1099 du 11 août 2016. Par suite, le jugement est régulier.
Sur l'éligibilité des investissements réalisés au crédit d'impôt pour investissement en Corse :
4. Aux termes de l'article 244 quater E du code général des impôts dans sa rédaction applicable à l'espèce : " I.- 1° Les petites et moyennes entreprises relevant d'un régime réel d'imposition peuvent bénéficier d'un crédit d'impôt au titre des investissements, autres que de remplacement, financés sans aide publique pour 25 % au moins de leur montant, réalisés jusqu'au 31 décembre 2016 et exploités en Corse pour les besoins d'une activité (...) commerciale (...). 3° Le crédit d'impôt prévu au 1° est égal à 20 % du prix de revient hors taxes : a. Des biens d'équipement amortissables selon le mode dégressif en vertu des 1 et 2 de l'article 39 A et des agencements et installations de locaux commerciaux habituellement ouverts à la clientèle créés ou acquis à l'état neuf (...) b. Des biens, agencements et installations visés au a pris en location, au cours de la période visée au 1°, auprès d'une société de crédit-bail régie par le chapitre V du titre Ier du livre V du code monétaire et financier ; (...) d. Des travaux de rénovation d'hôtel. ". Aux termes de l'article 39 A du même code : " 1. L'amortissement des biens d'équipement, autres que les immeubles d'habitation, les chantiers et les locaux servant à l'exercice de la profession, acquis ou fabriqués à compter du 1er janvier 1960 par les entreprises industrielles, peut être calculé suivant un système d'amortissement dégressif, compte tenu de la durée d'amortissement en usage dans chaque nature d'industrie. Un décret en Conseil d'Etat fixe les modalités de l'amortissement dégressif. 2. Les dispositions du 1 sont applicables dans les mêmes conditions : 1° Aux investissements hôteliers, meubles et immeubles (...) ". Aux termes de l'article 22 de l'annexe II au même code : " Les entreprises passibles de l'impôt sur les sociétés (...) peuvent amortir suivant un système dégressif (...) les immobilisations acquises (...) et énumérées ci-après : (...) Immeubles et matériels des entreprises hôtelières. Sont exclus du bénéfice de l'amortissement dégressif les biens qui étaient déjà usagés au moment de leur acquisition par l'entreprise ainsi que ceux dont la durée normale d'utilisation est inférieure à trois ans. ".
5. Il résulte de ce qui précède que, sont éligibles au crédit d'impôt prévu par ces dispositions, les investissements relatifs aux biens d'équipement amortissables selon le mode dégressif, les agencements et installations de locaux commerciaux habituellement ouverts à la clientèle, ainsi que les travaux de rénovation d'hôtel. En outre, ces investissements ne doivent pas avoir pour objet le remplacement d'investissements déjà exploités en Corse pour les besoins de la même activité. Seuls peuvent être regardés comme des investissements hôteliers, visés par les dispositions du 2 précité de l'article 39 A du code général des impôts, les investissements en immeubles et en matériels acquis par des entreprises qui ont pour objet l'exercice de la profession hôtelière.
6. La société requérante demande la prise en compte de l'acquisition de deux véhicules de marque Dacia et fait valoir que la disposition géographique particulière de son établissement hôtelier implique l'usage de ce véhicule par le gérant pour se déplacer et effectuer les liaisons entre les différents secteurs du domaine hôtelier. Toutefois, l'achat de ces véhicules dont le caractère directement nécessaire à l'activité hôtelière n'est pas établi, ne relève d'aucune des catégories de biens énumérées à l'article 22 de l'annexe II au code général des impôts. Ces véhicules ne peuvent être regardés comme des biens d'équipement de la nature de ceux qui sont normalement utilisés dans leur activité productive par des entreprises hôtelières. Par suite, la société requérante n'est pas fondée à soutenir, sur le terrain de la loi fiscale, qu'elle est en droit de procéder à l'amortissement dégressif des biens en cause sur le fondement des dispositions précitées, et que lesdits véhicules peuvent ouvrir droit au bénéfice des dispositions de l'article 244 quater E du code général des impôts.
7. La société requérante demande l'éligibilité des biens pris en location hors crédit-bail et des dépenses d'entretien et de réparation de matériel loué et d'acquisition d'une tondeuse et fait valoir que ces dépenses sont destinées à des travaux de construction au sein du domaine hôtelier entrant dans le champ des dispositions des articles 244 quater E 3° a) et d) du code général des impôts. Toutefois, la société requérante, qui ne fournit aucun détail de ces dépenses, n'établit par aucun commencement de preuve que l'acquisition d'une tondeuse concerne directement des dépenses d'équipement hôtelier. Par ailleurs, ces dépenses ne sont pas relatives à des biens créés ou acquis à l'état neuf ou pris en location auprès d'une société de crédit-bail. Par suite, la société requérante n'est pas fondée à demander le bénéfice du crédit d'impôt pour investissement en Corse pour lesdites dépenses.
8. Enfin, si la société requérante demande le bénéfice de ces dispositions pour des dépenses de plants et frais de clôture et de main d'oeuvre afférente, en soutenant qu'ils font partie de la structure du domaine hôtelier, elle n'apporte aucun commencement de preuve que ces dépenses seraient directement liées à son activité productive d'entreprise hôtelière.
Sur l'application de la doctrine :
9. Aux termes de l'article L. 80 A du code général des impôts : " Il ne sera procédé à aucun rehaussement d'impositions antérieures si la cause du rehaussement poursuivi par l'administration est un différend sur l'interprétation par le redevable de bonne foi du texte fiscal et s'il est démontré que l'interprétation sur laquelle est fondée la première décision a été, à l'époque, formellement admise par l'administration. / " Lorsque le redevable a appliqué un texte fiscal selon l'interprétation que l'administration avait fait connaître par ses instructions ou circulaires publiées et qu'elle n'avait pas rapportée à la date des opérations en cause, elle ne peut poursuivre aucun rehaussement en soutenant une interprétation différente. Sont également opposables à l'administration, dans les mêmes conditions, les instructions ou circulaires publiées relatives au recouvrement de l'impôt et aux pénalités fiscales. ".
10. La garantie prévue par le premier alinéa de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales ne peut être invoquée que pour contester les rehaussements d'impositions auxquels procède l'administration fiscale. Ainsi, la SAS Murtoli ne peut, en tout état de cause, se prévaloir de l'instruction administrative référencée BOI-BIC-AMT-20-20-20-10 paragraphe 320 du 12 septembre 2012 pour contester le refus de l'administration de faire droit à sa demande tendant au bénéfice du crédit d'impôt institué par les dispositions de l'article 244 quater E du code général des impôts.
11. Il résulte de ce qui précède que la SAS Murtoli n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bastia a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions tendant au versement de frais liés au litige ne peuvent être que rejetées.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de la SAS Murtoli est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SAS Murtoli et au ministre de l'action et des comptes publics.
Copie en sera adressée à la direction de contrôle fiscal Sud-Est Outre-mer.
Délibéré après l'audience du 28 mars 2019, à laquelle siégeaient :
- Mme Paix, présidente assesseure, présidente de la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,
- M. Haïli, premier conseiller,
- Mme Courbon, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 11 avril 2019.
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N° 17MA04110